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Les hésitations du Parlement de Riga sur la question de la restitution à la communauté juive de biens immobiliers confisqués par les nazis montrent la gêne du pays face à son passé.
Après beaucoup d’hésitation, le parlement de la Lettonie a adopté une loi qui facilite la restitution de cinq bâtiments qui appartenaient à la communauté juive avant la shoah et qui ont été confisqués par les nazis.
Ces textes visent à restituer à la communauté juive de Lettonie cinq bâtiments confisqués par l’occupant nazi pendant la Seconde Guerre mondiale. Le ministre conservateur des Affaires étrangères, Edgars Rinkevics, à l’origine de la proposition, a ainsi demandé à des experts de vérifier la constitutionnalité de ces textes.
L’Organisation juive mondiale, ou WJRO, a déclaré que le projet de loi, qui a passé sa troisième et dernière lecture, est une «première étape importante répondant aux questions de biens appartenant à la Communauté Juive »
« Une telle décision attesterait de la volonté de la Lettonie de réparer les injustices historiques », a plaidé fin janvier 2015 devant la Commission des affaires étrangères de la Saeima, le secrétaire d’État aux Affaires étrangères Andrejs Pildegovics. Une volonté qui ne va pas de soi dans le pays où 90 % de la population juive a été exterminée par les nazis.
Depuis la guerre, ces biens spoliés sont restés propriété de l’État. D’autres restitutions ont déjà eu lieu en 1998, 2003 et 2007 et Riga considérait le processus terminé (lien en anglais). D’où la question de la validité et de la légalité d’une telle opération pour les parlementaires.
Preuve du malaise de l’État à l’égard de cette période de son histoire, l’exposition organisée début février à Paris sur le camp de concentration de Salaspils a été annulée sur demande de la représentation lettonne à l’Unesco. Selon elle, cette exposition aurait « porté préjudice à l’image de la Lettonie pendant sa présidence de l’Union européenne« .
Querelle de légitimité entre les communautés juives
Outre les questions de droit et d’image du pays, les limites du processus de restitution restent à définir. En effet, si les dernières propositions de loi ne concernent que cinq bâtiments, le Conseil des communautés juives de Lettonie en réclame… 275 !
Dmitrijs Krupnikovs, président de cette organisation et membre de la commission des Affaires étrangères de la Saeima, a ainsi fait savoir son insatisfaction. Il souhaite que la question de toutes ces propriétés soit réglée en une seule fois.
Mais les différentes communautés juives de Lettonie ne parviennent pas à se mettre d’accord. Le Conseil des communautés juives et la communauté religieuse de Riga « Samir » se disputent la légitimité de revendiquer tel ou tel bien immobilier. Une raison de plus pour la Commission des affaires étrangères de repousser l’examen des textes.
Lors du dépôt des projets de loi à la fin du mois de janvier, la députée Linda Murniece, favorable, avait signalé que la Croix-Rouge lettonne était elle aussi en droit de requérir la restitution de trente de ses bâtiments également confisqués pendant la guerre.
Pour les adversaires de la proposition, ces textes pourraient ouvrir la voie à une longue série de réclamations.
La Shoah en Lettonie
L’Union soviétique annexe les pays baltes à l’été 1940. Durant cette occupation, les Soviétiques ferment des écoles et des institutions juives. L’arrestation et la condamnation de la majorité des juifs lettons ont lieu sur de simples « décisions administratives ». Environ 5 000 juifs lettons ont été tués ou déportés en Sibérie.
En juillet 1941, les troupes allemandes s’emparent de Riga. Les entreprises juives sont nationalisées. Les Juifs sont regroupés dans des ghettos. 91 % d’entre eux sont exécutés, soit 60 000 sur 66 000.
Sur 86 000 Juifs lettons avant la guerre, seuls 5 000 ont survécu. La plupart ont émigré en Israël ou aux États-Unis et n’ont jamais récupéré leurs biens confisqués par les nazis.