De nombreux commentateurs ou responsables politiques s’acharnent à vouloir comparer la vague de violence qui déferle actuellement sur Israël à « l’Intifada d’El Aqsa » des années 2000-2004. Or l’histoire ne se répète jamais. La seconde « Intifada », celle marquée par des dizaines d’attentats suicides particulièrement meurtriers ne ressemblait pas à la révolte des pierres déclenchée en Judée et Samarie fin 1987 à la suite d’un accident de voiture anodin. De même que ce qui se passe actuellement, tant à Jérusalem que dans certaines parties des territoires, ou même dans le secteur arabe israélien ne ressemble pas à ce que les Israéliens ont donc vécu au début des années 2000.
– La première différence majeure se rapporte à la planification de la vague terroriste.
En 2000, Yasser Arafat avait soigneusement planifié « l’intifada d’El Aqsa », en particulier après l’échec du sommet de Camp David (juillet 2000). Il avait donné son feu vert aux Tanzim (groupes armés du Fatah), et plus tacitement au Hamas (et Djihad) pour commettre des attentats meurtriers contre la population israélienne à Jérusalem, dans les Territoires, sur l’ensemble du pays.
La plupart de ces attentats avaient été validés par la direction palestinienne.
Par contre, nous assistons depuis un mois à une multiplication d’actes terroristes isolés qui n’ont pas été planifiés par une quelconque direction palestinienne. En appelant les Palestiniens à « défendre le Mont-du-Temple contre les colons », Mahmoud Abbas a certes fait passer un message sans équivoque aux Palestiniens, en particulier ceux de Jérusalem, mais le « raïs » palestinien ne valide pas les attentats à la voiture-bélier qui ont semé douleur et désolation ces dernières semaines à Jérusalem (et peut-être aussi dans le Goush Etsion).
Ce que les responsables de la Défense ont décidé d’appeler « terrorisme populaire » n’est autre qu’un ensemble d’actes commis par des arabes-palestiniens, individuellement, sans programmation sophistiquée, sans complicité extérieure. Et si l’on assiste à une répétition de ces actes, c’est avant tout parce que le « succès » remporté par l’auteur du premier attentat, même s’il a finalement été abattu par les forces de sécurité, peut séduire et pousser d’autres arabes-palestiniens à s’engager dans la même voie. De facto, un terroriste peut en susciter un autre…
– La seconde distinction est liée aux armes utilisées : Nous avons recensé ces dernières semaines essentiellement des attentats meurtriers à la voiture bélier, mais aussi des agressions meurtrières au couteau, comme lundi 10 novembre à Tel-Aviv et à l’entrée d’Alon Shvout dans le Goush Etsion. La seule exception a été l’attentat contre Yéhouda Glick grièvement blessé par les tirs à bout portant d’un habitant arabe-palestinien du quartier d’Abou Thor à Jérusalem.
Ces attaques à la voiture bélier et au couteau prouvent que les agresseurs ne disposent pas de moyens de se doter ni d’armes à feu, ni de ceinture d’explosifs. Et cela signifie d’abord que le Shin-Beth, les services de Renseignements militaires, mais aussi la police de « l’Autorité palestinienne » parviennent à contrôler de manière « étanche » les zones à risque dans les territoires.
Ensuite, cela veut dire que les arabes-palestiniens comprennent qu’Abbas veut peut-être attiser les flammes de la révolte, mais qu’il n’entend pas, pour l’instant, cautionner des actes qui pourraient pousser Tsahal à reprendre, comme au printemps 2002 lors de l’opération Rempart, le contrôle des villes palestiniennes sous « son » Autorité. L’utilisation de couteaux comme arme n’est pas sans rappeler un certain mois de mars 1993, quelques mois avant l’enclenchement du processus d’Oslo, un mois au cours duquel 15 Israéliens avaient été tués pour la plupart dans des attaques au couteau.
Une chose est sure : On est encore loin des débuts de « l’Intifada d’El Aqsa » lorsque les forces de sécurité arabes palestinienne avaient retourné leurs armes contre la population israélienne et avait, par exemple, semé la terreur dans le quartier de Guilo en tirant à partir de la localité de Bet Djallah.
– La troisième distinction est plus difficile à faire, car elle se rapporte au nombre de victimes de part et d’autre. En Israël chaque perte en vie humaine est douloureuse et frappe de plein fouet la population. Celles de l’officier druze des gardes-frontières Djadahan Assad, du jeune Shimon Baadani lors de l’attentat à la voiture bélier près de Shimon Hatsadik, puis celle du soldat Almog Shiloni à Tel-Aviv et de Dalya Lemkus près d’Alon Shvout, tous deux poignardés à mort, ont frappé à chaque fois de plein fouet la population israélienne qui ressent un sentiment grandissant d’insécurité. Mais tout en tenant compte de l’extrême affliction de leur famille, on est encore loin des dizaines de tués attentats suicides dans les autobus de l’hiver 1995-1996 à Jérusalem, ou des dizaines de victimes des attentats contre la pizzéria Sbaro (août 2001), contre l’hôtel Park à Netanya, le soir du Séder de Pessa’h (mars 2002). Images terribles qu’aucun Israélien n’a oubliées et que tous espèrent définitivement reléguées dans les pages les plus sombres de l’histoire d’Israël.
Voilà pourquoi, sans jamais négliger la gravité de la situation, sans renoncer à exiger du gouvernement et de son chef une attitude ferme face à la violence terroriste, il convient de relativiser cette situation, et de la placer dans le contexte du conflit sanglant qui oppose, depuis plus d’un siècle, Juifs et Arabes sur cette terre.
Toutefois sur un point précis, il semble y avoir une ressemblance entre « l’Intifada d’El Aqsa » et la période de tension actuelle, autour de que ce l’on pourrait appeler une communion d’objectifs entre Yasser Arafat et son successeur à la tête de l’Autorité palestinienne.
Il semble en effet que les deux hommes aient tous deux décidé à un certain stade de leur confrontation avec Israël, d’obtenir par la voie de la violence ce qu’ils n’ont pas réussi à obtenir par celle de la négociation.
En juillet 2000, Arafat aurait pu créer un État viable sur les 95 % de la Judée-Samarie qu’Ehud Barak était prêt à lui céder. Il aurait même pu proclamer Jérusalem-Est comme capitale de cet État. Mais le raïs d’alors n’était pas prêt à la moindre concession territoriale. Il voulait tout, jusqu’au dernier centimètre carré à Jérusalem et en Judée-Samarie.
Et voyant que Barak n’irait pas jusqu’au bout, il s’est inspiré du leader du Hezbollah Hassan Nasrallah, l’homme qui croyait en la faiblesse de la société israélienne, pour se lancer dans une Intifada qui, en dépit de son cortège de victimes, lui a finalement prouvé, avant qu’il ne meure à Paris le 11 novembre 2004, que les Israéliens ne courbaient pas l’échine. Certainement pas devant le terrorisme le plus abject.
Il semble, dix ans plus tard, qu’Abbas, soi-disant adepte d’une solution pacifique, se soit lui aussi laissé tenter par un usage « modéré » de la violence, après avoir échoué à faire céder Israël sur la voie diplomatique. La différence est qu’il lui est encore possible de faire machine arrière.
L’expérience a prouvé qu’au bout du compte, c’est Israël qui sortira vainqueur de cette confrontation. Alors même s’il sent qu’il a le vent en poupe à la Maison-Blanche et à l’ONU, Abbas peut encore faire montre de clairvoyance politique en multipliant les messages d’apaisement, en revenant sans condition à la table des négociations et en abandonnant la voie sans issue de l’unilatéralisme.
Source : Hamodia, par Daniel Haïk
Est ce qu’Abbas veut vraiment négocier ?