Le Qatar, qui possède actuellement 10% de la Deutsche Bank, pourrait monter jusqu’à 25%, selon l’hebdomadaire allemand Der Spiegel. La plus grosse banque allemande, au bord de la faillite, doit faire face à une amende record aux Etats-Unis.

Des erreurs de stratégie, de lourdes amendes et des attaques spéculatives ont fini par générer une crise de grande ampleur à l’intérieur de la banque la plus importante d’Allemagne. A présent, des investisseurs qataris, qui possèdent déjà 10% de la Deutsche Bank, sont en train d’en prendre le contrôle.

Anshu Jain, l’ex co-directeur général de la Deutsche Bank, a organisé en mai 2014 une rencontre avec Cheikh Hamed Ben Jassim ben Jabor al-Thani (connu sous les initiales HBJ) qui est l’ancien premier ministre du Qatar et l’un des hommes les plus riches et les plus influents de la région du Golfe. HBJ était depuis longtemps un client très apprécié de la Deutsche Bank avant la négociation de ce deal avec Jain à l’issue duquel il a investi 1,75 milliards d’Euros dans la banque, ce qui a fait de lui l’actionnaire majoritaire de cette institution financière.

Cet accord, censé permettre à la Deutsche Bank de faire face aux aléas grâce à un partenaire solide, a été applaudi par le gouvernement allemand.

Mais à peine deux ans et demie plus tard, la Deutsche Bank est au bord du gouffre. Entretemps, Jain a été licencié en raison de son rôle dans la crise financière et de ses piètres résultats en tant que directeur général adjoint. Son successeur, John Cryan, qui occupe le poste depuis 15 mois a échoué à mettre en œuvre une stratégie cohérente. Le capital de la banque a fondu une nouvelle fois et la perte de confiance s’est faite de plus en plus forte parmi les clients et les investisseurs.

Le 15 septembre dernier, le Département de la Justice américain a condamné la Deutsche Bank à une amende de 14 millions de dollars à la suite d’accusations de fraude dans la vente de titres adossés à des créances hypothécaires. Les spéculateurs et les politiques se sont retrouvés dans un état proche de la panique à l’annonce d’un probable plan de sauvetage de la prestigieuse banque par le gouvernement allemand. […]

Pendant un temps, la valeur de la Deutsche Bank s’est effondrée à 15 milliards d’Euros, alors qu’elle était de 35 milliards un an auparavant. Le gros investisseur HBJ et son cousin, l’ancien émir du Qatar Cheikh Hamed ben Khalifa al-Thani qui, lui aussi, a injecté des fonds dans la Deutsche Bank, auraient perdu plus d’un milliard d’Euros. Sur la papier, du moins. Cet été, ils ont tous les deux fait grimpé leur participation a quasiment 10% du capital. Mais la valeur de la Deutsche Bank a continué à s’effondrer.

A présent, il apparaît que la faiblesse du prix des actions incite les deux cheikhs à poursuivre leurs investissements, d’autant qu’il leur suffit d’y injecter seulement quelques milliards pour en prendre le contrôle. L’information obtenue par le SPIEGEL indique que les cousins al-Thani réfléchissent actuellement à apporter leur soutien à la banque en y investissant de l’argent frais et à en acquérir le montant limite de 25% du capital. […]

Mais ce n’est pas tout : d’après les informations que s’est procurées le SPIEGEL, HBJ et l’ancien émir, seraient prêts à s’engager dans de tels risques à la condition d’avoir leur mot à dire dans les décisions de la Deutsche Bank. […]

La voie semble être libre pour les deux cheikhs. Les contrôleurs de la Banque Centrale Européenne ne sont pas inquiets par ce scenario, dit-on. Il est, de plus, peu probable que le gouvernement fédéral allemand s’interpose dans la transaction. Le ministre allemand des finances Wolfgang Schaüble n’émet aucune objection à ce que les Qataris augmentent leurs parts dans la Deutsche Bank. « De tels investisseurs ne nous posent aucun problème », a rapporté une source ministérielle. […]

En d’autres termes, la position du ministre des finances est la suivante : ce qui est bon pour les Qataris l’est aussi pour l’Allemagne.

De la même manière, Schäuble ne trouve rien à redire à ce que les Qataris obtiennent la minorité de blocage de 25%. Dans de tels cas, le gouvernement est fondé à intervenir en vertu de la loi fédérale en matière de commerce extérieur, mais Berlin n’en a aucunement l’intention. L’un des membres du cabinet de Schäuble s’est expliqué sur les réticences gouvernementales à freiner les investissements étrangers de la manière suivante : « A ce stade, la Deutsche Bank est une institution qui n’a plus d’allemand que le nom ». Plus de la moitié des parts du capital de la compagnie sont détenues par des étrangers, a-t-il ajouté. Le modèle commercial de la banque est un modèle global. « En ce sens, tout investisseur stratégique peut contribuer à créer de la stabilité ».

L’une des raisons pour lesquelles le gouvernement est prêt à accueillir ces investisseurs à bras ouverts est liée aux spéculations de ces dernières semaines quant à un possible plan de sauvetage national de la Deutsche Bank. Bien sûr, le gouvernement entrerait en scène si la Deutsche Bank menaçait de mettre en péril l’ensemble du système financier. Mais dans la perspective des élections législatives de l’année prochaine, personne ne veut se retrouver en position d’avoir à expliquer que les impôts devront servir à sauver la Deutsche Bank. […]

Les médias américains, quant à eux, ont déjà commencé à établir des parallèles entre la situation de la Deutsche Bank et les mois qui ont précédé le krach de Lehman Brothers. Pendant la majeure partie de l’année 2008, la banque fut un jouet pour les spéculateurs tandis que la perte de confiance se faisait de plus en plus forte parmi les investisseurs, ce qui a fini par aboutir au démantèlement de la banque. […]

Les investisseurs les plus influents exigent une stratégie claire pour la Deutsche Bank. […] C’est la situation qui est aujourd’hui entre les mains de Hamad ben Jassim ben Jabor al-Thani. Il est l’une des personnalités les plus riches au monde et aussi les plus flamboyantes, à la tête d’une fortune estimée entre 10 et 70 milliards de dollars. Son associé en affaires, l’ancien émir Hamad ben Khalifa al-Thani, a dit un jour que s’il dirigeait le Qatard, HBJ, quant à lui, le possédait.

Et ce n’est pas seulement le Qatar que possède HBJ. Ses biens à travers le monde entier comprennent un luxueux appartement à One Hyde Park à Londres, l’une des propriétés résidentielle les plus chères au monde, qui renferme le célèbre tableau de Picasso « Femmes d’Alger » qu’il a acquis l’année dernière pour un prix record de 179 millions de dollars.

De nombreuses rumeurs circulent quant à la manière dont HBJ a amassé sa fortune, dont certaines qui ne projettent pas une lumière particulièrement flatteuse sur ce cheikh qui a poursuivi une carrière en politique en tant que premier ministre de 2007 à 2013.

Il y a quelques années, les autorités du territoire britannique de Jersey l’ont accusé d’avoir versé des pots de vin à la société BAE spécialisée dans la défense et l’armement. Les enquêteurs ont classé l’affaire sans suite après que HBJ ait pris l’initiative de verser plusieurs millions de dollars aux autorités de Jersey. D’autres dossiers similaires impliquant HBJ ont été jugés comme ne relevant pas de l’intérêt public.

Il a lui-même décrit sa propre position au sujet de l’accroissement de sa fortune lors d’une interview à la télévision. Il y considérait qu’une partie de sa fortune, comme celle de tous les Qataris, si elle pouvait être douteuse d’un point de vue occidental, était tout à fait légitime selon les standards qataris et, de ce fait, avait été acquise par des moyens légaux.

Comme beaucoup de grosses fortunes et d’ultra-riches, HBJ a un faible pour les paradis fiscaux. Son yacht de 133 mètres est détenu par une société-écran, et même les actions qu’il a acquises dans la Deutsche Bank jusque-là appartiennent à une chaîne de compagnies off-shore basées à Panama et aux Îles Vierges. Dans de telles conditions, beaucoup de questions risquent d’être posées quant à l’origine de la fortune de HBJ et à l’usage qu’il en fait.

Le Qatar a, en effet, été accusé à plusieurs reprises de soutenir le Hamas et de ne pas être très entreprenant dans la lutte contre le terrorisme islamiste. […]

Ce qui est indéniable, c’est le goût qu’a HBJ pour les investissements dans l’industrie financière. Déjà à l’époque où il était en charge du fonds souverain de l’émirat du Qatar, il avait le regard tourné vers les banques et avait fait injecter des fonds dans la banque Barclay au moment où celle-ci s’était trouvée dans une position difficile pendant la crise financière. Le Qatar a également investi dans le Crédit Suisse ainsi que dans le Stock Exchange de Londres.

HBJ a poursuivi ses investissements à titre privé et à s’intéresser à l’industrie de la finance. Il a investi dans Blarclays, a racheté la filiale luxembourgeoise du groupe Dexia après sa dissolution et a fait l’acquisition du groupe KLB, peu connu, propriétaire de la banque privée munichoise Merck Finck.

Mais l’achat d’action de la Deutsche Bank en 2014 a été le plus gros investissement stratégique de ce cheikh.

Toute la question concernant l’avenir de la Deutsche Bank est de savoir ce qu’il en fera.

Traduction Orli Edel pour Europe-Israël.

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