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Joël Mergui: « Après la Shoah, les Juifs sont revenus en France. Aujourd’hui, ils s’en vont ! »


Joël Mergui: « Après la Shoah, les Juifs sont revenus en France. Aujourd’hui, ils s’en vont ! »

Le président du Consistoire Joël Mergui a vécu, à l’unisson de la communauté un été difficile et préoccupant. Face aux manifestations anti-juives de Paris et Sarcelles, il n’a pas hésité à monter au créneau. Et le 18 septembre dernier lors de la cérémonie des vœux du Premier ministre, déplacée pour l’occasion en la grande synagogue de la Victoire, il a prononcé un discours ferme et remarqué dans lequel il a su poser les questions qui interpellent aujourd’hui les Juifs de France. Il confie à Hamodia ses sentiments et ses aspirations après cet été pas comme les autres.

– Hamodia : Joël Mergui, lors de la présentation des vœux de Roch Hachana, le 18 septembre, par le premier ministre Manuel Valls à la grande synagogue de la Victoire, vous avez prononcé un discours très ferme et grave sur la résurgence de l’antisémitisme et la profonde inquiétude des juifs de France. Est-ce que vous ressentez que les manifestations du mois de juillet dernier à Paris et Sarcelles ont provoqué une véritable fracture et marquent un tournant dans la vie de la communauté ? 

– Joël Mergui : J’ai parmi mes responsabilités celle de faire entendre à tous les niveaux de l’État et à la société civile, les besoins, les aspirations et les problèmes des Juifs français que je rencontre tout au long de mes déplacements en France ou en Israël. Je me suis donc fait l’écho de leurs ressentis et de leurs analyses durant ce moment d’échange privilégié que constitue la cérémonie des vœux à la communauté juive. Il n’est pas concevable que l’on puisse entendre pendant tout l’été dans les rues de Paris des slogans d’appel à la haine des Juifs et d’Israël et que tout reprenne ensuite comme si de rien était. Il était important que l’inquiétude légitime des juifs soit entendue et relayée parce qu’il ne faut pas sous-estimer l’impact ni les conséquences futures de ce qui s’est produit. Alors oui, je pense qu’il y a une véritable fracture non pas au sein de la communauté juive, mais d’une certaine frange de la société française vis-à-vis des Juifs. Le séisme que nous avons vécu cet été nous montre la profondeur du malaise de la société à notre égard, car nous-mêmes n’avons pas changé. Nous croyons dans les valeurs de la France et nous soutenons plus que jamais et toujours autant les règles de la République et du vivre-ensemble.

– Avez-vous le sentiment que les autorités françaises ont conscience du degré d’anxiété des Juifs de France aujourd’hui ?

– Le Premier ministre Manuel Valls m’a entendu exprimer cette inquiétude à plusieurs reprises au cours des derniers mois. Pas seulement à la Victoire, mais dans d’autres circonstances moins publiques. Il suit la situation de très près. Tout comme d’ailleurs le président de la République et le ministre de l’Intérieur. À leur niveau, la prise de conscience de l’importance et de la gravité de ce qui s’opère actuellement dans notre société est indéniable. Ce n’est hélas pas aussi systématique et partagé chez tous les élus ou hauts fonctionnaires que je rencontre, ce qui prouve qu’il faut continuer ce travail d’alerte et d’informations à tous les niveaux. Dans le message de Kippour que j’adresse traditionnellement aux présidents de communauté, j’ai indiqué combien ce travail d’échange et de communication était primordial à l’échelle locale. Il faut que la société civile et les politiques comprennent bien qu’en dépit des apparences, ce qui est en train de se jouer ce n’est pas le sort des Juifs, mais bien celui de la démocratie dans son ensemble.

– Qu’entendez-vous par là ? 

– Quelque chose de si fondamental que l’évidence rend certains aveugles. Les seuls pays où des Juifs vivent en paix sont des démocraties. Les seuls régimes qui axent leur politique intérieure et extérieure sur la haine des Juifs et leur disparition sont des dictatures plus ou moins déguisées. Le constat est limpide : la haine des Juifs est synonyme de haine de la démocratie. Voilà pourquoi il ne faut pas être dupe de ce qui s’est produit cet été. Voilà pourquoi il est essentiel de faire comprendre que les Juifs ne sont pas paranoïaques, mais que nous sommes doublement conscients du danger en tant que juifs et en tant que démocrates passionnés. Voilà pourquoi je n’ai de cesse de vouloir mobiliser tous les acteurs de la société civile et politique, car nous sommes tous confrontés au danger du djihadisme même si nous, juifs, y sommes deux fois plus exposés.

– Est-ce cette absence de mobilisation que vous avez dénoncée en parlant de l’indignation et de l’émotion sélectives des manifestants pro-palestiniens ?

– Tout à fait. Tous les juifs de France et nos amis non juifs ont été choqués de l’incroyable déni du réel de tous ceux qui soutenaient Gaza contre Israël qui ne faisait que défendre sa population civile des attaques du Hamas et sa survie comme État ! Pour avoir fait partie des quelques centaines de personnes qui se sont rassemblées pour dénoncer le crime abject de la décapitation d’un compatriote français en Algérie, j’ai pu mesurer le peu d’intérêt des foules si promptes par ailleurs à accuser les Juifs et Israël d’assassinat, de génocide, d’injustice et que sais je encore ! En réalité, quand les victimes n’entrent pas dans le schéma formaté et réducteur de la « relation juifs et arabes » personne n’y trouve à redire, même s’il est évident que nous sommes en présence d’une illustration concrète de la terreur djihadiste ! C’est ce que j’entendais dénoncer par l’émotion et l’indignation sélective bien commode des manifestants et des soi-disant défenseurs de la démocratie qui peinent à savoir où est leur camp !

– Dans votre discours du 18 septembre, vous évoquiez une nécessaire mobilisation, mais de qui ? 
– Il est extrêmement préoccupant de constater une réelle absence de mobilisation générale. Comme s’il était devenu normal que les djihadistes décapitent un homme, un Français. Nous sommes déjà arrivés à une banalisation de l’antisémitisme, ce qui est terrible, mais aujourd’hui se pose la question de savoir si nous allons aussi arriver à une banalisation de la barbarie ? Ce serait dramatique ! Il est impératif que notre société ne s’endorme pas, qu’elle défende les causes justes et condamne sans complexe le djihadisme. Après la barbarie nazie au 20e siècle, l’Europe veut-elle être confrontée au 21e siècle à la barbarie djihadiste ? Nous n’avons pas le droit de rater les premiers signaux et indices du développement de ce mal violent qui a d’abord frappé Israël, mais dont la vocation est de submerger l’Europe et le monde. Un vrai choix s’impose à tous, quelle est la société que nous voulons pour nous et nos enfants ? Voulons-nous laisser périr la démocratie et nous instaurer un ordre djihadiste de la terreur ? C’est pourquoi tous les démocrates sans distinction d’obédience politique, d’origine ou de culte doivent se mobiliser massivement pour faire front !

– Les Musulmans se plaignent d’être stigmatisés, les comprenez-vous ?

– Il ne s’agit pas de stigmatisation et pour l’heure que je sache ce n’est pas « mort aux Musulmans » que l’on attend hurler dans la rue ou que l’on voit taguer sur les murs et c’est bien heureux ! Il est vital pour tous les Français de se mobiliser sans distinction. Mais de la même manière qu’il faut reconnaître que les Juifs sont les premiers visés par l’antisémitisme des djihadistes, il est urgent de reconnaître aussi qu’il est dangereux pour les Musulmans eux-mêmes d’être assimilés aux djihadistes ! Voilà pourquoi j’ai sollicité – à plusieurs reprises – nos amis de la communauté musulmane à agir en ce sens et à dénoncer clairement et vigoureusement l’antisémitisme. Il est essentiel que l’on n’enferme pas les Musulmans dans cet amalgame. Cela suppose aussi et surtout que les chefs spirituels des musulmans de France se mobilisent et appellent comme tous les cultes à se mobiliser contre le fléau du djihadisme qui instrumentalise la religion pour mener une campagne et une politique impérialiste de terreur. C’est d’autant plus urgent que des djihadistes menacent de rentrer en France et d’y semer l’horreur !

– Il y a deux ans, Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, avait lui-même reconnu l’incapacité des autorités françaises à démanteler toutes les cellules terroristes islamiques existant en France. Est-ce un aveu d’impuissance ? 

– Il y a, à mon sens, plusieurs étapes : la première est de dresser un constat : il y a une montée certaine du djihadisme en France qui se traduit entre autres par une augmentation des actes antisémites et cela le président de la République en est convaincu. Il est conscient de l’ennemi. Pour la première fois, les autorités reconnaissent qu’il y a un lien entre antisémitisme et antisionisme. C’est rassurant. La seconde étape est qu’il faut agir. J’ai proposé en juillet dernier que la lutte contre l’antisémitisme devienne officiellement une « cause nationale ». Pourquoi ? Parce qu’agir contre l’antisémitisme, c’est renforcer la démocratie. Manuel Valls a reconnu dans son discours des vœux que l’actuel dispositif est désuet et il y a parlé d’un plan national pour lutter contre l’antisémitisme. J’attends avec impatience que ce plan soit mis en place et surtout obtienne des résultats tangibles. Ce qui est primordial une fois encore et de voir qu’au travers de la lutte contre l’antisémitisme, il s’agit avant tout et toujours de défendre la démocratie de lui donner les moyens et les ressources pour lutter contre tout ce qui la mine déjà de l’intérieur ou risque un jour de la menacer ! Voilà pourquoi je milite activement pour un plan d’action qui doit être interministériel et ne doit négliger aucun secteur de la société ! L’éducation, la justice, la jeunesse, la communication, les affaires étrangères et l’intérieur sont bien sûr concernés ! En agissant de façon concertée sur tous les champs politiques et sociaux, on pourra alors espérer une baisse de la menace djihadiste. 

– L’été dernier, un journal français a mentionné en manchette l’intention du ministre de l’Intérieur de dissoudre la LDJ (Ligue de Défense Juive) donnant le sentiment que finalement les véritables responsables des émeutes de Paris et Sarcelles en juillet étaient les Juifs et vous aviez-vous réagi vigoureusement à ce comportement paradoxal pourquoi ?

– Il était scandaleux et très malvenu que le seul jour où la communauté juive organise une manifestation de soutien à Israël, la presse française et en particulier un journal, décide de titrer sur la dissolution de la LDJ ! Pourquoi se focaliser sur ce sujet qui est par ailleurs récurrent et qui n’avait pas connu de développement particulier ? Pourquoi salir la communauté juive et sa jeunesse au lieu de mettre l’accent sur son comportement exemplaire extraordinaire quand on connaît le climat antisémite délétère et les provocations de toutes sortes auxquelles nos jeunes sont confrontés depuis 15 ans ? Insultés, agressés, retranchés dans des synagogues et des écoles surveillées par la police, ils ont tous fait confiance à la République pour les protéger. Ils ont fait confiance à la fois à l’État de Droit et à leurs institutions juives. Le petit nombre de faits répréhensifs -qui devront être jugés- est justement très révélateur de l’exemplarité de notre jeunesse et non l’inverse. Et de grâce que l’on ne commette pas non plus la faute morale de croire ou de faire croire que les émeutes anti-juives de cet été sont la faute de la LDJ ou des Juifs !

– Ne pensez-vous pas que l’inquiétude des Juifs de France était liée aux pics de tension durant le conflit à Gaza et que maintenant que le calme est revenu, tout va rentrer dans l’ordre ?

– Là encore, il ne faut pas tomber dans le piège tendu par ce que j’appelle « l’anti-sionsémitisme. » Ce qui s’est produit en France, cet été, n’avait aucun lien direct avec la situation au Proche-Orient ! Gaza n’est pas une province française et Israël est un État souverain ! En revanche oui, ce qui se passe là-bas est regardé à la loupe pour pouvoir saisir tous les moyens d’instrumentaliser une situation difficile pour la transformer en conflit sur le sol européen ! Par ailleurs, on le voit bien depuis, c’est aussi un extraordinaire moyen de recrutement et une publicité inestimable pour les djihadistes ! Ne soyons pas dupes une fois encore !

Voilà pourquoi au sein de la communauté juive, en dépit de Toulouse ou de Sarcelles, la vie continue plus que jamais même si cela laisse d’indéniables traumatismes dans l’inconscient collectif juif. Prenons l’exemple de Toulouse. L’année suivante, en 2012-2013, il n’y a pas eu de pic d’alya. Parce que ceux qui ont décidé de partir après la tuerie du 19 mars ont préparé soigneusement leur alya et sont montés l’année suivante en 2014. Cela signifie par conséquent que nous ne pourrons mesurer les conséquences de ce qui s’est passé en juillet dernier que l’année prochaine.

– Pourquoi y a-t-il donc tant de Juifs de France qui partent, souvent en Israël ?

– Après la Shoah, les Juifs sont revenus en France, aujourd’hui, certains la quittent, parce qu’ils sont inquiets, mais surtout parce qu’ils ont le sentiment de ne plus avoir d’avenir en France et qu’une partie de la population française ne veut plus partager avec les Juifs de « vivre ensemble ! » Pour restaurer la confiance, les Juifs français auront besoin de pouvoir se promener dans les rues de Paris, de Sarcelles ou d’ailleurs sans que personne ne s’en prenne à leur identité religieuse. Lorsque les actes antisémitismes et l’intolérance religieuse diminueront sensiblement, le mouvement d’émigration se ralentira. Et c’est un véritable défi pour les autorités françaises. Nous avons souvent été des baromètres sociaux. Si la communauté juive de France souffre, c’est que la France commence à être malade. Heureusement, nous ne sommes plus isolés dans notre combat et notre malaise est de plus en plus ressenti par nos concitoyens de toutes confessions, preuve que le combat contre l’antisémitisme est le combat de la France.

– Vous évoquez l’identité religieuse, est-ce elle qui est attaquée ?

– Il faut distinguer deux choses : le fait de s’en prendre aux Juifs au seul motif qu’ils sont juifs – c’est le but poursuivi par les antisémites et les antisionistes de tous bords politiques – et la limitation de l’expression religieuse du judaïsme pour la seule raison que nous vivons dans une société laïque. Ce sont deux choses différentes qui ont certes tendance à se mêler, mais qu’il ne faut pas confondre parce que les buts recherchés et les motivations sont différents. Mais clairement, nombre de Juifs religieux se sentent pris dans un étau qui se resserre, des deux côtés et d’autant plus, lorsque des personnes responsables pensent, en toute bonne foi, que radicaliser la laïcité en restreignant le fait religieux est la solution miracle à la montée de l’islamisme radical ! Or, je pense au contraire que cela ne fait que lui préparer le terrain !

– Permettez-moi de revenir à l’alya des Juifs de France en Israël. N’êtes-vous pas là dans une situation de paradoxe dans ce dossier ? D’un côté, en tant que président fermement engagé aux côtés d’Israël vous devez vous réjouir du départ de vos coreligionnaires en Israël. Mais d’un autre côté, votre communauté s’affaiblit irrésistiblement ? 

– Il y a longtemps que j’alerte sur le fait qu’il faut penser l’avenir de la communauté juive en tenant compte de l’alya grandissante vers Israël et sur le fait qu’aucune communauté juive de diaspora ne viendra plus compléter ou dynamiser les communautés françaises. Lorsqu’une famille juive est heureuse de s’installer en Israël, nous sommes heureux avec elle. Lorsque l’été dernier j’ai rencontré le nouveau président israélien Réouven Rivlin et Nathan Charanski président de l’Agence juive, ceux-ci m’ont dit en retour – comme les deux grands rabbins d’Israël – combien ils sont heureux de la qualité de l’alya en provenance de France ! C’est pourquoi, lorsqu’il y a quelques jours, j’ai accueilli le ministre israélien de la Diaspora Naftali Bennett, je lui ai fait part de notre souhait que tout soit mis en œuvre pour que les olim de France réussissent leur alya. Plus l’alya est « idéaliste » et plus elle a de chance de réussir. Je crois moins en une alya liée aux circonstances actuelles en France. Par ailleurs, l’alya nous confronte à un véritable défi : celui de devoir gérer la décroissance de la communauté. Depuis la Shoah, la communauté s’est accrue avec l’arrivée des rapatriés d’Algérie puis des originaires du Maroc et de Tunisie. Au cours des 10-15 dernières années, il y a eu plus de 30 000 Juifs qui ont quitté la France et il s’agissait en grande majorité du noyau « dur » de la communauté. 

– Comment comptez-vous gérer cette décroissance ?

– Clairement c’est un défi qui concerne toutes les grandes institutions juives. C’est pourquoi j’ai proposé que nous y répondions ensemble et non en ordre dispersé et j’ai lancé un grand projet de réflexion sur ce sujet. Si les synagogues se vident, les écoles et centres communautaires et culturels se videront également. Les grandes institutions doivent donc être solidaires et agir ensemble. Dans nos communautés, il s’agira de mutualiser les ressources, de rapprocher les structures, de redynamiser les fidèles et d’impulser partout un élan nouveau qui responsabilise chacun à son niveau. Devant ce qui s’annonce, quel Juif peut aujourd’hui ne pas être solidaire du destin collectif de sa communauté ? Qui peut continuer de garder son identité juive pour lui seul sans la partager avec d’autres personnes qui se reconnaissent comme juifs quel que soit le lien qui les rattache au judaïsme ? Nos ennemis eux ne font aucune différence entre nous ! Le départ de ces olim affaiblit aussi économiquement la communauté, ce qui signifie que nous allons désormais devoir faire mieux, mais avec moins de moyens. Notre défi est là : faire que l’alya renforce notre communauté au lieu de l’affaiblir. 

– Mais comment persuader des Juifs de France qui jusque-là étaient en dehors des structures communautaires d’y pénétrer ?

– Il faut les inciter à venir, c’est pourquoi je vais lancer – avec l’IFM-SAJ – une vraie formation des bénévoles sur ce sujet. Certains le font déjà magnifiquement et leur amour de la communauté est si fort qu’il fait des émules parmi ceux qui n’étaient venus qu’une fois timidement en osant à peine dire qu’ils ne sont pas pratiquants ! Ce qui compte, c’est qu’ils se sentent en confiance, en famille et qu’ils soient accueillis comme tels, comme des explorateurs de retour chez eux après un long voyage. Il faut que nous soyons capables de capter l’attention de nos coreligionnaires qui entrent dans la synagogue à l’heure de la Néïla comme à tous nos rendez-vous festifs, pour qu’ils aient envie de revenir et de se mobiliser au sein de la communauté. Notre rôle est aussi de venir en aide aux communautés qui s’affaiblissent pour éviter qu’elles atteignent un point de non-retour, c’est le sens de l’action de la ‘Hazac par exemple qui mobilise plus de 300 jeunes pour sillonner les communautés et les redynamiser. Ma responsabilité c’est aussi de faire faire aux Juifs de France qui restent, leur “ alya ”, mais aussi leur intégration au sein même de la communauté. Et je ne cesse de dire à ceux qui partent : “ trouvez des Juifs ici qui vont vous remplacer dans votre mission ou sur les bancs de la synagogue ou de l’école juive ”. Encore une fois, cette situation nous place face à ce que nous avons de meilleur en nous pour que continue de vivre la grande famille juive. C’est pour répondre à ce défi et aller dans cette direction que la création prochaine du Centre Européen du Judaïsme verra le jour dans le 17e, un arrondissement où réside désormais l’une des plus importantes communautés juives. Préparer l’avenir, c’est de même la vocation de l’IFM SAJ qui complète la formation de nos futurs rabbins et donne à nos jeunes les moyens de prendre un jour la relève communautaire, tout en formant par ailleurs nos cho’hatim et nos chomrim à leurs nouvelles obligations réglementaires et en assurant bientôt la formation continue de nos personnels, dont les rabbins. Préparer la relève de l’alya, c’est les plus jeunes, c’est renforcer notre actuel talmud Torah, le rendre encore plus adapté et innovant. C’est se concentrer aussi sur le rôle majeur des femmes dans notre communauté qui sont le pivot essentiel de la transmission juive. Ce rôle méconnu à tort, nous allons le valoriser davantage et mettre en avant toutes celles qui s’engagent de façon constructive pour l’ensemble de la communauté. Permettre à toutes les facettes de notre identité de s’épanouir, diversifier notre « offre » si je puis dire, telle est une des façons de répondre à ce défi. Si je dois résumer, il faut continuer d’avancer, de voir grand sans limiter les actions ou les projets nécessaires par peur de l’avenir ! C’est une espérance toute juive, c’est notre force : ne jamais renoncer.

– L’année hébraïque qui vient de se terminer a vu les instances du Consistoire élire un nouveau grand rabbin de France en la personne du grand rabbin ‘Haïm Korsia. Est-ce que cela a permis de ramener plus de stabilité et de sérénité après deux années “ difficiles ” ?

– Les deux dernières années ont été effectivement difficiles. Il y a eu le choc de la disparition du grand rabbin de Paris David Messas zatsal, puis le départ du grand rabbin Gilles Bernheim. Je voudrais saluer encore une fois le travail effectué par les grands rabbins Gugenheim et Kaufmann pour assurer l’intérim et la continuité du grand rabbinat de France durant l’année écoulée et les événements ne les ont guère épargnés ! L’école rabbinique est en train de faire discrètement sa mue et continue grâce à son directeur de s’adapter aux exigences du monde actuel et aux enjeux de nos communautés avec l’aide de l’IFM SAJ que nous avons créé et qui parmi ses multiples projets va aussi mettre en place l’apprentissage de l’hébreu et créer un oulpan. J’ai réuni le grand rabbin de Paris et le grand rabbin de France avec lesquels nous réfléchissons sur les actions à mener conjointement qu’il s’agisse de la situation des étudiants confrontés aux examens universitaires les jours de fête, de la cacherout à unifier ou des questions de statuts personnels. Nous avons la chance en France de pouvoir bénéficier de l’expertise internationalement reconnue de Dayan du grand rabbin Gugenheim qui assure actuellement l’intérim du Av Beth-Din. Toutes les épreuves passées ont montré la maturité du Consistoire qui a toujours assuré la continuité de ses activités et de ses services. Depuis le 22 juin, nous travaillons avec le grand rabbin de France ‘Haïm Korsia qui intègre tous nos projets passés ou en cours. Les programmes qu’il envisagera de créer sont les bienvenus dans ce contexte difficile et avec le grand rabbin de Paris, Michel Gugenheim nous traitons ensemble de tous les sujets à l’ordre du jour de la communauté. Il est important qu’il y ait une harmonie entre Paris et la province en particulier au sujet des normes et orientations des différents Baté-Din parce qu’il est primordial qu’ils restent en cohérence avec les Baté-Din en Israël.

– Ne risque-t-on pas de se retrouver prochainement en France et en Europe sous un nouvel assaut de députés qui viendraient entraver la poursuite de l’abattage rituel ou s’opposer à la pratique de la brit mila ?

-Justement, lorsque je parlais de cohérence dans les Baté-Din en France, je pensais à ces combats pour la Che’hita et pour la Brit-Mila. Il faut veiller à une concertation permanente et à une étroite coordination entre d’une part les rabbins en France et d’autre part avec les rabbins européens pour deux raisons. La première par souci d’efficacité et de cohérence vis à vis des autorités nationales et européennes et la seconde pour que les règles religieuses soient unanimement reconnues par tous. Le moindre défaut, la moindre brèche pourraient être préjudiciables à tous. Il suffit toujours de peu que les Juifs soient présentés à tort comme des tortionnaires d’animaux ou des mutilateurs d’enfants à cause de motivations antisémites ou sous la pression de lobbies mal intentionnés ou très intéressés. Une fois pour toutes, l’Europe doit décider : veut-elle maintenir une présence juive sur son sol, auquel cas elle doit s’en donner les moyens ? En combattant l’anti-sionsémitisme et le djihadisme et en veillant à défendre toutes nos libertés religieuses. 

– Joël Mergui, on vous a senti très mobilisé ces derniers mois et même dans cet entretien. Qu’est-ce qui pourrait vous rassurer et vous apaiser en 5775 ? 

– Ce qui me ferait plaisir c’est de voir au lendemain de Kippour, des Juifs jusque-là éloignés de leur communauté aller voir le rabbin, ou le président de leur communauté et leur dire : “ Je suis disponible. En quoi puis-je être utile ” ? Le modèle du président ou de l’administrateur bénévole qui comme je le fais depuis 30 ans, trouve plusieurs heures par jour à côté de sa vie de famille et en plus de son activité professionnelle (NDLR : Joël Mergui exerce comme médecin dermatologue) pour servir la communauté fonctionne et doit faire de nouveaux émules. C’est une question d’engagement personnel et pour ma part je n’ai d’autre hobby ou passion que mon peuple et ma famille ! Chaque Juif de France devrait se mobiliser pour le maintien, la préservation de notre peuple et de notre communauté. J’ai espoir vraiment ! Comme mes coreligionnaires, je préfère toujours voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide, même si à priori il ne reste qu’un quart ! Je fais confiance à notre inventivité, à notre sens aigu des responsabilités pour trouver des solutions qui émergeront là où peut-être nous ne les attendions pas. 

Daniel Haïk – Hamodia





Journaliste québécois, pro-atlantiste, pro-israélien,pro-occidental



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  • 8 thoughts on “Joël Mergui: « Après la Shoah, les Juifs sont revenus en France. Aujourd’hui, ils s’en vont ! »

    1. klein

      Si les juifs quittent la France il nous vaut mieux la fuir aussi , elle ne mérite plus le terme de pays démocratique et libre !

    2. Guy Poron

      Merci pour cet article et toutes vos informations.
      En fait, tout le monde démocratique, la France en particulier mais également les Etats-Unis se laissent empoisoner par le soi-disant « humanisme de toutes tendances » et le résultat est sous nos yeux…Dans les temps de la fin et nous y sommes, tous les Juifs de la diaspora auront fait leur aliyah vers Eretz Israel
      Ceci, plus ou moins volontairement
      Retourner en Israel, c´est pouvoir porter librement sa kippa!
      Bien fraternellement!!

    3. abraham

      Joël Mergui:: Devrait s’atteler à connaitre les raisons du mal dont souffre le judaïsme.

      Le judaïsme est malade depuis la SHOAH de deux maux :

      1/ Le matriarcat fait perdre au judaïsme à chaque génération 50 % d’enfants Juifs nés de nos coreligionnaires qui ont épousé une non-juive.
      Or, chacune sait que jusqu’à le retour de Babylone c’est le Patriarcat que la Torah impose.
      C »est la réforme du scribe EZRA qui impose le Matriarcat à la suite d’un conflit avec les Israélites ne furent pas traînés en exil à Babylone..
      Ce qui est grave dans la situation actuelle est le fait que les enfants issus de mariages mixte portent des noms juifs,et qu’à la suite de leur rejet du peuple Juif deviennent de virulents antisémites qui se dissimulent leur haine sous un antisionisme. La Torah impose le PATRIARCAT puisque tous les Enfants d’Israël/Jacob ont épousé des idolâtres.

      2/ Le Guet est un problème douloureux d’un autre âge, dont le solutionne dépend pas du Rabbinat mais des scribes employés par l’A.C.I.P peuvent remédier face à la carence et l(ignorance des parents de l’épouse.

      Il suffit d’ajouter systématiquement à la Kétouba le paragraphe suivant :

      M…………. (Nom et prénoms )………………………. Epoux civil contracté le …….. à la Mairie de ……… avec Madame …………. (Nom et prénoms née) …………. S’engage à accorder le quêt à son épouse un mois après le prononcé du jugement de divorce rendu par le tribunal civil.
      Faute de quoi, un mois après la signification de ladite décision de Justice par la partie la plus diligente au Beth-Din et à l’époux. Celui-ci autorise d’ores et déjà le Beth-Din à accorder à ses lieux et place le quêt à son épouse Madame …………… (Nom et prénoms née) le …………….

    4. Ratfucker

      « les Juifs soient présentés à tort comme des tortionnaires d’animaux ou des mutilateurs d’enfants » par des antisémites mangeurs de boeuf ou de porc, animaux qui ont été châtrés sans anesthésie. Un séjour chez le Daesh leur permettrait de comparer quelle est l’opération la plus douloureuse.

    5. Lion

      La communauté juive de France ne peut pas ignorer le rôle important que ses élites ont joué pour introduire en France le plus de musulmans possibles afin que la France , même l’Europe devienne terre musulmane . Maintenant se sont les arroseurs arrosés . Et grave d’ici 20 ans nous aurons un président musulman ou général musulman avec le bouton rouge , l’arme atomique . Avec la complicité de l’élite musulmane en France au pouvoir les pays musulmans pourront plus facilement accéder à la connaissance scientifique atomique . Effet boomerang pour les juifs , l’alya à cause de la menace que les musulmans de France font peser sur eux et la fuite des connaissances atomiques au profit des pays musulmans .

    6. Lion

      Abraham les musulmans sont moins c… . Même si ils baisent une chèvre et qu’elle enfante se sera des enfants musulmans . Tout ce qu’un musulman baise devient musulman , c’est aussi simple que ça . C’est pour cela que pour eux le mariage mixte ne pose aucun problème .
      Abraham ma réponse contient un peu d’humour , à prendre au second degré .

    7. Marc Denoyer

      Vraiment pourquoi les juifs sont-ils si détestés? Certains diront peut-être que c’est juste une opinion, que l’on a le droit de nous exprimer, etc. Mais moi, je pense que oui, on a tous le droit de s’exprimer. Mais attention à ne pas le faire au détriment d’autrui. La manifestation anti-juive par exemple, est-ce que ce n’est pas de la discrimination fondée sur la race? C’est interdit par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Moi, je n’aime pas les homosexuels, mais je ne le crie pas sur tous les toits. Ils devraient en faire de même d’ailleurs, c’est-à-dire respecter l’opinion des autres et rester bien sages dans leur coin au lieu d’essayer de propager leur mode de vie.

    8. Marc

      Quand on n’est pas le bienvenu, il vaut mieux s’en aller. Je ne comprends pas vraiment cette rivalités entre les religions. Pourquoi ne pas juste prier son Dieu et c’est tout, ne pas déranger les autres comme ça.

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