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Les phénomènes de radicalisation touchent aussi les centrales d’EDF. Les autorités ont déjà retiré l’accès à ces établissements à plusieurs dizaines de salariés depuis le début de l’année.
Après les attentats, les autorités de l’État sont sur le qui-vive face à la montée de la radicalisation islamiste sur les sites d’EDF. Lors d’une réunion du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), le 6 octobre, le haut-commissaire de défense à la sécurité nucléaire, Christophe Quintin, a reconnu que des salariés se voyaient refuser l’accès aux centrales notamment pour des motifs de dérive islamiste sans être plus précis. « Il a bien parlé de radicalisation même si sa réponse était évasive, confirme Michel Lallier, représentant de la CGT au comité. On ne saura jamais exactement à cause du secret-défense. »
Lors de cette réunion, son adjoint, le colonel Christian Riac, a enfoncé le clou pour justifier le manque de transparence des autorités. « Il a clairement dit qu’il ne donnait pas les motifs de refus d’accès d’un salarié car cela pouvait être pour des raisons de fréquentation des milieux radicaux, assure Yannick Rousselet, représentant de Greenpeace et présent ce jour-là. Il a même reconnu que ces gens n’avaient pas commis de délit et qu’il y avait une part d’arbitraire dans leur décision. » Contactés, les deux responsables n’ont pas donné suite.
Un salarié de Flamanville fiché par la DGSI
Le 4 novembre, Christophe Quintin a livré une précision importante. Lors du déjeuner de la conférence dédiée à l’information sur les sites nucléaires, il a estimé devant une poignée d’invités que « [ses] services sortaient des centrales une personne par semaine pour des phénomènes de radicalisation », explique un des présents. Il a reconnu que la surveillance fonctionnait pour les travailleurs français mais qu’il avait moins de visibilité pour les travailleurs étrangers des sous-traitants d’EDF. Chaque année, les services de l’État réalisent 100.000 enquêtes administratives auprès des 73.000 salariés (dont 23.000 chez les prestataires) travaillant dans les 19 centrales nucléaires. Ils refusent l’accès à 700 d’entre eux en moyenne. Selon les propos du haut fonctionnaire, quelques dizaines de cas par an de dérives religieuses seraient détectés.
À Flamanville (Manche), un salarié d’EDF fait parler de lui. Clément Reynaud, ingénieur chimiste depuis dix ans et converti à l’islam en 2010, a demandé en septembre 2012 à la direction du site un local pour prier. Après des examens approfondis, EDF, qui n’a pas « connaissance d’autres cas », a donné son accord. Mais la sécurité du site a alerté les services de renseignement du département, qui s’inquiètent de son évolution. Il est devenu, il y a dix-huit mois, le secrétaire de l’association qui gère la mosquée de Cherbourg. « Son dossier a été repris au niveau national par la Direction générale de la sécurité intérieure, explique un policier normand. Le dossier est jugé sérieux. » Clément Reynaud quittera le 1er décembre la centrale d’EDF pour une disponibilité d’un an afin de créer son entreprise de coaching personnel destinée aux musulmans. « Je les aiderai à organiser leur vie afin de libérer du temps pour les cinq prières quotidiennes et lire le Coran », explique-t-il.
En août 2014, un ingénieur musulman d’un sous-traitant d’EDF s’était vu refuser l’accès de la centrale de Nogent-sur-Seine. Là encore, la préfecture n’avait pas motivé son avis, mais la cause religieuse aurait été au cœur de la décision. Il y a un an, les Belges avaient découvert qu’un jeune parti combattre en Syrie avait été pendant plusieurs années ingénieur à la centrale de Doel, exploitée par le Français Engie (ex-GDF Suez), et qu’il accédait à la zone du réacteur.