La scène se passe au Koweït, au début des années 1940. Une femme couverte d’un voile s’exprime en hébreu : « Avant que nos pas disparaissent et que nos vies tombent dans la mémoire, nous serons perdus dans le temps », déclare-t-elle, émue. « Nous sommes les Juifs du Golfe qui sommes nés sur cette terre. » Sous-titré en arabe, ce monologue signe le lancement de la série Umm Haroun (La Mère d’Aaron), diffusée depuis vendredi dans le monde arabe à l’occasion du début du ramadan.
C’est la première fois qu’une série arabe évoque ainsi la présence historique de Juifs dans la région. À l’origine de cette « révolution », la chaîne émirienne MBC, rachetée en 2018 par l’Arabie saoudite.
تبيّن هدف مسلسل #أم_هارون من أولى
حلقاته، حيث قالت بالعبرية إحدى ممثلات
هذا العمل: "قبل أن يختفي أثرنا كله، وتتحول
حياتنا إلى ذكرى ونضيع في زحمة الحياة، قبل
أن نطوى في دفاتر السنين، قررت أن أكتب عنا
وعن ما يخصنا كله، وأوثق كل شيء عنا: نحن
يهود الخليج" pic.twitter.com/V7j85KtJFs— عامر يحيى (@Aameryah3) April 25, 2020
Autre série, autre scène. Deux hommes saoudiens sont confortablement installés dans un canapé. Portant la dishdasha (longue robe traditionnelle), ils débattent autour de l’opportunité de commercer avec Israël. Un véritable tabou, alors que leur pays ne reconnaît toujours pas officiellement l’État hébreu en l’absence de résolution du conflit israélo-palestinien. Tandis que l’un des acteurs, peu enclin à investir en Israël, rappelle que les « Palestiniens ont dû faire face aux chars israéliens durant l’intifada », son interlocuteur réplique que les « Palestiniens attaquent l’Arabie saoudite malgré tout ce qu’elle a fait pour eux ». Une critique souvent émise, en coulisse, par les responsables saoudiens, excédés par l’absence de progrès dans le « processus de paix ». Et désormais publiquement formulé dans la série Makhraj 7 (Sortie 7), diffusée elle aussi depuis vendredi sur MBC à l’occasion du début du mois de ramadan.
The controversial scene shown during Ramadan on Saudi TV in which one Saudi actor advocates for normalization with Israel against Palestinians, saying Palestinians attack Saudi Arabia despite everything it did for them over the decades: pic.twitter.com/s2VzwQza7X
— Hassan Hassan (@hxhassan) April 27, 2020
Riyad et Tel-Aviv alliés objectifs
La production de séries arabes à gros budget est habituelle durant tout le mois saint, afin de captiver les foyers à travers la région, au-delà de leur appartenance à un pays. Un véritable outil d’influence qui permet également aux États producteurs, notamment dans le Golfe, de distiller des messages politiques. Ainsi, la sympathie affichée pour le peuple juif dans La Mère d’Aaron ou la normalisation des relations avec d’Israël, évoquée dans Sortie 7, ne doivent rien au hasard. La série « Umm Haroun délivre un message d’humanité », explique à l’agence de presse Reuters un porte-parole de la chaîne MBC. « C’est aussi un message de tolérance, de modération et d’ouverture, mettant en valeur le fait que le Moyen-Orient était autrefois une région où l’acceptation de l’autre était la règle par rapport à l’interprétation extrémiste erronée et stéréotypée des dernières décennies. »
Cette « révolution télévisuelle » s’inscrit dans le cadre du rapprochement opéré ces dernières années par les pays du Golfe, en tête desquels l’Arabie saoudite, et l’État hébreu. Unis par une crainte commune de l’Iran, Riyad et Tel-Aviv sont aujourd’hui devenus des alliés objectifs contre la République islamique. S’ils n’entretiennent pas officiellement de relations diplomatiques, les deux pays coopèrent notamment sur le plan du renseignement face aux « ingérences » de Téhéran au Moyen-Orient. Plusieurs rencontres entre responsables de haut rang ont eu lieu ces dernières années à Oman, Bahreïn et aux Émirats arabes unis, et Israël a également envoyé dans le Golfe des délégations sportives. L’État hébreu a également signé fin janvier un décret autorisant ses citoyens à voyager en Arabie saoudite.
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