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Michel Garroté – Shoah, Shoah par balles, camps d’extermination, antisémitisme, judéophobie, autant de sujets que certains souhaiteraient n’avoir plus à aborder. Or, notre amie Véronique Chemla se consacre justement aux informations et analyses sur l’antisémitisme, la géopolitique, la culture, les Juifs, le judaïsme, Israël et l’histoire. Elle nous informe que le History Museum of Mobile présente l’exposition « Filming the Camps ». Véronique Chemla précise : « John Ford, Samuel Fuller and George Stevens from Hollywood to Nuremberg, passionnante et émouvante, sur les circonstances de réalisation des films montrant la découverte des camps de concentration de Dachau et de Falkenau. Rapports de tournages, photographies et archives filmées, souvent inédits, ainsi qu’extraits de films de fiction et d’interviews des trois principaux réalisateurs (John Ford, George Stevens, Samuel Fuller) retracent cet événement majeur dans l’Histoire du monde » ( Du 29 août 2016 au 16 janvier 2017, Au History Museum of Mobile, 111 South Royal Street. Mobile, Alabama 36602, Tel. : 251-208-7569. Du lundi au samedi de 9 h à 17 h. Dimanche de 13 h à 17 h).
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Véronique Chemla (extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page) : En 1945, quand ils découvrent les camps nazis de concentration et d’extermination, les Alliés décident de les filmer, afin d’informer le monde entier et de constituer des témoignages irréfutables, notamment en vue des procès de Nuremberg. Montrés lors des Actualités cinématographiques, ces films provoquent un choc. C’est la révélation visuelle des horreurs commises par le nazisme. Quels sont les réalisateurs de ces films documentaires ? D’origine irlandaise, John Ford est le vétéran, célèbre pour ses westerns et drames psychologiques ou sociaux, et activiste anti-nazi. George Stevens est célèbre pour ses comédies, notamment les comédies musicales avec le couple mythique Fred Astaire et Ginger Rodgers. Né dans une famille Juive – père russe, mère polonaise -, Samuel Fuller s’est distingué par son talent de journaliste « crime reporter » dans la presse tabloïd, puis de scénariste. En 1942, il rejoint la première division d’infanterie de l’armée américaine, la célèbre « Big Red One », participe aux débarquements en Afrique du nord et en Sicile sous les ordres de Patton, puis dans le secteur « Easy Red » sur la plage d’Omaha en Normandie le 6 juin 1944 à 6 h 30. En 1994, il confiait à Michael Seiler et Jean-Pierre Catherine : « Les trois heures sur la plage d’Omaha, je ne peux les oublier. Je revois le colonel Taylor nous engueulant après que Streczyk a ouvert la brèche pour pénétrer à l’intérieur des terres : « Get up, Get up ! Levez-vous, levez-vous ! Il y a trop de monde sur la plage. Ceux qui sont morts, ceux qui vont mourir. Allons mourir à l’intérieur ! ».
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Véronique Chemla : Je le dis souvent, à la guerre, il n’y a pas de héros. Il n’y a que des types qui ont peur. Parmi tous ces types, il y a des êtres remarquables, comme le chirurgien en chef de notre régiment, Charles Tegtmeyer. Je l’ai vu sur la plage passer entre les blessés, choisir ceux qu’on pouvait sauver et ceux qui étaient condamnés à mourir. Il les désignait… « Oui, non… cet homme vivra, celui-là non. » Il prend des bouteilles de plasma tellement froides que le plasma ne coulait plus et les brise, furieux, contre les rochers. Il y a aussi ces filles de la Croix-Rouge. Quand elles ont débarqué sur Omaha, elles pensaient que nous étions déjà à l’intérieur des terres. Elles étaient piégées comme nous. Elles venaient avec du café et des beignets, et pour ramener les blessés sur les navires. C’est une chose terrible de voir toutes ces filles tuées si rapidement. Je leur rends hommage. Hommage aussi à tous ces morts. Le 6 juin, mon régiment de 3 000 hommes a perdu 945 soldats et 56 officiers. Au soir du 6, les Américains avaient 3 500 morts sur la plage, la plupart tués par les mortiers de 88, leurs corps déchiquetés. Les prisonniers allemands étaient chargés de les ramasser, il fallait souvent réunir plusieurs membres n’appartenant pas forcément à la même personne pour reconstituer un corps… » Blessé en août 1944, Samuel Fuller combat dans les Ardennes, poursuit en Allemagne. Il filme la libération du camp de concentration de Falkenau, en Tchécoslovaquie. « Je ne savais pas que j’allais tourner mon premier film », déclare-t-il.
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Véronique Chemla : John Ford et George Stevens constituent des équipes composées d’« opérateurs professionnels, reconnus et expérimentés, ou formés spécialement à cette occasion ». Après avoir préparé leurs gestes de médiation, les opérateurs ont commenté de manière circonstanciée leurs prises de vue. John Ford dirige la Field Photographic Branch (FPB), une unité spéciale chargée de réaliser entre autres ce film, Les Camps de concentration nazis, et de préparer le filmage du procès de Nuremberg. Au début des années 1930, alors réserviste dans la Marine américaine, il y fonde une unité d’opérateurs de prises de vues qui pourraient intervenir « en cas de besoin ». En 1939, la « Field Photo de la 11e Section navale devient opérationnelle ». En novembre 1941, John Ford annonce « avoir formé une soixantaine de techniciens ». Le général Donovan, coordonnateur de l’Information, puis directeur de l’Office of Strategic Services (OSS), agence de renseignement de l’administration américaine, recrute John Ford : ainsi nait la Field Photographic Branch (FPB). Celle-ci produit notamment December 7th sur l’attaque japonaise de Pearl Harbour et The Battle of Midway sur la victoire américaine sur l’amiral Yamamoto le 5 juin 1942. Pour ces deux films, John Ford reçoit l’Oscar du meilleur documentaire ne 1943 et 1944. Dans la perspective du débarquement des Alliés en Normandie et de la poursuite de l’offensive en Allemagne, les opérateurs de l’OSS « reçoivent des instructions très précises sur ce qu’ils doivent faire s’il leur arrive de découvrir des « preuves de crimes de guerre et d’atrocités ».
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Véronique Chemla : La procédure à suivre pour enregistrer les preuves des atrocités commises prévoit explicitement la possible qualification comme preuve, devant un tribunal, des témoignages recueillis, qu’ils soient écrits, oraux ou filmés ». A partir de février 1943, au sein du « Signal Corps », service de communication de l’armée américaine, George Stevens couvre la campagne en Afrique du Nord. A Londres, le général Eisenhower lui demande de réunir une équipe de 45 professionnels pour préparer le filmage du débarquement en Normandie. George Stevens dirige une unité spéciale de cameramen, la Special Coverage Unit (SPECOU), qui, est placée sous l’autorité du Supreme Headquarters’ Allied Expeditionary Force (SHAEF). La SPECOU rassemble 45 membres : des écrivains – Ivan Moffat, William Saroyan, Irwin Shaw -, des cameramen – Dick Hoar, Ken Marthey, William Mellor, Jack Muth -, des opérateurs de prise de son – Bill Hamilton, qui vient de la Columbia -, des assistants-réalisateurs, tel Holly Morse, qui a travaillé avec Hal Roach. La SPECOU filmera la libération du camp de Dachau. Le responsable de chaque unité établit un rapport de prises de vue, un bilan de l’activité du jour. En bas de chaque page, en rubrique « IMPORTANT », le rédacteur doit veiller à « orthographier correctement les noms, identifier toutes les personnes, les lieux, les organisations, les armes, l’équipement ».
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Véronique Chemla : Complétant le rapport de prises de vues, la « trame narrative » est plus qu’un simple compte-rendu : « C’est un récit documenté et articulé des événements qui ont été filmés. C’est déjà un deuxième regard qui se pose sur les images, après celui des cameramen. Ivan Moffat, ancien élève de la London School of Economics, en est le principal et brillant rédacteur ». En mai 1945, la Big Red One (première division d’infanterie) de l’armée américaine combat dans les Sudètes (alors en Tchécoslovaquie) et libère le camp de concentration de Falkenau. Avec la caméra envoyée par sa mère, Samuel Fuller, dans les rangs de cette unité, filme cet événement, ainsi que les bourgeois du bourg de Falkenau, qui ont allégué ne pas savoir ce qui se déroulait dans le camp, sont contraints de donner une sépulture aux internés morts. En 1988, Emil Weiss réalisera Falkenau, vision de l’impossible, Samuel Fuller témoigne. Un documentaire passionnant par les commentaires de Samuel Fuller sur son film, sur la réalité des images, la nécessité de transmettre l’histoire aux jeunes générations, etc. n 1945, les images de Dachau filmées par l’équipe de George Stevens sont intégrées dans un documentaire diffusé aux Etats-Unis, puis projeté à titre de preuve des crimes nazis devant le Tribunal militaire international de Nuremberg.
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Véronique Chemla : A peine entré en fonction, Robert H. Jackson, procureur général américain, mandaté par le président Truman d’instituer le Tribunal militaire international (TMI) qui jugera les dignitaires nazis, contacte la FPB afin d’obtenir les images filmées à titre de preuves, de faire filmer le procès et d’en expliquer les enjeux. Ray Kellogg, John Ford et George Stevens signent un affidavit – déclaration sous serment – affirmant solennellement que les images qui vont être montrées au TMI sont vraies. La vie de ces trois cinéastes est bouleversée par la découverte des camps, les horreurs du nazisme, la vision empathique des victimes. The Big Red One (1980) de Samuel Fuller est largement inspirée de ses années de guerre dans cette division. Dans George Stevens, A filmmaker’s Journey, documentaire de George Stevens Jr sur la vie de son père, apparaît l’influence de l’engagement dans l’armée américaine pendant la Seconde Guerre mondiale dans son œuvre, notamment dans son refus du racisme (Géant, 1956) et de l’antisémitisme (Le Journal d’Anne Frank, The Diary of Anne Frank, 1959). Pour la première fois, les images du camp de Dachau sont présentées dans l’ordre chronologique de leur tournage. Elles sont présentées avec les fiches remplies par les opérateurs et des comptes rendus d’un des écrivains recrutés par George Stevens. Le comédien Mathieu Amalric lit des extraits de ces récits qui commentent des images, conclut Véronique Chemla (fin des extraits adaptés ; voir lien vers source en bas de page).
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Introduction, adaptation et mise en page de Michel Garroté
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http://www.veroniquechemla.info/2010/08/filmer-les-camps-john-ford-samuel.html
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Du 29 août 2016 au 16 janvier 2017, Au History Museum of Mobile, 111 South Royal Street. Mobile, Alabama 36602, Tel. : 251-208-7569. Du lundi au samedi de 9 h à 17 h. Dimanche de 13 h à 17 h.
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Pour pas que d’autres génocides hantaient l’humanité, il faut que l’histoire de la Shoah soit bien connue pour « tout le monde », même pour les négationnistes antisémites etc.
De jeunes Allemands se griment en nazis et agressent des jeunes Juifs en Argentine : http://www.lefigaro.fr/international/2016/08/26/01003-20160826ARTFIG00212-des-eleves-d-un-lycee-allemand-deguises-en-nazis-choquent-l-argentine.php
Pour connaitre la réalité il faudrait 6 millions de films .
Chaque Juif disparu a sa propre histoire .
La fin du film c’est la résurrection de l’état d’Israël cadeau offert par nos martyrs qui nous ont donné ce souffle et ce courage pour nous battre et redonner notre fierté d’être Juifs .