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Les nouveaux visages de l’Europe. Et après ? Par Elie Barnavi


Les nouveaux visages de l’Europe. Et après ? Par Elie Barnavi

Après la présidence de la Commission, où s’est imposé le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker le 27 juin dernier, l’Union européenne vient de pourvoir ses deux autres postes les plus en vue : la présidence permanente du Conseil européen, où le Polonais Donald Tusk remplace le Belge Hermann Van Rompuy ; et la haute représentation pour les Affaires étrangères, enlevée non sans mal par l’Italienne Federica Mogherini grâce au forcing du Premier ministre de son pays, Matteo Renzi.

 Ces deux nominations sont caractéristiques de la manière dont fonctionne l’Union, à coups de dosages subtils entre nord et sud, ouest et est, grands et petits, droite et gauche, hommes et femmes, et j’en oublie probablement. En l’occurrence, à la travailliste baronne Catherine Ashton succède une femme classée à gauche, ce qui est parfait. Elle est italienne, ce qui tombe bien également, puisque la victoire de Renzi aux dernières élections législatives dans la péninsule a envoyé à Strasbourg le plus fort contingent social-démocrate au Parlement européen, ce qui sans conteste valait à l’Italie un poste important. La « vieille Europe » s’étant ainsi assurée de deux des trois positions de tête, il était temps de promouvoir la « nouvelle » celle arrivée après la chute du Rideau de fer. Voilà qui est fait en la personne de Donald Tusk, Premier ministre de Pologne depuis 2007, désormais détenteur de la charge la plus éminente de l’Union.

 Au-delà de cette affaire d’équilibres régionaux, partisans et sexuels, en définitive inévitables dans une construction politique volontaire fondée sur les rapports de force corrigés par le compromis permanent, quelle signification attribuer à ces nominations ? D’abord celle-ci : la politique étrangère étant le dernier bastion de la souveraineté des Etats-nations, les dirigeants des principaux d’entre eux n’entendent pas s’en dessaisir au bénéfice de l’Europe supranationale. Logiquement, ils ont donc porté leur dévolu sur un poids plume, à l’instar de la triste figure à laquelle elle succède. Il y eut plus d’un soupçon d’hypocrisie dans la manière dont Mogherini a été étrillée à cause de son relatif jeune âge (41 ans) et de son inexpérience ; c’est bien pour cela qu’elle a été élue. Seul le reproche de sa mollesse à l’égard de la Russie de Poutine sonnait-il vrai, encore ne provenait-il que des pays de l’ancien glacis soviétique.

 Contrairement à la nomination de sa collègue italienne, l’accession de Tusk à la présidence de l’Union est lourde d’une triple signification. D’abord, en sept ans de pouvoir, ce libéral-conservateur a su faire de la Pologne, seul pays de l’UE à avoir traversé la crise sans dommage majeur, un pilier de l’Union. Que la Pologne, un quart de siècle après les premières élections libres du bloc soviétique qui ont sonné le glas du régime communiste, envoie un des siens présider le Conseil européen, voilà qui ne manque ni d’allure, ni de sens.

 Ensuite, son élection marque une étape de plus dans la dérive du centre de gravité de l’UE vers l’est du continent. C’était déjà le cas du fait du poids de l’Allemagne unifiée, joint à la langueur de l’économie française qui a gravement déséquilibré l’axe Paris-Berlin. En menant une politique de réconciliation et de rapprochement avec l’Allemagne, Tusk a esquissé un nouvel axe européen. En veut-on un symbole ? Le nouveau président du Conseil parle mal l’anglais, pas du tout le français et fort bien l’allemand…

 Enfin, un Polonais à la tête de l’Europe veut dire une tête plus dure à l’égard de Moscou. L’histoire longue et récente ne prédispose pas les Polonais à la mansuétude à l’égard de la Russie, et les événements d’Ukraine ne font rien pour infléchir une méfiance solidement ancrée dans la psyché nationale. Tusk est un partisan convaincu d’une vraie politique énergétique européenne, comme d’un renforcement des ressources européennes propres de l’Europe à l’intérieur de l’Otan. Rien là de quoi réjouir l’occupant du Kremlin.

A-t-on eu raison à Jérusalem de se réjouir de l’arrivée de ces deux-là aux affaires européennes ? Oui et non. Oui, car les dirigeants politiques de l’Europe ex-soviétique ont des relations traditionnellement bonnes avec Israël comme avec les Américains, et que Tusk ne fait pas exception à la règle. Oui, dans la mesure où, en visite à Jérusalem en juillet dernier, Federica Mogherini s’est montrée solidaire avec les victimes des roquettes du Hamas et compréhensive à l’égard des besoins de défense d’Israël.

 Et non, car des mots aimables de celle qui était à l’époque ministre des Affaires étrangères de son pays, comme de l’amitié affichée de l’homme d’Etat polonais, il faudrait être bien naïf pour déduire le moindre infléchissement des positions de l’Europe sur le contentieux israélo-palestinien. Autant ne pas se faire d’illusions.

Elie Barnavi est historien et essayiste, professeur émérite d’histoire moderne à l’Université de Tel-Aviv, et ancien ambassadeur d’Israël en France.
http://www.i24news.tv/fr







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