Il faut bien du courage à Adnen Hellali pour continuer à semer ses rêves d’artistes en dépit de l’air du temps. Ce jour-là, à Wassaïa, village niché au pied du mont Semmama, situé à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Kasserine, non loin de la frontière algérienne, le professeur de français à l’allure de saltimbanque avait réuni dans une grange les enfants du coin, sagement assis sur des meules de foin.
Ils récitèrent des fables de La Fontaine puis s’esclaffèrent devant un film de Charlie Chaplin. Scène un peu surréelle à quelques kilomètres seulement d’un coteau où, le 14 mai, quatre djihadistes armés ont été tués par l’armée.
Wassaïa, hameau où les ânes broutent entre les figuiers, est à la charnière de deux mondes. Celui de la plaine où la vie suit son cours normal. Et celui des massifs montagneux – les monts Semmama, Chaambi et Salloum encerclent Kasserine – où rôde une menace inédite, à la fois réelle et fantasmée.
Accrochages
Dans la confusion qui a suivi la révolution de 2011, des bandes armées djihadistes y ont établi des maquis. Les accrochages avec les forces de sécurité sont allés en se durcissant avec le temps. En juillet 2014, quinze militaires ont péri sur le mont Chaambi. En février, ce sont quatre gardes nationaux qui ont été tués à point de contrôle entre les monts Chaambi et Semmama. Et plus récemment, le 15 juin, trois gardes nationaux sont morts dans le gouvernorat voisin de Sidi Bouzid, situé à environ 70 kilomètres à l’est de Kasserine.
Issus de la mouvance salafiste, ces groupes ont opéré jusque-là sous la bannière d’Okba…