Ce jour là, j ai eu honte. par Nadine Sonsino

Honte d’avoir peur.

Peur de cette fille galvanisée  par la haine,   désinhibée par la foule, dopée par la certitude de l’impunité.

La  tête et le bas du visage couverts façon keffieh de combat d’un drapeau du Hamas, le t-shirt sarcastique « don’t panic, i’m muslim »(ne paniquez pas, je suis musulman), cette fille et tous les autres t-shirts et drapeaux verts du BDS, noir de l’état islamique d’Irak et du Levant celui du Npa, de la Cgt, le comité du cheik Yassine avec les Indigènes de la République, des anonymes ou encore méconnus, tous démontrent solidement leur soutien au peuple palestinien en souhaitant ma mort.

Quelques « mort aux juifs », comme un lapsus, qu’on n’a pas pu refreiner mais qui, une fois lâché, trouve rapidement preneur…et hop tout ce joli monde reprend comme un seul homme.

Cette foule-là ne veut pas la paix, pas plus que l’égalité.

Ni pour elle ni pour les palestiniens.

Et cette fille-là me le confirme.

Elle quitte la manif sur  sa mob,  fend un attroupement compact de passants sur le trottoir, sans jamais décélérer pour les éviter.  Elle roule sans frein, rie à gorge déployée de les obliger au saut de coté pour lui faire place.

Pas plus que cette foule, cette fille-là ne voulait une place.

Ni pour elle, ni pour les palestiniens.

Elle voulait ma place.

Ses amis et elle m’interdisaient de vie.

Là où je suis née et partout ailleurs.

Ils ne crient pas mort aux juifs français, ils hurlent mort aux juifs tout court.

Comme cela sera le cas lors de chacune de leurs manifs et partout dans le monde.

Mort aux juifs sur terre.

Mais.

Officiellement, depuis qu’Israël existe, ces croisés des droits de l’homme ne combattent pas les juifs, ils combattent le sionisme.

Pour preuve l’attaque des synagogues qu’ils rebaptisent ambassades d’Israël pour les besoins de la cause.

Ils ne sont pas antisémites, ils sont créatifs. Jamais à court d’idées pour déformer la réalité et fustiger l’occupant. Français, Amérindien, Papou, Italien, l’occupant est partout.

Pour soutenir leurs efforts, ils boycottent, désinvestissent et menacent les artistes qui oseraient se produire en terre aussi sainte que maudite.

Il faut être rock&roll dans le sang pour les envoyer balader en leur tirant la langue.

Afin de punir Israël pour l’occupation des territoires, ils n’hésitent pas à punir les palestiniens qui perdent leurs emplois. Prêts à sacrifier la qualité de vie de leurs protégés pour atteindre leur but…une manie décidemment.

Le boycott des grandes marques, Coca, Apple, Levis Danone et mille autres dont on se procure la liste sur mediapart aussi aisement que sur les sites djihadistes tel que la voix des opprimés ne sont pas des marques israéliennes.

Elles appartiennent à des  juifs.

Mais l’antisioniste n’est pas raciste, il ne fait pas de différence.

Boycott qui, une fois de plus, demande une  belle abnégation à ces militants portant jeans, gavés au numérique, coca, et autres indispensables du vingt et unième siècle.

Le boycott doit obtenir d’Israël qu’il rende les territoires. En l’affaiblissant économiquement et culturellement il doit le mettre au ban des nations jusqu’à ce que qu’il cède.

Pas les territoires.

LE territoire. Comme il est consigné dans la charte du Hamas accessible à tous par simple clic.

Cette foule-là ne voulait pas que je sois celle que  j’ai toujours été.

Juive sans craindre de l’être.

Je ne craignais pas.

C’était pire, je comprenais.

On ne pourrait pas arrêter cette déferlante puisqu’on n’avait pas pu faire respecter l’interdiction de ses manifs, pas plus que leurs mots d’ordre qui n’avaient rien d’une prise de position humaniste et tout d’une bombe à retardement.

La méche a été tissée en biaisant les infos et dévoyant les cerveaux par une pornographie d’images morbides aussi  délocalisées qu’antidatées.

Quoi de plus efficace en effet pour titiller la sensibilité de jeune fille de cette horde de Mére Theresa ?

Il ne fallait rien de plus pour amalgamer les bienpensants de tous bords qui n’attendaient qu’un amuseur providentiel pour se défouler.

La lame de fond brune sur laquelle il surfait dans cet espoir, n’attendait que lui pour crier sa haine au grand jour sans plus avoir à craindre le jugement de ses compatriotes.

L’antisémitisme n’est plus un délit que juridiquement.

Il n’est plus nauséabond.

Sous couvert de l’humour, ils l’ont affranchi de la morale. Et s’en sont affranchis du même coup.

Mais l’humour n’est pas ce qui unit le chantre à ses ouailles.

C’est parce qu’il sert à ridiculiser ceux dont ils nient le passé, la présence et le futur en même temps qu’ils nient être antisémites !

Ils exultent parce le clown piétine ceux qu’ils ont choisi comme fourre-tout à leur haine viscérale.

Haine qu’ils n’ont plus besoin de justifier puisqu’il suffit de se dire antisioniste pour en être dispensé.

C’est la haine qui est le point commun entre lui et ses adeptes.

Pas les juifs.

Ils ne sont qu’un support.

Ils en ont d’autres. Mais les juifs, c’est le fond de roulement, c’est permanent.

Au début, on croit que chacun a une raison personnelle, une frustration, une blessure intime qu’il fait payer à la société.

A la société… mais pourquoi aux juifs ?

C’est tomber dans leur piège que de chercher  une explication. Une origine. Une excuse.

Pour exprimer  leur haine en toute liberté, ils la travestissent sous des atours idéologiques  qui  ne tiennent même pas le temps d’une manif.

La haine se suffit à elle même.

Elle n’a besoin d’aucun motif pour exister.

Lui laisser libre court est le choix de vie.

Ce  Dieu-là a choisi un bouc émissaire qui a déjà fait ses preuves,  avec lequel il a attiré à lui les passionnés de théâtre, mais aussi ceux qui, du jour au lendemain, deviennent les damnés de la terre convertis fissa à la quenelle et à l’extrême gauche qui, pour l’occasion a oublié que la charia est l’opium du peuple…

Il n’a fait que soulever le couvercle d’une boite de Pandore qui n’a jamais été fermée. Un mouchoir était juste posé dessus…

J’ai eu peur mais cette peur-là est indissociable de l’instinct de survie.

C’est une alliance viscérale.

Ce que je sens et vois ce jour-là accrédite ce que je lis et entend depuis des mois.

J’ai eu peur et pour cet escadron hétéroclite, c’était le but.

Les faits divers rappellent, sans qu’on s’en émeuve, que de port d’un signe juif  est devenu une provocation punit pas un tabassage proportionnel à l’offense.

Une provocation ? Quelle provocation ?

Bon sang mais c’est bien sûr…mort aux juifs…pour ces cinglés, nos vies elles-mêmes sont une provocation…qu’on soit de Sarcelles ou de Tel Aviv. Riche ou à la rue.

J’ai eu peur.

C’est ça la terreur. Pas besoin de s’en occuper. Ca marche tout seul. On a peur, on s’autocensure.

Plus d’étoile autour du cou. Et on a honte.

Honte de soi. Honte de se renier.

On se fait tout petit pour rentrer là…où on ne rentre pas.

Il n’y a pas de quoi avoir honte, parce qu’il y a de quoi avoir peur.

Peur d’un gouvernement qui ne peut plus faire régner l’ordre depuis que, par stratégie électorale, il a laissé le champs libre à un golem qu’il ne maitrise plus.

Peur de « l’innocence » complice d’une presse qui, parmi tous les conflits dans le monde, ne décomptent quotidiennement que les victimes d’Israël alors que chacun sait que le Hamas expose son peuple précisément dans ce but.

Il n’y a plus que la presse pour feindre encore de l’ignorer.

Peur face à l’unanimité sélective de ceux qui, peu concernés, dans les diners en ville, jugent de la juste proportion pour défendre sa peau.

Peur face à la collaboration active du silence des badauds de la vie…

Il n’y a pas de quoi avoir honte, il y a de quoi enrager. D’une rage viscérale elle aussi.

D’une rage plus forte que cette peur.

J’enrage parce « pour triompher le mal n’a besoin que de l’inaction des gens de bien » disait Einstein.

J’enrage parce que le monde qui m’entoure me regarde être menacée sans bouger en se défaussant d’un « faut pas exagérer quand même » et préfèrent dénoncer mon catastrophisme pour rester dans le troupeau.

Leur rappeler qu’on a tué des juifs en France, en Belgique, il y encore quelques mois.

Qu’on protège les quartiers juifs après chacune de ces manifs, que la kippa est devenue dans certains quartiers …la liste est longue mais à quoi bon puisque une fois encore, rien de tout ça ne les choque plus que ça.

Ils laissent le boulevard aux  extrêmes qui ont en commun de ne pas trop aimer « l’étranger de souche ».

Je pourrais leur prouver qu’ils sont les prochains sur la liste. Il n’y a qu’à regarder le sort prévu pour la planète par les tarés du Daech dont le drapeau flottait à Paris pendant ces manifs sans que les représentants politiques qui s’y trouvaient, ni ceux qui les portaient, en soient inquiétés.

Ils n’arriveront pas sabre à la main pour nous décapiter. Ils sont déjà là prêts à faire sauter ce qu’ils veulent quand ils le voudront. A trucider qui ils veulent où ils veulent.

En attendant, show time : ils nous montrent ce dont ils sont capables.  Ils nous  coupent le souffle…pour commencer…

Je ne leur dis pas parce ce que je suis écoeurée autant qu’épuisée d’avoir essayé.

J’espérais  que le spectacle les fasse vomir. Que ce remake de l’histoire leur rappelle quelque chose, comme le fait que chacun est garant de la bonne vie de l’autre par exemple…

Peut être faut-il être juif pour se souvenir que cette attitude est celle qui a permis au führer psychopathe les atrocités qu’on était alors incapable d’imaginer.

Psychopathe dont on se revendique aujourd’hui sans retenue  dans les théâtres, manifs et les réseaux sociaux.

Peut être faut-il avoir cette intuition atavique pour sentir le danger et en même temps que ce qu’il faut faire.

Un flair chevillé à la leçon du passé :

Il ne faut pas céder à la terreur. Mais à la rage. Et faire sa part.

Avec ou sans l’aide des autres.

Je n’ai presque jamais porté d’étoile de David, mais je le pouvais si je voulais il y a encore peu.

C’était ma liberté.

Cette liberté-là, ca n’est pas la liberté tout court.

C’est la liberté d’être juive.

C’est une part de mon identité. Je suis juive aussi.

Cette part-là n’est donc pas plus négociable que le reste de mon curriculum vitae.

Ce n’est pas de la témérité. Il s’agit de mon intégrité.

Alors finissons en.

Pour rallier le monde à leur croisade, les fous de ce Dieu-là  utilisent les clichés préexistants sans craindre le ridicule.

Riches, les juifs d’Israël et d’ailleurs dirigent les médias et le monde. Il suffit de lire les hunes internationales pour éclater de rire.

Ils accusent les Israéliens d’être à leur tour devenus des bourreaux. Mais de quoi parlent ils puisqu’ils prétendent que les juifs n’ont jamais été victimes de rien. Dans leur cirque la shoah n’a jamais existée…

Ils n’ont pas besoin de cohérence. Ils ont besoin de vidanger leur fiel.

Alors les clowns, je vous explique…le prurit qui vous rend dingues à vouloir notre mort: c’est votre fiel.

Non, ne me remerciez pas, c’est cadeau!

Comme tous ceux qu’on cherche à éradiquer sans répit, le peuple juif combat pour rester Vivant et Libre.

Pas survivants à la merci des bouffées délirantes du premier malade venu.

L’étoile que vous  espérez nous faire retirer de nous même, je la porte à l’intérieur de moi. Chaque cellule de mon être en est empreinte.

Je ne peux pas la perdre et vous ne pouvez me la prendre. Ou seulement le temps de dompter l’effroi face à votre haine et le bégayement de l’histoire…et me réappartenir.

Avec ou sans vous la Liberté exige de tous un courage autrement plus puissant que ses peurs.

Celle-là en demande un peu plus.

Grâce à un entrainement millénaire dû à vos bons soins et ceux des vôtres, ce peuple est devenu  compétiteur de haut niveau. Au point de ne même pas se poser la question de savoir si on a le courage ou pas.  Parce qu’on n’a pas le choix.

Alors pour l’étoile, ça ne change rien.

Je la porte quand j’en ai envie, si j’en ai envie, où j’en ai envie, comme d’habitude.

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©Nadine Sonsino pour Europe Israël