Image à la Une : L’empereur Hadrien.
« Empereur humaniste, lettré, poète, philosophe à la réputation pacifique, il rompt avec la politique expansionniste de son prédécesseur, s’attachant à pacifier et à organiser l’Empire tout en consolidant les frontières. » Voilà de quelle manière, Wikipédia présente ce boucher sanguinaire qui rasa la Judée, extermina ses habitants, et imposa de force le terme « Palestine ».
Le voyage du Pape François 1er, au Proche-Orient a été pour la propagande palestiniste une occasion sans précédent pour en quelque sorte canoniser le nom « Palestine ». Cette « canonisation » s’est effectuée à Bethléem à l’Eglise de la Nativité, avec un « bébé palestinien » (Jésus, affublé d’un foulard palestiniste en guise de langes). Toute cette mascarade s’est déroulée bien entendu en présence d’un Pape imperturbable dont la naïveté dispute à la lâcheté, lorsqu’on sait que le terme « Palestine » n’est jamais mentionné dans tout le Nouveau Testament et que par contre « Pays d’Israël » s’y trouve pratiquement à chaque verset.
Mais laissons le pape à ses contradictions et attardons nous à ce nom « Palestine » qui jouit du consensus général, si ce n’est d’un « grand prestige ».
Son usage politique, quoique récent et ne remontant qu’au début du 20e siècle, est universellement employé dans tous les livres d’histoire, les manuels d’archéologie, les cartes de géographie, les encyclopédies et dictionnaires, les revues scientifiques et les ouvrages de vulgarisation, les magazines et les quotidiens, les contes d’enfants et les films documentaires ou de fiction. Bref, c’est le nom que tous utilisent (y compris, chose pour le moins surprenante, les Israéliens eux-mêmes !) pour désigner la contrée qui englobe approximativement la superficie de l’Etat d’Israël et celle de l’Autorité dite « palestinienne ».
Bien sûr, les Israéliens diront qu’ils ne sont pas dupes et que « Palestine » n’est autre que la contrée nommé dans la Bible Israël, Pays de Canaan, Pays des Hébreux, ou encore Qedem (= le Levant). Mais lorsque l’on aborde la question, somme toute légitime, de l’origine historique de ce nom (et son étymologie), une chape de plomb s’installe et toutes les langues cessent de se délier, celles des Israéliens et des « Palestiniens » en premier. Cet article a pour objet de remédier à la lacune.
Aperçu historique
Sous la forme « Pleshet », apparaît pour la première fois dans l’Histoire le nom « Palestine », sur des fresques, des stèles, des papyrus, datant du XIIème siècle avant J.C. Ils relatent les victoires des pharaons Ra’amses et Merneftah sur les « peuples de la mer ». Cette même expression en hébreu « goïs de la mer » est également en usage dans la Bible, quoique souvent supplantée par une expression homologue : « philistins » (en hébreu: « plishtim »), les fameux « philistins » dont parle le récit de Samson.
Ce fut en effet le nom que les Hébreux octroyèrent à ces hommes (venus de la Crête en particulier) qui débarquèrent sur la côte et envahirent le littoral sud d’Israël (entre Gaza et Ashdod). C’est à partir de « plishtim », que cette bande littorale fut ensuite désignée par les Hébreux PLeShet (= Philistie).
Grammaticalement parlant, Pleshet ou Philistie est le substantif formé sur la racine hébraïque PLSh (envahir, occuper, faire incursion, faire intrusion). Il signifie « territoire occupé », territoire qu’il faut donc libérer des mains de l’intrus (= Plishti ).
Mis au pluriel, Plishtim, peut donc se traduire littéralement par » envahisseurs ». En moins de trois siècles, la plupart de ces « philistins » furent boutés hors du pays et les autres se fondirent dans la population hébreue indigène au point de disparaître en tant qu’entité ethnique et politique séparée.
Pourtant, tout au long des siècles suivants, le terme revenait ci et là dans la littérature biblique tardive, quoique de manière anachronique et atavique, pour fustiger l’ennemi symbolique d’Israël (voir Isaïe 11, 14).
Après la chute successive des royaumes d’Israël et de Juda, au VIIIème et VIème avant J.-C., sous les coups de boutoir des Assyriens et des Babyloniens, la langue araméenne fit irruption dans la région. C’est sous son influence que le suffixe hébreu -im, désignant le pluriel, fut parfois prononcé –in, à l’araméenne. Et c’est ainsi que plishtimdevint plishtin.
Notons au passage que le mot étant déjà au pluriel, on devrait le retransmettre en français par « palestiens »[1] et non « palestiniens ». La forme « palestiniens » est un double pluriel, non moins absurde que hébreuxiens, strasbourgeoisiens, ou parisiennois.
Mais comme le ridicule n’a jamais tué personne, et surtout pas les francophones, notons que la transcription erronée de l’hébreu plishtim n’est pas récente. Elle date de l’historien grec Hérodote (Ve siècle avant J.-C) qui, à cause de sa méconnaissance de l’hébreu (et de l’araméen), fit usage dans ses écrits du terme au masculin pluriel plishtim (en hébreu) ou plishtin (en dialecte araméen) comme d’un substantif, grécisé en palaïstinae.
Mais dans cette transcription se glissa une ‘coquille’. Le grec, comme beaucoup de langues indoeuropéennes, ne possède pas de S chuintant (Sh),[2] et plishtin devint palaïstinae avec un S dur.
De plus, Hérodote crut que son « néologisme » était au féminin singulier. Il ignorait que son origine hébraïque était un masculin pluriel. La forme française Palestine (qui résonne comme un féminin, tel Célestine ou Eglantine), est donc une totale aberration grammaticale. A la suite d’Hérodote, et ignorant tout de l’origine hébraïque du terme, certains historiens modernes se sont évertués à faire de ces envahisseurs « philistins » un peuple de la Grèce préhellénique, les « Pélasges », ou les mystérieux « Palaïstes » dont on ne connaît rien d’autre que le nom déformé.
Cinq siècles plus tard, ce furent les Romains qui banalisèrent l’usage du terme pour nommer non plus la bande côtière, comme Hérodote le faisait, mais tout l’ancien royaume de Judée. L’intention cette fois-ci était claire : Le toponyme latinisé « Palaestina » fut forgé en représailles aux rébellions contre l’Empire romain (depuis « La guerre des juifs » en 66-70, et jusqu’à la révolte de Bar Kohba en 132-135 après J.-C.). Soucieux de rayer de la carte ceux qui osèrent le défier, le tout-puissant empereur Hadrien, mu par une véritable pulsion vengeresse visant à effacer jusqu’à l’identité du peuple qui y vivait, rebaptisa la Judée « Palaestina », et Jérusalem « Aelia Capitolina » (du nom de sa famille).
Il est à noter néanmoins qu’à l’époque, « Palestine », ne fut jamais utilisé par les indigènes de cette contrée. L’usage du terme « Palestine », exprimant une volonté délibérée d’effacer l’identité originelle du pays (peine réservée par les Romains contre tout peuple qui osait se rebeller contre l’autorité de l’Empire), représentait un affront au peuple Hébreu. « Palestine » symbolisait donc l’oppression et l’ultime humiliation que les Romains lui firent subir. Par opposition à l’expression « Pays d’Israël » fièrement arborée par tous les Hébreux (y compris par Jésus et ses disciples), toute personne faisant usage du terme Palestine était vue comme un « collabo » des Romains.
Depuis, le nom « Palestine » fut en usage chez les Romains jusqu’à la fin de leur Empire. Puis, il tomba progressivement en désuétude. Dans la Byzance chrétienne, le nom de « Terre Sainte » fut privilégié, sans que pour autant » Judée » ou « Terre d’Israël » ne disparaissent.
Ce n’est qu’au VIIème siècle après J.-C que les conquérants arabo-musulmans qui supplantèrent les Byzantins en terre d’Israël, reprirent à leur compte le terme de « Palestine ». Non point pour désigner un pays ni même un peuple, mais un district militaire. Dans leurs cartes, la contrée est appelée jundi Falestîn, ce qui signifie littéralement « le district militaire Palestine ».
Il est à noter que dans le Qoran, le terme « Palestine » n’apparaît jamais ! Il ne peut donc être revendiqué au nom de l’Islam. Le pays y est nommé soit Ard Bneï Israël, littéralement la terre des fils d’Israël, soit ard Sham[3], qui est une appellation plus vaste encore, englobant Israël, la Syrie et le Liban.
La terminologie « jundi Falestin » est donc restreinte à une dimension militaire et s’inscrit exclusivement dans une logique de conquête, et non de revendication identitaire. Et c’est pourquoi, avec le temps et une fois le pays d’Israël totalement dominé et arabisé, son usage devint caduc.
Aujourd’hui d’ailleurs les palestinistes n’emploient jamais, lorsqu’ils sont entre eux, le nom « Palestine ». Ils en réservent l’usage aux déclarations officielles tournées vers l’étranger, l’utilisant comme un artifice médiatique destiné à gagner l’adhésion des Occidentaux. En privé, ils appellent cette contrée telle qu’elle est désignée dans la tradition musulmane Ard Sham (en occultant toute fois l’appellation coranique Ard Bneï Israël).
Ils savent en effet pertinemment que Palestine n’est pas un mot arabe. La lettre P n’existe pas en arabe, et c’est donc nécessairement un mot étranger. Certes, afin de ne plus dépendre d’une définition péjorative dont l’origine hébraïque était trop bien connue, et dans le but de « naturaliser » et « d’arabiser » le nom de « Palestine », les propagandistes du Fatah ont prétendu que l’appellation originelle du pays était non pas comme l’ont transcrit grecs et romains à partir de l’hébreu, mais « Falestin », comme la prononcent les Arabes.
Or la transformation de Palestine en Falestin , même si avec le F elle sonne quelque peu arabe, ne lui octroie toujours pas de sens. C’est alors que de nouveaux propagandistes du Fatah sortirent un second lapin de leurs chapeaux : « Falestin » serait un mot composé par Fales et Tîn. Fales signifierait aplatir, et Tîn = glaise[4].
Par cet artifice linguistique dans lequel un mot entier est scindé justement là où il ne fallait pas[5], les propagandistes du Fatah ont cru réussir à transformer le terme hébreu « plishtim » désignant les « envahisseurs » crétois, en un nom ayant enfin un sens dans la langue arabe : aplatir la glaise. Malheureusement le relief du pays ne se prête guère à cette manipulation linguistique. « Le plat pays qui est le mien » est à chercher ailleurs.
Mais revenons à l’historique de « Palestine ». Lorsque les Ottomans conquirent le pays, ce terme était si peu en usage local, qu’ils nommèrent cette province anonyme de leur Empire « la Grande Porte », en vertu du statut particulier de Jérusalem pour les religions monothéistes.
Puis, le terme « Palestine » refît surface au XIXe siècle. Non point pour des raisons politiques, mais parce que le latin était devenu la langue de référence dans le monde scientifique. Le traditionnel usage du latin dans les universités en tant que langue savante était certes par pure convention. Mais ce choix exprimait aussi le désir d’uniformiser la terminologie et d’éviter la prédominance d’une des langues européennes vivantes sur les autres.
C’est pourquoi la terminologie instituée par les Romains, uniquement destinée au départ à effacer l’identité hébraïque du pays après les nombreuses révoltes, fut systématiquement adoptée par les historiens, les géographes, les géologues, les naturalistes et mêmes les anthropologues. Avec l’usage du latin, le découpage du monde introduit par l’Empire romain reçut soudain un cachet « d’objectivité ». C’est ainsi que « Palestine » resurgit du néant.
Depuis en Occident, et au nom d’illusions pseudo- scientifiques, le terme « Palestine » envahit progressivement tous les ouvrages de littérature, d’archéologie et d’Histoire où « l’orientalisme colonial » connaissait son plein essor et bénéficiait de l’engouement du public. En parallèle au colonialisme européen, la laïcité se développa et « Palestine » sembla remplacer avantageusement, laïcité oblige, les anciennes appellations Israël, Judée, ou Terre Sainte, trop chargées de connotations religieuses.
Est-ce par le choix d’un tel terme que les premiers sionistes aspiraient-ils à se mettre en phase avec la « communauté scientifique » ? Essayaient-ils de faire correspondre leur volonté de réveil identitaire hébreu avec des conventions poussant à l’adoption du latin en tant que « langue savante », quoique ces deux réalités soient foncièrement contradictoires ? Toujours est-il qu’à la ruine de l’empire Ottoman, rien n’empêcha plus de revêtir une dimension politique au terme « Palestine ».
Aperçu politique
Au début du XXème siècle, les Juifs disaient (sans état d’âme) Palestina – terme péjoratif et insultant pour une oreille hébraïque avertie -, lorsqu’ils parlaient du Pays des Hébreux. Quant aux premiers sionistes, ils n’avaient pas attendu le découpage de l’Empire ottoman par la Société des Nations pour utiliser le terme « Palestine ». Herzl aussi en faisait systématiquement usage et élimina toute ambiguïté en employant explicitement « Palestine » à chaque fois qu’il évoquait la terre d’Israël. Et la plupart des participants aux congrès sionistes, des pragmatiques sans conscience historique et idéologique, lui emboitèrent le pas. Les protocoles retrouvés à l’Institut des Archives sionistes de Jérusalem prouvent à quel point ils s’embarrassaient peu de considérations sémantiques et écrivaient, sans aucun complexe identitaire, tantôt « Eretz Israël » (« Pays d’Israël ») et tantôt « Palestine », comme s’ils étaient des synonymes interchangeables. Par une aberration difficile à saisir aujourd’hui, non seulement ils utilisaient cette terminologie offensante, mais ils jouaient avec leurs enfants à pile ou face avec des pièces trouées de la monnaie ottomane : « Ets » ou « Pali » (abréviations de Pays d’Israël et de Palestine).
Même les dirigeants arabistes usèrent de cette terminologie, et ce pour désigner justement les Juifs sionistes ! Lorsque Ibn Hussein Fayçal, l’arrière grand-père du roi actuel de Jordanie, signa un traité avec Haïm Waizmann, en tant que délégué du mouvement sioniste, il prit la précaution de distinguer entre « Arabes » d’une part, et « Palestiniens » de l’autre, terme qu’il attribuait aux sionistes !
Les accords cosignés en 1919 parlaient même du projet de création d’un « État Arabe » (pour les Arabes) et d’un État de « Palestine » (pour les Juifs sionistes).[6] Cela ne provoqua d’ailleurs aucune protestation, ni des représentants arabes et ni des délégués sionistes qui revendiquaient le « droit historique des Juifs sur la Palestine ».
Il est fort possible que l’adoption du terme « Palestine » par la SDN, qui lui conféra soudain une contenance politique, soit une conséquence de son usage par les sionistes. Voici pourquoi :
– Tout d’abord, Israël, le nom du pays depuis le XIIIe siècle avant notre ère jusqu’à l’occupation romaine, avait perdu sa dimension politique de par sa récupération par le Judaïsme et par le Christianisme (Verus Israel). Or les premiers sionistes tenaient à se démarquer de toute dimension religieuse.
– Ensuite, il est difficile à des gens qui déclarent vouloir recouvrer le pays de leurs ancêtres dont ils ont été spoliés depuis près de 2000 ans, de se définir tout en renversant les valeurs imposées par leurs agresseurs. Le terme Amérique Par exemple, est construit sur le nom d’Amérigo Vespucci, le « fameux » conquistador auteur de carnets de voyage qui firent le tour de l’Europe. L’octroi de son nom au « nouveau continent » fut facilité par le fait qu’aucun autre terme, autre que « Nouvelles Indes », n’était en usage à cette époque. Ce vide sémantique a contribué non seulement à populariser chez les « natives » l’usage d’une terminologie insultante à leur égard, mais le fait qu’ils prirent la mauvaise habitude de se nommer eux-mêmes « Indiens d’Amériques », expression doublement insultante, plutôt que Abya Yala (terme générique désignant toutes les différentes contrées de leur continent).
Il en fut de même chez les Hébreux. Aussi bizarre qu’il puisse être, l’usage renouvelé du terme « Palestine » et « Palestiniens » fut lié au sionisme et réservé aux sionistes. Et tant que ces derniers se nommaient eux-mêmes ainsi, ceux qui sont appelés aujourd’hui « Palestiniens » se gardaient bien de le faire.
Les promoteurs sionistes du Mouvement Hébreu de Libération ont donc réhabilité un mot introduit en vue d’effacer la mémoire de leur propre peuple. Le peu de sensibilité à l’affront historique et national que représente le terme Palestine, contraste avec l’hypersensibilité (justifiée) des Israéliens, et des Juifs en général, aux manifestations d’antisionisme ou « d’antisémitisme » (voir plus bas, pourquoi ce terme est mis entre guillemets).
L’apathie face à une telle humiliation fut poussée au point où les dirigeants du sionisme mandataire, en parfaite continuité avec la terminologie adoptée par l’Empire britannique, envisagèrent très sérieusement l’idée de nommer « Palestine » leur Etat en voie de formation. En adoptant la terminologie du conquérant romain, le mouvement sioniste aurait ainsi perdu toute légitimité.
Ce qui entrava un tel destin fut le pouvoir d’attraction et de ralliement qu’exerçait le nom « Israël » sur les Hébreux, à la fois locaux que ceux de la Diaspora. En contrepartie, le terme « Palestine » ne sublimait en eux aucun sentiment patriotique, entre autres parce qu’il était complètement étranger à leurs repères historiques. Il réveillait même l’antagonisme atavique des Hébreux à l’égard des anciens envahisseurs « Philistins ». De plus, l’adoption éventuelle du terme « Palestine » par les dirigeants du sionisme officiel fut vivement critiquée par les militants du Mouvement Hébreu de Libération qui revendiquaient un nom authentique. Les dirigeants sionistes officiels se virent donc obligés d’abandonner l’idée incongrue d’attribuer au « foyer juif » le nom de « Palestine ». Entre « Judée » ou « Israël », leur choix se porta sur le dernier nom plus rassembleur. Après avoir usé et abusé pendant plus de trente années du terme « Palestine » pour se définir politiquement, les sionistes d’obédience herzélienne firent volte-face juste avant l’indépendance.
En parallèle, l’usage de « Palestine » est également très tardif chez les arabophones. En effet, tant que ce terme se rattachait au sionisme, les palestinistes se gardaient bien de revendiquer une telle identité. Pour eux, celle-ci était au départ rattachée aux sionistes en tant que « Juifs palestiniens ». Et comme il n’existe pas de « peuple sionien », il n’y a pas non plus de « peuple palestinien ». Sionisme et palestinisme sont les noms d’idéologies et non de peuples.
Lisons ce qu’a prononcé en 1936, devant la Commission Peel chargée d’enquêter sur la partition d’Eretz Israël en deux entités distinctes, le représentant « arabe » Awni Abdel Hadi : « Il n’y a jamais eu d’entité qui s’appelle ‘Palestine’. Le nom de Palestine donné à cette terre est une invention des sionistes ».
La seule véritable identité revendiquée au départ par les palestinistes était une identité arabo-musulmane, celle de la grande nation arabe formant le cœur de l’Umma. Or, si l’expression « arabe palestinien » fut imposée par l’autorité britannique mandataire, c’était parce qu’elle était un moyen facile pour distinguer la population arabophone de la population hébréophone « juive palestinienne ».
Ce sont les sionistes qui, en refusant au dernier moment de se servir du terme de « Palestine » pour nommer leur état, ont créé de facto une »identité arabe palestinienne » regroupant tous ceux qui s’opposaient à l’émergence de l’Etat d’Israël. Il a donc fallu l’abandon volontaire du terme de « Palestine » par les sionistes, après l’avoir réintroduit, utilisé et banalisé pendant 70 longues années, pour en permettre sa récupération totale par le « Monde arabe ».
Certes, cette récupération ne fut pas aisée. Tout d’abord, le terme n’était pas en usage dans la population arabophone. Ensuite, il n’existe aucunautre cas de mouvement de libération nationale qui emprunte un nom d’origine étrangère et – comble de l’incohérence – le nom imposé par des occupants, pour désigner ce qu’il considère comme sa propre terre. Pour un peuple se libérant du joug de conquérants, la moindre des choses est de revenir à ses sources, c’est à dire à l’appellation originelle de sa terre. Or les arabophones, en récupérant le terme Palestine, se désignèrent eux-mêmes comme des envahisseurs.
La récupération du terme « Palestine » par le panarabisme aurait normalement dû être vouée à l’échec. Toutes ses références historiques et étymologiques renvoient à l’hébreu, où le mot désigne l’envahisseur. Ce qui devait être amplement suffisant à un « mouvement nationaliste arabe » pour le rejeter en bloc. Mais finalement, l’aubaine de l’abandon par les sionistes du nom « Palestine », lui fut opportune pour octroyer à peu de frais une dimension pseudo autochtone à son « arabité ».
C’est donc l’accaparement du nom Palestine désormais ‘orphelin’, qui permit l’émergence d’une fictive entité nationale arabo-palestinienne,[7] tandis que le sionisme était dorénavant perçu comme l’expression politique d’une revendication religieuse. Du coup, Palestine participait du rationalisme et Israël de l’irrationnel.
Pourquoi ce paradoxe ? Serait-ce la faute des dirigeants israéliens qui ont créé l’équivoque impression que l’Israël moderne se superposait à une « Palestine ancienne et (pseudo) autochtone » ? Serait-ce le revirement sémantique opéré par les sionistes en 1947, après avoir impunément usé et abusé du terme « Palestine » pendant plusieurs décennies pour l’abandonner juste avant la déclaration d’Indépendance de 1948, qui fût pour beaucoup dans la légitimation du nom « Palestine » ? Sans doute. Mais il est certain que ce qui a produit immanquablement l’impression que l’entité politique nommée Israël se superposait à une réalité plus ancienne « La Palestine », facilita la décision des palestinistes de la récupérer, du moins en apparence.
La manœuvre de récupération ne nécessita même pas la mise en place d’un stratagème élaboré. Il suffit aux palestinistes de reprendre à leur compte l’appellation dont se défirent les sionistes. C’est donc le volte-face des sionistes, se définissant au début comme « Palestiniens » puis ensuite comme Israéliens, qui est la cause directe, sinon unique, de la revendication identitaire arabe « palestinienne ».
Le piège qui s’est refermé sur le mouvement sioniste en 1948 fut en fait posé par les premiers pionniers, à la fin du 19e siècle, de par leur utilisation erronée du terme « Palestine ». Par l’adoption, même temporaire de ce terme, les premiers sionistes ont conduit à une légitimation implicite d’une « identité palestinienne » aussi bien par les instances internationales que par l’opinion mondiale. Face à l’aura fallacieuse dont se pare le nom « Palestine », le nom Israël est subitement devenu l’expression politique d’une revendication purement religieuse, d’essence messianique, et donc appréhendée comme irrationnelle.
Que dire d’autre du destin insolite du terme Palestine ? Et que dire d’un « Palestinien » qui n’a point conscience de l’énorme soufflet qu’il s’administre en se parant d’un nom offensant, artificiel, établi par les Romains ?La moindre des choses, pour qui prétend mener « un combat de résistance contre l’oppresseur israélien » est de revenir à l’appellation originelle de ce qu’il considère comme sa terre. Or en nommant Palestine l’État qu’il aspire à créer, il se désigne lui-même comme un occupant. Qui croirait à la légitimité des revendications basques, si les résistants de L’ETA, au lieu de nommer leur pays Euzkadi, l’avait appelé Espania ?Et à celled’un indépendantiste breton rebaptisant sa patrie Franconie à la place de Breizh ?
Mais en dépit de toute cohérence, une « palestinité » a non seulement émergé, mais elle a progressivement rongé la légitimité du Mouvement Hébreu de Libération. La preuve en est le soutien massif dont bénéficie aujourd’hui le palestinisme de par le monde, soutien qui tranche avec les manifestations d’hostilité antisionistes et anti-israéliennes de la part de pseudo-militants prétendument engagés dans les combats anti-colonialistes. Depuis, cette récupération de « Palestine » appartenant à la terminologie colonialiste britannique et qui aurait dû être rejetée par la gauche française s’affichant comme « anticolonialiste » par excellence, est adulée par celle-ci.
Un tel transfert de légitimité n’a cessé dès lors de se perfectionner : en Israël même, « Palestine » n’est plus tabou. Il est de nos jours couramment employé sans la moindre gêne. Il faut dire qu’en matière de sensibilité idéologique, les Israéliens ont la peau délicate du rhinocéros et la plasticité du caméléon.
Quant à leurs historiens et leurs archéologues, ils l’utilisent anachroniquement pour parler du Pays des Hébreux, même aux époques les plus reculées. Ils évoquent une « Palestine de l’âge du bronze » ou traduisent « Talmud de Jérusalem » par « Talmud palestinien ».
De même, l’Académie israélienne des Sciences édite une encyclopédie de la flore locale nommée « Flora palaestina« , en entretenant aux yeux du grand public le « flou artistique » entre Israël et « Palestine ». Ce flou n’est pas le reflet d’une opinion politique, mais simplement un souci des scientifiques israéliens de « respecter les conventions internationales », donc d’user de la même terminologie que celle de leurs collègues du monde entier. Paradoxalement, le terme « Palestine » inauthentique a donc peu à peu envahi tous les médias jusqu’à supplanter Israël « trop chargé de biblicisme ringard « .
Il se peut que si les sionistes avaient conservé l’appellation de « Palestine » après l’indépendance, il n’y aurait jamais eu de « problème palestinien ». Mais, en contrepartie, le Mouvement Hébreu de Libération se serait complètement vidé de sa substance.
En effet, sous la plume de certains historiens modernes, les Hébreux se métamorphosent en « Palestiniens ayant embrassé la foi monothéiste » (« judaïque ou musulmane, et puis après ? » dixit ces prétendus historiens modernes !). Cette métamorphose invite à transposer dans un passé lointain le volte-face sémantique et l’opa opéré sur cette terre par les palestinistes, à savoir l’occultation du passé hébreu de cette terre.
L’usage anachronique du terme « Palestine » par ces historiens a converti les conquérants arabo-musulmans en autochtones. Même la dimension islamique du panarabisme y trouve son compte, puisque Abraham est affublé du poil de chameau du « bédouin palestinien », tandis que Jésus est désormais nommé dans les églises, non plus « Jésus le galiléen » mais « Jésus le palestinien ».
Les rabbins du Talmud eux-mêmes ont alimenté la confusion avec le mythe d’un « cousinage » entre Hébreux et « Arabes ». En effet, ils nommèrent tous les nomades comme des descendants d’Ismaël[8], l’aîné d’Abraham. Ce mythe est si bien ancré dans les consciences qu’il empêche de voir dans l’invasion arabo-musulmane du pays des Hébreux autre chose qu’une simple « querelle de famille entre peuples sémites « .
Né dans le contexte de la linguistique, le concept de « sémitisme » prétend confirmer le mythe du cousinage entre Hébreux et « Arabes ». Mais il est une pure fiction. La parenté linguistique entre le roumain et le portugais ne démontre aucun « cousinage » entre Roumains et Portugais. De même, l’homogénéité relative des langues dites indo-européennes n’implique pas pour autant une parenté ethnique entre les Celtes, les Scandinaves, les Romains, les Grecs, les Arméniens, ou les Iraniens.
Le rapprochement linguistique entre hébreu et arabe ne peut en aucun cas alimenter le mythe d’une parenté ethnique, celle d’un prétendu « peuple sémite ». L’extrapolation de l’usage du terme « sémite » pour désigner non plus un groupe de langues mais bien un « tronc racial » prit son impulsion à la fin du XIXe siècle, à une époque où florissait en Europe un « racisme scientifique ». Le type racial « sémite » y fut opposé au type racial « indo-européen ». Le mythe d’une « race sémite » n’est donc pas moins une fumisterie criminelle que celle d’une « race indo-européenne ».
Mais pourtant le terme « sémite » continue à être employé jusque de nos jours pour désigner un « type particulier » (bien évidemment imaginaire). Et l’usage de son corollaire « antisémitisme », est désormais peu à peu employé comme « une haine commune contre à la fois Juifs et Arabes ».
Il est évident que le mythe du « cousinage » a renforcé l’idée absurde d’un « antisémitisme commun contre Juifs et Arabes ». Grâce à lui, les conquérants arabo-islamiques purent se donner l’apparence de victimes. Et certains « Juifs » quant à eux, tombés dans le panneau (comme Marek Halter), n’ont guère d’autre choix que de défendre la « cause arabe palestinienne « , et ce au nom d’une pseudo communauté de destin face à « l’antisémitisme ». Ce mythe a même permis au « Monde arabe » d’échapper à toute accusation « d’antisémitisme », alors que le panarabisme islamique a été à la fois le précurseur, l’inspirateur et le prolongement direct du nazisme.
Conclusion
L’usage de « Palestine », mis en place par les « soins » de l’empereur romain Hadrien ou ensuite par l’occupant britannique, ou encore grâce à une survivance des théories raciales du 20e siècle, est à proscrire. Les diverses « fortunes historiques » du mot « Palestine » qui une fois combinées lui ont octroyé une légitimité qu’il n’aurait jamais dû acquérir, ne sont en réalité rien d’autre que le produit du colonialisme et de l’impérialisme. Le palestinisme a donc réussi là un véritable tour de force : rendre légitime ce qui est illégitime (« Palestine »), et illégitime ce qui est légitime (Israël) ! A tel point de réussite que le premier article de la charte de l’OLP « La Palestine est la patrie du peuple arabe palestinien » est devenu le credo de l’ensemble du globe.
En niant progressivement toute légitimité au nom « Israël » face aux « titres de noblesse de la Palestine », le monde occidental (et la France tout particulièrement) encourage involontairement (ou volontairement ?) l’avancée de l’impérialisme arabo-musulman. Elle invite cet impérialisme à élargir son champ d’action dans l’Hexagone, invitation à laquelle le panarabisme musulman ne tardera pas à répondre.
L’Etat d’Israël également, par la bêtise de ses dirigeants, a non seulement engendré l’Etat « palestinien » en gestation, mais encore sauvé le colonialisme arabo-musulman de sa décomposition. Alors que la résurgence d’un peuple autochtone Hébreu remettait en cause l’irréversibilité des « acquis » de la Umma et renfermait tous les ingrédients susceptibles de désamorcer une fois pour toutes la menace que faisait peser l’idéologie conquérante arabo-musulmane sur le monde, c’est le résultat contraire qui se produisit. Et Israël créa la « Palestine ».
Que la plupart des « Palestiniens » et Occidentaux ignares, soient laissés dans leur ignorance de l’origine du mot Palestine, soit. C’est l’intérêt des palestinistes. Par contre que judaïques, chrétiens, et même musulmans, versés dans leurs « textes sacrés » respectifs, emploient « Palestine » à la place d’Israël, cela dépasse l’entendement !
Le comble est sans aucun doute le peu de cas que font les principaux intéressés, c’est-à-dire les Israéliens eux-mêmes, devant l’usage de « Palestine » qui est ni plus ni moins qu’un terrible affront historique. Cette indifférence dénote de la décrépitude de l’État d’Israël et contraste avec son hypersensibilité (justifiée) aux manifestations d’antisémitisme. Comme si « la lutte contre l’antisémitisme » était (re)devenue, non seulement pour les Juifs de la Diaspora, mais pour les Israéliens eux-mêmes, le centre de leurs préoccupations. Alors que tous leurs efforts devraient être concentrés à en finir avec l’usage de ce terme de « Palestine », autrement c’est l’usage de ce terme qui en finira avec Israël.
Je me permets de conclure par une note personnelle : en tant qu’Hébreu israélien, je n’apposerai jamais un timbre sur une enveloppe à destination de « Palestine » et je serai le dernier sur terre à prononcer ce mot abject qui, seriné à mes oreilles, m’agresse et me bafoue. Un peu comme ce que peut ressentir un ancien résistant français qu’on obligerait à appeler Hitlérie son Alsace-Lorraine ; ou le fils d’un rescapé du génocide arménien voyant dans un atlas le nom Turquie s’étaler en grosses lettres sur les décombres de l’Arménie historique.
David A. Belhassen
[1] Et même « paleshtiens » pour être fidèle à l’originel hébreu.
[2] En français, il faut deux consonnes CH pour prononcer un S chuintant. En allemand, pas moins de trois : SCH.
[3] Mohammad a-t-il entendu sham de la bouche d’un Juif d’Arabie qui voulait, en référence au livre de la Genèse, désigner ainsi « le pays de Sem » ? Ou bien nommait-il le pays de la divinité d’Israël, comme Shem (sous entendu le Nom Divin) de façon cryptique ? Ou encore, selon certains philologues, Sham ne serait pas la contraction de shamal, désignant le Nord ?
[4] Tin ne pourrait signifier glaise en arabe uniquement après avoir transcrit Palestine avec le t emphatique (ta) de l’alphabet arabe, utilisé pour transcrire un mot étranger, ce qui prouve bel et bien que le mot Falestin était considéré comme « non arabe » par les scribes arabo-musulmans.
[5] Les propagandistes du Fatah n’ont eux aussi pas compris que le –in était un suffixe du pluriel.
[6] Les sionistes envisagèrent d’ailleurs sérieusement la possibilité de nommer « Palestine », le Foyer national que leur proposa avec « largesse et magnanimité » Lord Balfour.
[7] Cette récupération fut aussi une aubaine par seulement pour les autochtones arabisés mais aussi pour les descendants des envahisseurs du Hedjaz, ainsi que pour les récents émigrés des alentours venus à la suite de l’essor économique sioniste.
[8] En réalité, l’autre nom de Shim’on, une des tribus de la confédération israélite.
Je suis d’accord avec vous qu’il faille enlever le terme Pallestine mais pour le reste je ne suis pas d’accord
Et moi pour le reste je suis d’accord OK Laurence
Non pas OK Serge!
Et en quoi vous etes d’accord????
Je partage vos sentiments en ce qui concerne cette usurpation de nom. Pour la Macédoine, c’était la même chose.
Cela dit, je ne vois pas comment vous allez faire maintenant. C’était en 48 qu’il aurait fallu prendre ce nom et ne pas le laisser tomber dans le domaine public.
Les Slaves, sans passé, sans grande figure historique en récupérant le nom de Macédoine, récupère l’héritage d’Alexandre.
Les Arabes en récupérant le nom de Palestine, récupère la personne du Christ ce qui les inscrits dans la longue histoire pour en faire le phare d’un milliard de chrétiens.
Sur ce coup, vous avez été décevants.
A O.Icaros
J’ai bien relu ce qu’a analysé l’auteur de cet article, et il dit exactement le contraire de ce que vous lui faites dire ! Pour lui, il est impossible de récupérer la personne de Jésus avec le nom « Palestine » parce que justement Jésus et les Evangiles n’emploient jamais le nom « Palestine », mais celui de « Pays d’Israël ».
Article intéressant et pertinent. Or à l’heure du prêt à penser je doute que l’auteur de l’article fasse consensus. Je loue toutefois son courage.
@David Belhassen,
J’ai découvert cette semaine que les bibliothèques organisées selon la classification décimale de Dewey (système initié en 1876, universalisé par deux juristes belges en 1895) classent les ouvrages concernant l’histoire ancienne des Hébreux (antérieure à 70) sous le vocable de « Palestine ». A partir de ce comble de l’anachronisme, on ne peut guère s’étonner que le mot imposé par Hadrien soit universellement employé dans tous les livres d’histoire, les manuels d’archéologie etc.
Il n’existe aucune version complète gratuite de l’ouvrage en ligne, mais avec ce site, on peut obtenir une réponse ponctuelle :
« Indice : 933- Palestine jusqu’à 70 »
http://www.tahitidocs.com/web2/dewey/dewey.html
Le mot « Judée », comme celui de « Samarie », n’entre pas dans les mots-clefs. Et cette faille concerne des millions de livres rangés sur des milliers de kilomètres de rayons… La falsification falestinienne a quelque chose de faustien.