Le docteur Mordechai kedar est un universitaire Israélien, spécialiste de littérature arabe et expert concernant la population arabe israélienne. Il a servit 35 dans les renseignements militaires de Tsahal, s’occupant en priorité des groupes islamiques.
Ces derniers jours le Hamas s’est engagé à Gaza dans la guerre qu’elle n’a pas pu gagner en Judée Samarie. L’enlèvement et l’assassinat des trois jeunes gens a donné à Israël l’opportunité et la légitimité de frapper durement son infrastructure en Judée Samarie et de ramener le mouvement à des années en arrière, alors qu’il s’apprêtait à contrôler ce territoire par le truchement des élections présidentielles et parlementaires.
Mais l’avantage qu’Israël possède existe seulement sur le terrain en Judée Samarie. Dans la bande de Gaza, Israël aura beaucoup de difficultés à agir efficacement pour plusieurs raisons :
L’importance de la population et sa densité surtout dans les villes de Gaza, Khan Younes, Rafah et dans les camps de réfugiés ce qui oblige Israël à utiliser des forces terrestres très importantes dans de nombreux endroits.
Il est difficile d’utiliser des tanks qui manquent de maniabilité et ne peuvent pas manœuvrer leurs canons sans compter qu’ils se déplacent facilement, ce qui en fait des cibles faciles à atteindre pour les armes anti-tanks comme les lance-roquettes ou missiles. C’est également vrai pour une jeep blindée en terrain urbain qui peut devenir aisément la cible d’un lance-roquette.
Les soldats de l’infanterie en train de marcher sont aussi simples à viser que les canards des stands de tirs.
Le Hamas a préparé les zones habitées en mettant des bombes le long des routes, des mines, des tunnels sous les maisons et en préparant des positions fortifiées pour des snipper embusqués.
L’élimination de l’infrastructure militaire et civile du Hamas exige des forces israéliennes importantes qui subiraient de lourdes attaques à l’exemple de ce qui s’est passé au Liban.
Même l’élimination des infrastructures du Hamas n’empêchera pas ce mouvement de les rétablir aussitôt après le retrait.
En conclusion, une incursion terrestre profonde dans la bande de Gaza entraînerait beaucoup de sacrifices sans que le bénéfice ne soit capital. Le retrait qui s’ensuivrait serait interprété par le Hamas comme une grande victoire sur Israël.
Par voie aérienne cependant Israël possède un avantage absolu sur le Hamas même si les opérations sont difficiles à cause de la population civile et aussi à cause des difficultés des services de renseignements. Elles dépendent également des conditions météo.
Les hommes du Hamas connaissent très bien toutes ces données, et donc ils feront tout ce qu’ils peuvent pour entraîner Israël dans une opération terrestre avec des troupes dans Gaza, sachant qu’Israël sur ce terrain n’a pas l’avantage.
À cause de ces raisons il est difficile pour Israël de définir les objectifs d’une incursion terrestre.
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source : Palestine-infos, le 7 juillet 2014 : http://www.palinfo.com/site/pic/newsdetails.aspx?itemid=157784
Il y a plusieurs messages que le mouvement Hamas transmet avec cette photo :
Nous tirons depuis des zones urbaines et si Israël essaye de viser les lanceurs et les opérateurs cela touchera des enfants et des femmes. Nous ferons venir tous les médias pour montrer comment Israël se bat en tuant des civils, des femmes et des enfants qui ne sont pas impliqués.
La population civile soutient notre combat et est prête à souffrir pour lui.
Israël n’a aucun moyen de faire cesser les tirs saufs par une opération terrestre.
En tirant depuis des zones urbaines le Hamas enfreint la loi internationale qui interdit d’impliquer les civils dans les combats mais les Djihadistes de Gaza, le Hamas et autres organisations, ne respectent pas ce genre de lois internationales, sinon ils ne tireraient pas des missiles sur des localités civiles.
En vertu de ces considérations, la question qui se pose est la suivante : comment Israël doit-il réagir pour empêcher les tirs de missiles ?
La réponse est claire :
- Israël doit s’abstenir d’une opération terrestre dans la bande de Gaza, et continuer à traiter ce problème par des opérations aériennes pour lesquelles Israël possède un grand avantage sur le Hamas et les autres organisations.
- Il faut continuer et accroître les éliminations ciblées contre les activistes sur le terrain.
- Israël doit lancer un avertissement clair aux dirigeants politiques des organisations, en les mettant en garde que la poursuite des tirs entraînera leur liquidation physique.
- Israël doit annoncer que deux jours après son avertissement, il stoppera l’approvisionnement en électricité, en eau, en nourriture et en essence à Gaza et que cela durera aussi longtemps que dureront les tirs. Israël peut aussi menacer de fermer les réseaux de communication qui transitent par Israël. Il n’y a jamais eu dans l’histoire un pays qui continue à fournir tous ces services à une zone depuis laquelle on lui envoie des missiles. Cette mise en garde permettrait de faire face à la fois aux problèmes juridiques et aux condamnations de l’opinion publique et des médias qui ne manqueraient pas de s’ensuivre.
Au jour de la rédaction de cet article, mardi 8 juillet, les Palestiniens de Gaza ont tiré plus de 100 missiles et roquettes contre les villes israéliennes, depuis Sderot dans le sud jusqu’à Hadera dans le nord y compris Tel-Aviv et Jérusalem. Exactement dans la même journée, Israël a transféré à la bande de Gaza cent soixante-dix, je répète CENT-SOIXANTE-DIX, camions chargés de nourriture et autres produits. Existe-t-il une situation plus absurde ?
Chez nous on dit : « nous faisons une différence entre les terroristes et la population, nous combattons le terrorisme mais nous livrons de la nourriture à la population civile ». Cette assertion est non seulement scandaleuse mais elle est aussi fausse car c’est qui qui distribue la nourriture à la population ? Nous ou le Hamas ? Ça veut dire que la population remercie l’organisation Hamas qui réussit par un chantage à recevoir un approvisionnement en nourriture tout en lançant des missiles sur Israël.
On dit aussi chez nous : « nous fournissons de la nourriture et du fioul pour que les médias internationaux parlent positivement de nous ». Cette approche est également erronée car elle privilégie la réputation d’Israël plutôt que la vie des Israéliens.
Continuer à fournir de la nourriture, de l’eau, de l’essence et de l’électricité est interprété de l’autre côté comme un signe de faiblesse et la faiblesse entraîne plus de sous forme de missiles et de roquettes. Stopper la fourniture de marchandises à Gaza inciterait la population à demander au Hamas d’arrêter d’envoyer des missiles. Nous pouvons en déduire avec certitude que la continuation du transfert de fournitures à Gaza est la cause de la poursuite des tirs de missiles.
Mais en plus, Israël n’a pas intérêt à éliminer le régime du Hamas à Gaza pour ne pas entraîner le chaos dans la bande de Gaza qui astreindrait Israël à s’occuper de cette population d’un million et demi d’habitants dans laquelle il n’y a pas même dix personnes qui soutiennent Israël. Au contraire, l’existence du régime du Hamas à Gaza est plutôt dans l’intérêt d’Israël puisque les Palestiniens sont divisés en deux entités. Cela ne favorise pas la création d’un État palestinien qui tomberait probablement entièrement, y compris la Judée Samarie sous le contrôle du Hamas.
Le Hamas, avec beaucoup d’aplomb, pose ses conditions pour un cessez-le-feu : la libération des prisonniers terroristes échangés contre Gilad Shalit, récidivistes*, à nouveau emprisonnés, la libération des dirigeants du Hamas arrêtés (pour reconstruire l’infrastructure du Hamas en Judée Samarie), la levée du blocus naval de Gaza (pour s’approvisionner en missiles par voie maritime), et l’arrêt des assassinats ciblés (pour que les terroristes continuent à nous tirer dessus comme ils l’entendent).
À Israël de rejeter toutes les conditions du Hamas quelles qu’elles soient, car un accord serait non seulement une légitimation du terrorisme mais aussi une capitulation devant son triomphe, une preuve de faiblesse et un encouragement à plus de terreur encore.
L’opération « Bordure protectrice »** doit être une dissuasion pour le mouvement Hamas qui contrôle Gaza, pour que celui-ci n’ait aucun autre choix que de restaurer le calme et également qu’il impose l’ordre et le calme aux organisations dissidentes comme le Jihad islamique et les Comités de Résistance populaire.
Ce combat, ce n’est pas seulement une lutte entre l’armée israélienne et l’aile militaire du Hamas mais aussi une lutte entre deux sociétés, Israël et Gaza, la victoire reviendra à la société la plus forte, la plus solidaire et qui supportera le mieux les sacrifices.
Si cela nécessite l’évacuation temporaire d’enfants, de femmes ou de familles du Sud vers d’autres régions, il faudra le faire pour donner au gouvernement un grand champ d’action avec le moins de risques possibles que des civils soient touchés et plus de temps pour agir contre la terreur des missiles.
Si le gouvernement israélien prend les bonnes dispositions pour protéger la population israélienne, et si le chef du gouvernement fait une apparition publique pour expliquer le fonctionnement de l’opération, la majorité des citoyens le soutiendra et coopérera.
Le public israélien comprend qu’il s’agit ici d’une guerre, et « à la guerre comme à la guerre », Israël doit gagner, la victoire doit être clair et précise comme un rayon de soleil à midi en juillet. Si à la fin du cycle actuel de violence, on laisse aux Djihadistes la possibilité de déclarer victoire, ils seront encouragés à renouveler les combats dans l’avenir.
Je ne suis pas naïf au point de penser qu’une victoire d’Israël résoudra tous nos problèmes avec le Hamas mais les intervalles entre plusieurs cycles de violence vont augmenter si nos ennemis comprennent que la violence ne leur apporte pas les bénéfices qu’ils espèrent.
L’État islamique à Gaza
La situation à Gaza est problématique parce que certains groupes sont dissidents et n’acceptent pas l’autorité du gouvernement du Hamas, comme par exemple « le Jihad islamique palestinien », « les comités de résistance populaire », et quelques autres petites organisations.
Récemment un certain nombre de personnes à Gaza ont juré allégeance à « l’État islamique » et au calife Abu Bakr Albgdad. Ce qui signifie que si le Hamas ne s’occupe pas immédiatement des organisations dissidentes, il risque de se retrouver confronté à une opposition interne armée, féroce et déterminée à propager le terrorisme à l’intérieur de Gaza depuis le Sinaï, l’Irak et la Syrie.
Et cela ne concerne pas seulement Gaza, nous avons aussi entendu le serment d’allégeance à « l’État islamique » depuis le Liban, le Sinaï et la Libye, nous avons même assisté il y a trois semaines à une manifestation de soutien en Jordanie. À mon avis, c’est seulement une question de temps jusqu’à ce qu’on en entende parler en Judée Samarie et même à l’intérieur d’Israël.
Adapté de l’hébreu par Danilette
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NDT :
* comme par exemple Ziad Awad, qui aussitôt relâché, a récidivé en abattant le père de famille Barouch Mizrahi z’’l alors qu’il conduisait pour se rendre à la fête de Pâque !!!
** « Roc inébranlable » en hébreu