A l’occasion de la remise de la Médaille des Justes Parmi les Nations pour Madame Simone Maurel, le 16 janvier 2015 à la Mairie de Castelnaudary, Armand Rafalovitch, l’Enfant Caché Juif a retracé l’histoire de son sauvetage au « Nid Béarnais. ». Son témoignage nous permet comprendre l’histoire des Juifs qui ont été cachés par des français, au péril de leur existence.
Rappelons que le 27 janvier 1945 jour de la la libération d’Auschwitz a été consacré comme la Journée de la mémoire de l’Holocauste et de la prévention des crimes contre l’humanité.
« Jamais je n’ai été dans les cérémonies, même les plus émouvantes ( excepté peut-être les inhumations de mes proches) autrement que participant, témoin et spectateur.
Mais cette fois, à la Mairie de Castelnaudary , lors de la remise de la Médaille des Justes Parmi les Nations, pour Simone Maurel, je me suis senti pour la première fois, acteur dans un événement important.
En plus des autorités prévues ; le Maire, le Consul d’Israël, le représentant de Yad Va shem, il y avait la Représentante en uniforme du Préfet, ainsi que les élus locaux et régionaux, les associations. Bien sur aussi la famille de Jean Louis Lorimier , la mienne et nos amis.
Mais plus important de tout était la présence des élèves de première avec leur enseignant qui avaient préparé cette rencontre dans le cadre de l’étude de la deuxième guerre mondiale.
C’est à eux que je me suis adressé, leur apportant un exemple vécu en complément des paroles solennelles mais plus générales adressées auparavant par le Maire, le Représentant de Yad Va Shem et le Consul qui a remis la médaille et le certificat. Jean Louis, trop ému s’est exprimé plus tard lorsque nous nous sommes réunis plus intimement autour d’une table.
Nous avions rencontré la famille Lorimier la veille. Jean Louis et Christine entourés de leurs trois enfants petit enfants et même un petit-enfant, tous logés les uns pré des autres dans le même ensemble immobilier. Une rencontre chaleureuse et émouvante. La médaille prendra place sur le buffet au milieux des photos de famille. »
« Mes parents et moi avons séjourné dans le Midi de 1940 à 1947 et l’action, objet de cette rencontre, se déroule à Pau et à Toulouse. A Toulouse où mon sauvetage a été organisé et à Pau, sur les coteaux de Jurançon où il a été réalisé par Simone Maurel pendant les périlleuses années d’occupation et de persécution.
Mon sauvetage est préparé à Toulouse par le Comité des Femmes Juives. Ces femmes collectent de la nourriture en faveur des prisonniers des camps et placent les enfants. Dans les Couvents, dans les Préventoriums, chez des particuliers, partout où cela était possible
A Pau, le relais est assuré par la famille de Résistants Daban qui gère le ‘Café de la Liberté’. Elle est en relation avec le Comité de Toulouse et c’est par leur intermédiaire que je suis placé. Leur jeune fille Léontine qui a accompli de nombreux actes d’héroïsme – entre autres dans le passage la ligne de démarcation – , sera l’ange gardien qui vient me voir, prête à agir en cas de danger.
LE NID BEARNAIS
C’est ainsi que j’ai été caché au Nid Béarnais.
Profitant de sa situation de Directrice du Préventorium ‘Le Nid Béarnais’ Simone Maurel m’a pris sous sa garde pour me protéger de la déportation.
Elle a ainsi accepté pour elle-même le risque de subir le même sort que le mien en cas de dénonciation ou de contrôle par la Police, la Milice française ou les Allemands découvrant qu’un enfant juif se trouvait caché parmi les pensionnaires réguliers : Arrestation suivi de déportation.
Cette menace pesait sur nous en permanence. Et bien que ma situation particulière au préventorium ait certainement été remarquée, personne, ni les enfants ni le personnel, n’ont parlé. Il y avait de quoi éveiller la curiosité à mon égard. J’était dispensé de catéchisme, d’hostie lors des messes, et lorsque nous attendions tous ensemble, tout nus notre tour pour la douche, l’on remarquait bien que j’étais le seul à être circoncis. J’étais moi-même bien conscient du danger. Je faisais mon possible pour m’intégrer au mieux parmi les pensionnaires. Je participais à tous les jeux, écoutais attentivement les discussions post-catéchisme, ai obtenu de mes parents le ceinturon de scout et un chapelet pour les innombrables prières que l’on nous faisait faire avant la sieste, etc. …J’avais pour consigne d’avertir la Directrice au moindre problème. Personne n’a parlé.
1940-1947 TOULOUSE
J’ai quatre ans lorsque j’arrive avec mes parents à Toulouse. Réfugiés des Pays-Bas, évacués par les autorités françaises lors de l’invasion allemande du 10 mai 1940. Mon père Henry est un fier ancien combattant de la Première Guerre mondiale qui a choisi la France pour ses valeurs. Ma mère Méry est Modiste. C’est une femme courageuse et entreprenante qui au bout de quelques mois parle déjà couramment avec les autres femmes du quartier et exerce son métier aux ‘Dames Françaises’. Très attachée à la famille laissée à Amsterdam, elle en entretient chez moi le souvenir. C’était une famille juive, nombreuse qui avait quitté la Pologne antisémite dans les années 20. C’était, car alors que Toulouse est libérée le 19 août 1944, Amsterdam ne l’est que début mai 1945 et il n’en reste alors plus qu’un seul couple avec leur enfant. Nous les rejoignons en 1947. Simone meurt cette même année en donnant naissance à Jean Louis. Nous n’en savons rien et perdons petit à petit de vue nos amis laissés dans le Midi de la France
SOLIDARITÉ, L’EXCEPTION FRANÇAISE
Je ne vais pas vous raconter ici toutes les péripéties des 70 années écoulées depuis. Je voudrais seulement souligner et saluer ici ce que les historiens appellent, il me semble, ‘l’exception française’ dans le sauvetage des Juifs pendant la deuxième guerre mondiale.
De quoi s’agit-il ? Les statistiques parlent :
C’est que malgré les moyens drastiques mis en œuvre pour exterminer tous les Juifs, une proportion considérable en a été sauvée en France, bien plus que dans les autres pays occupés. (autour de 65 % au lieu de 5%) Plus significatif encore, la proportion d’enfants sauvées parmi les survivants. Elle est double que partout ailleurs. C’est le résultat de la tradition de solidarité héritée par la France de son Histoire. Héritage transmis par l’Ecole Républicaine, rappelée sur les frontons des Mairies par la devise Fraternité Encouragée à Toulouse par l’adresse du 23 août 1942 du Cardinal Saliège ainsi que par la Résistance.
A Toulouse l’on se souvient bien de la Résistance armée; J’évoque ici l’action des FTP-MOI ( Franc Tireurs et Partisans – Main d’Œuvre Immigrée), du nom de ‘35ème Brigade d’Espagne. Une station de métro porte le nom de son commandant Marcel Langer , une rue et une plaque sur son domicile, celui de son successeur Jacob Insel, mon oncle dont je suis fier. Leur action est inscrite au Musée de la Résistance et il leur est fait honneur le jour anniversaire de la libération de la ville. Nous pouvons lire leur histoire dans le roman ‘Les Enfants de la Liberté’ de Marc Lévy, le fils d’un des frères Claude et Raymond de ce groupe de Résistants. Nous faisons partie de cette famille.
A coté des organisations de Résistance, Comité de Femmes, Café de la Liberté, bien d’autres nous ont aidé, comme par exemple pour les fausses Cartes d’Identité . Mes parents me parlent d’un policier qui passant dans notre rue la veille d’une rafle, nous interpelle ainsi : Ohé Monsieur Henry, vous n’êtes pas chez vous demain, n’est-ce pas ? Je me souviens particulièrement de Marcelle Ferrari notre voisine d’en face à Toulouse, au 18 de la rue Penent (nous au 13). Elle nous fait passer la nuit chez elle en cas de danger et nous parle de son fils Polo, aviateur en Angleterre. Après la Libération elle vient avec mes parents et sa sœur , Tante Germaine, me chercher au Nid Béarnais.
Par cette démarche aujourd’hui, je formule la demande que les actes de sauvetage des enfants juifs, aux quels Simone a participé, soient mis au même plan que la Résistance communément admise et enseignée car ils font partie intégrante de la Résistance avec un grand ‘R’.
EN CONCLUSION
Nous venons de vivre dimanche dernier, 11 janvier 2015, le sursaut du peuple français dans une marche républicaine historique pour la LIBERTE et par la même occasion pour la SOLIDARITE c’est-à-dire la FRATERNITE à la suite des attentats qui ont fait 17 victimes à Charlie Hebdo, à Montrouge et au Super-Cacher de la Porte de Vincennes . Nous sommes maintenant tous CHARLIE, FLIC et JUIF.
Cette même solidarité s’est exprimée sous l’occupation dans des circonstances bien plus difficiles et périlleuses. Une bonne partie de la population était alors abusée par les dirigeants de Vichy ennemis de la République.
Ils sont rares, les Enfants Cachés qui ont eu comme moi la possibilité de déposer un dossier pour la reconnaissance de leurs sauveteurs. Le Mémorial de la Shoah, leur en a récemment donné l’occasion. Une campagne à été organisée pour recueillir et archiver leurs témoignages. Leurs documents ont été scannés pour les archiver. Pour certains qui n’ont pu monter, ne serais-ce qu’une photo de leurs proches disparus, seuls leurs déclarations ont été enregistrées.
Ces documents, ces archives, ces dossiers, sont très importants. Les historiens , les éducateurs y attachent un grand prix à car elles expriment l’ ‘Exception Française’ qui est une leçon pour l’avenir dont nous allons avoir besoin.
J’espère que cette Médaille des Justes attribuée à Simone Maurel et notre présente cérémonie auront contribué un tant soit peu à transmettre cette leçon, nous aurons alors atteint notre but.
Vive la République ».
Armand Rafalovitch
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Image à la une : Le Maire, le Représentant de Yad Va Shem, Jean Louis avec le certificat, Le Consul d’Israël avec la Médaille.
Armand Rafalovitch
Vous reméttez en cause ce qu’on apprend à l’école , l’histoire etc les stats ne veulent rien dire On peut faire dire ce qu’on veut aux chiffres ..C’est la nouvelle mode de remettre en question l’histoire
Allez racconter votre article aux Juifs déportés et exterminés , qui ont pour certains été dénoncés
Heureusement qu’il y a eu des Français qui ont cachés des Juifs mais ce n’étais pas du tout la majorité
Bonjour Laurence.
Votre remarque est surprenante. Vous semblez vous offusquer que, contrairement à de que vous avez retenu à l’école, des juifs aient survécu aux rafles, aux déportations et à l’extermination. Vous devriez plutôt en être heureuse. En tout cas je le suis. Et je ne serais pas né si mon père n’avait pas été sauvé !