D’importants stocks de sorbitol ont été retrouvés en Irak dans les dépôts de munitions de Daech. Ce dérivé du sucre, qui servait à propulser les roquettes de l’organisation terroriste, a été produit en Picardie par le groupe agroalimentaire Tereos.
Mais pourquoi Arthur Rimbaud renonça-t-il si jeune à la poésie pour une vie d’aventures, négociant des armes et visitant des terres parcourues de conflits? On s’interroge encore. Quelle relation entretiendraient les artisans en littérature avec les zones bouleversées de la planète, où triomphent les chefs de guerre? Il suffit de demander à l’un des lointains collègues du poète.
Damien Spleeters vit en Belgique, quand il ne court pas l’Irak ou la Syrie. A 31 ans, il a déjà connu une carrière dans les lettres. Adepte de la poésie performative, il a naguère scandé ses textes sur des scènes de Bruxelles et de New York, et a été récompensé de plusieurs prix, notamment en 2010 par l’Académie royale de langue et de littérature de Belgique. Ses séjours sur des territoires où sévissent les milices de Daech s’imposent à lui telle une évidence :
« C’est une évolution naturelle, une quête de vérité tout comme l’écriture, mais moins restreinte. Dans les arts, il y a tellement de postures. Là, on est au plus près de la réalité, dans ce qu’elle a de plus concret et de surprenant. »
Aujourd’hui, il supervise les recherches sur les moyens militaires de Daech en Irak et en Syrie, pour le compte de l’agence Conflict Armament Research (CAR), une structure chargée par l’Union européenne de répertorier les armes du groupe Etat islamique et de gérer des bases de données afin de prévenir leur circulation. Son prochain rapport paraîtra le 20 décembre.
Un premier stock repéré en novembre 2016
En ce mois d’octobre 2017, nous nous retrouvons dans les rues de Gand, dans un restaurant design au milieu d’un quartier piéton planté de boutiques de mode devant lesquelles passe une jeunesse fuselée, slim chic. Comme souvent, depuis près d’un an, nos discussions portent sur de singulières découvertes que son groupe a effectuées : un sucre, le sorbitol, un ingrédient trouvé par quantités colossales dans les dépôts de munitions de Daech. Soixante-dix-huit tonnes au moins. Or, sans aucun doute, ce sorbitol arrive de France et a permis aux légions islamistes de produire des milliers d’armes.
Le premier stock a été repéré le 12 novembre 2016, près de Mossoul, dans le nord de l’Irak, dans un bâtiment tout juste abandonné par Daech. A l’époque, CAR a brièvement mentionné cette trouvaille dans un rapport, sans se douter de l’étendue du négoce dont il résultait ni des raisons pour lesquelles les islamistes lui accordaient la plus grande importance. Depuis, d’autres réserves de sorbitol français ont été rencontrées dans des caches de Daech, la dernière il y a trois mois, le 17 septembre, à Tal Afar, à 80 km de la frontière syrienne. Au fil du temps, nous avons reconstitué le scénario du road trip qui avait rendu ces livraisons possibles, et compris l’intérêt de l’organisation Etat islamique pour cette substance.
Des fabriques d’armement
Le sorbitol en question se présente sous la forme de cristaux blancs ; nous en avons tous déjà ingurgité, par exemple en mâchouillant un Stimorol ou un Malabar. Couramment, il entre dans la composition des gommes à mâcher vendues sur le marché. Mais ce sorbitol n’intéresse pas uniquement les confiseurs. Mélangé à du nitrate de potassium, il se transforme en un carburant performant pour les lanceurs spatiaux, les missiles de moyenne portée, et, surtout, les roquettes. Selon les modes d’emploi recueillis dans des ateliers de Daech, à raison de 1,2 kg de sorbitol par engin, les charges peuvent être tirées à plusieurs centaines de mètres de distance. Et arrêter les véhicules blindés de la coalition. A Fallouja, une manufacture du mouvement islamiste produisait 3.000 de ces roquettes par an en moyenne.
A Paris, l’un des meilleurs experts de la police scientifique, Pierre Carlotti, polytechnicien et directeur du laboratoire central de la préfecture de police, ne se montre pas étonné. « On a déjà eu des affaires de terrorisme où des quantités de ce sucre étaient utilisées », glisse-t-il. Avant de nous éclairer sur les motivations des djihadistes du Moyen-Orient à organiser des filières complexes pour s’en procurer venu de France : « Ils affectionnent le sorbitol parce que c’est un produit alimentaire, sa composition est donc stable, son niveau de pureté élevé, contrôlé plusieurs fois; de plus il n’est pas sous embargo, du fait de son rôle alimentaire. » Un paramètre essentiel pour les terroristes. Ces dernières années, en Irak et en Syrie, ils géraient de véritables unités de production d’armement.
Les photographies et les vidéos de tels endroits, que nous avons regardées, donnent la mesure du phénomène. Dans un bâtiment près de Mossoul, à côté des bassines où les cocktails chimiques sont réalisés, non loin des postes de travail où les ouvriers ont usiné les roquettes, des dizaines de tubes métalliques reposent au sol, prêts à être découpés, non loin de stocks de nitrate de potassium et de sorbitol. Pour ce dernier, il s’agit de sacs de 25 kg chacun, portant l’adresse d’un site de production, toujours le même, situé en Picardie, et un logo bien connu dans l’agroalimentaire, celui de Tereos.
78 tonnes de sorbitol produites dans l’usine de Tereos à Nesle (Somme) ont été retrouvées dans les manufactures de Daech en Irak.(JDD)
Ils auraient pris du banal sucre ou n’importe quel substance riche en carbones et le résultat n’aurait pas été très différent !
que risque la société Tereos à Nesle (Somme)? risque t elle comme la Sté Lafarge d’être mise en examen ?… Le gouvernement français de l’époque avait certainement donné son aval pour une telle opération ! comme pour Lafarge
le passé c’est le passé: il ne sert qu’à eclairer l’avenir.
Question: L’UE va elle interdire l’exportation vers les zones à risque de ce produit.
Je connais deja la reponse: l’argent n’a pas d’odeur
pourquoi arrêté ce produit pour Daech, Pourtant Daech nous aide beaucoup pour délogé Bachar El-Assad.