On peut dire n’importe quoi à la télévision, pourvu que cela soit dit avec aplomb. Pour la journaliste Léa Salamé, Descartes a été « excommunié par l’Eglise et obligé de fuir ». Petit problème : Descartes n’était pas au courant de son excommunication, ni l’Eglise d’ailleurs.
« Bernard-Henri Lévy voit de l’antisémitisme partout. » Comme, ces jours-ci, les réseaux sociaux et la grande presse reprenaient cette antienne dans un même bruissement, j’ai pris sur moi pour aller visionner sur Youtube l’émission en question. Je dois avouer une chose : je n’ai pas tenu plus de vingt minutes, dix-huit pour être exact.
J’ai décroché au moment où Léa Salamé déclarait à Bernard-Henri Lévy : « Finalement, ce qui a apporté le plus à l’Europe des Lumières, c’est le débat entre Spinoza et Descartes, c’est-à-dire deux excommuniés : Descartes, le chrétien, qui est excommunié par l’Eglise et qui est obligé de fuir ; et Spinoza, le juif, qui est excommunié par sa communauté parce que justement il veut s’émanciper du texte et de la loi… »
Quand Léa Salamé excommunie Descartes
J’étais interloqué. Quoi ! Descartes excommunié ? Manquerait plus que ça. J’avais de vagues souvenirs de La Religion de Descartes, l’un des plus beaux livres d’Henri Gouhier, lu il y a plus de vingt ans. J’avais également fréquenté Jean-Luc Marion et l’une de ses œuvres les plus ardues : Sur la théologie blanche de Descartes. J’avais dévoré, avec le même plaisir que je prends à lire les biographies de Stefan Zweig, l’essai très inspiré de Pierre Bergounioux : Une Chambre en Hollande (Verdier, 2009).
Pourtant, un doute – pas méthodique pour un sou, celui-là – m’avait saisi. Avec un aplomb aussi droit que les falaises de Paimpol par temps de grand vent, une journaliste aussi talentueuse que Léa Salamé tenait l’excommunication de Descartes pour une chose acquise et connue de tous. Elle le faisait dans une émission très regardée (« On n’est pas couché »), sur une chaîne du service public (France 2). Mieux encore, en face d’elle, Bernard-Henri Lévy, qui fait profession de philosophe, ne la contredisait pas.
Je m’étais donc trompé. Descartes avait été excommunié et c’est pour cette raison que, pourchassé par des hordes de catholiques sanguinaires, il avait trouvé refuge en Hollande.
Seulement, j’ai un léger défaut. Qu’on me le pardonne ! Si je ne suis pas très intelligent, j’ai en revanche un peu de mémoire ; les souvenirs de mes lectures me trompent rarement. Alors, j’ai rouvert Gouhier, Marion, Bergounioux. Et pour me rassurer davantage sur l’itinéraire philosophe de Descartes, moi qui n’ai jamais été un grand cartésianiste, j’ai appelé un ami, Michel Fichant, professeur émérite à la Sorbonne, grand spécialiste de Leibniz et de Kant, ancien directeur du Centre d’Études cartésiennes. Béni soit-il ! Mes souvenirs étaient justes, je ne suis pas bon pour le cabanon.
Descartes n’a jamais été excommunié. Et pour cause : toute sa vie, il l’a consacrée à être un bon catholique. Quant à sa postérité, dussé-je froisser le savoir encyclopédique de Léa Salamé, n’en parlons même pas !
Je ne veux pas rentrer dans le détail, parce que j’ai autre chose à faire que de m’occuper de l’ignorance péremptoire de Mme Salamé. Je n’ai qu’une seule certitude : il y en a beaucoup aujourd’hui, à la télévision française, qui considèrent qu’être français c’est être béotien. Il y en a beaucoup qui croient que l’ignorance est, dans la vie, le plus sûr bagage pour avoir raison. C’est en tout cas la plus grande assurance pour dire n’importe quoi.
Donc, Descartes ne fut jamais excommunié de l’Église. Pire : il en voulut toujours faire partie. Une seule question subsiste.
Pourquoi Bernard-Henri Lévy n’a-t-il pas, même gentiment, rectifié le propos de Léa Salamé comparant Descartes à Spinoza ?
Je sais bien que la philosophie de Jean-Baptiste Botul ne s’attache pas à ce genre de considérations. Et, finalement, je crois que ce Monsieur ne sert pas la vérité et, pire, qu’il n’en a rien à péter. Fais gaffe, Bernard-Henri, avant de me traiter d’antisémite : je suis, dans ma généalogie, beaucoup plus juif que Fabius et peut-être beaucoup plus juif que toi.
#Léa Salamé interpellée pour conduite sans permis ni assurance ! via @le_parisien
Tous ces donneurs de leçon … pic.twitter.com/D9m8VyT7fs— MP (@fy_pc) 18 Février 2016
Les manuels de littérature française Lagarde et Michard avaient du bon : si Léa Salamé (née en 1979) avait connu le loisir de les fréquenter au milieu des années 1990, cela lui aurait évité non seulement d’excommunier Descartes (1596 -1650 ) mais encore de le classer dans le tome XVIIIème de l’Europe des Lumières.
Merci, j’ai bien ris.
😉
@ alauda
D’accord avec vous mais a l’heur de l’internet……. elle aurait pu d’un smartphone faire une recherche avant de parler…..
Elle est censée avoir fait des études !
« Léa (Hala) Salamé est la fille de Ghassan Salamé, ancien ministre libanais de la Culture, politologue et professeur à Sciences Po Paris ….. .
Après une scolarité secondaire au lycée Saint-Louis-de-Gonzague, à l’École alsacienne, des études de droit à l’université Panthéon-Assas, Sciences Po Paris et une année à l’université de New York… , Léa Salamé entre [Quand ?] comme stagiaire sur La Chaîne parlementaire où elle va faire ses armes avec Jean-Pierre Elkabbach dans Paroles du monde »
https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9a_Salam%C3%A9
C’est ce qu’il se passe lorsque les médias sélectionnent leurs clowns via le canapé !
Je dirais, que cette femme sert uniquement de potiche et dire qu’elle a remplacé Natacha Polony !!!
Nous sommes entrer dans le siècle des nuls, plus aucun créateurs artistique digne de rester dans les mémoires depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Aucun musicien, ni peintre, ni écrivain remarquable.On est dans l’air du boni mensonge ou l’art de faire croire qu’on connait, qu’on sait, pour paraitre plus intelligent, et par exemple, lorsque une fille dit une bêtise plus grosse qu’elle, on lui conseille de sourire de toutes ses dents.(pour que son ignorance soit acceptable)
La dénégation, le nihilisme, la crétinerie pour ne pas dire la débilité règnent en maitre.
C’est la raison qui explique que la construction d’ une démonstration logique dérange et que Zemmour a été exclu.
Ceux qui parlent et défendent l’Islam n’ont même jamais ouvert un Coran traduit de leur vie, ils en parlent sans savoir de quoi ils parlent…Onfray on a parlé après avoir mit son nez dedans et les idiots l’ont vilipendé, condamné.
Fourest exclu, Finkelkraut traité de soutien au fn…
L’histoire retiendra seulement quelques travailleurs intellectuels : Umberto Ecco le seul réel humaniste qui a bossé dans sa vie et ne s’est pas contenté de singer.
BHL a appris à nager dans la mére méditerranée .
Il nage tellement bien qu’il est aussi à l’aise dans la mer rouge , que dans la mer Noire et l’Océan Indien .
Pour les prochaines vacances je lui conseille d’emporter avec lui une bouée de sauvetage , la météo marine s’est aggravée .
@Yael,
Depuis plus de trente ans, la scolarité secondaire ne donne plus accès à une vision d’ensemble de la littérature française dans son déroulé chronologique.
Descartes meurt en 1650, soit 11 ans avant la prise de pouvoir personnel de Louis XIV. Spinoza qui n’a alors que 18 ans n’a pas pu rencontrer Descartes en personne mais seulement son œuvre et des lecteurs.
On peut toujours faire dialoguer les morts comme ne s’en est pas privé le satiriste grec Lucien de Samosate du IIème siècle dont je n’ai lu qu’une courte comédie charmante « Les Sectes à l’encan » (ou Sectes / philosophes à vendre).
Il est probable que « le débat entre Spinoza et Descartes » imaginé par Léa Salamé soit une trace floue de son année de philo… spécialité française qui consiste à brasser des concepts dans le ciel des idées en rapprochant des auteurs sans la moindre perspective contextuelle.
Je comprends le pessimisme de Finkielkraut quand il dit : « J’ai vu la France tomber peu à peu dans l’oubli d’elle-même et devenir une société postlittéraire, postculturelle, postnationale. Cette chose commune, j’en ai pris conscience au moment de sa disparition. »
Quand on dit que Kant a été excommunié du judaïsme, c’est à la fois exact mais incomplet. Cela ne reflète pas le fait qu’il s’en est pris aux trois croyances avec la même virulence. Probablement plus contre les deux autres que contre le judaïsme. Ayant été marrane il a pu comparer.
rs,
Kant confondu avec Spinoza…
Pour ce qui de Descartes, il suffit de lire son « Discours de la méthode »: Le cul sur sa chaise, le poêle entre les jambes… Il oublie tout ce qu’il sait, puis reconsidérant les choses une à une, il réapparaît, à l’issue de son cogito, assis le cul sur sa chaise, le poêle entre les jambes, c’est bien lui, il a vérifié: il y a bien un dieu, ce dieu est chrétien et, c’est sûr, ce dieu est catholique… Dès lors il faudrait être crétin pour excommunier un paroissien de cette trempe.