Steven Spielberg, Lewis Fagen et Leon Leyson en 2004, lors d’un événement commémorant les dix ans de la sortie du film en 2004.© Fred Prouser / Reuters
Leon Leyson, le plus jeune juif à figurer sur la liste rédigée par Oskar Schindler, témoigne dans un livre poignant, destiné aux enfants. «Grâce à lui, le monde ne sera plus le même». Même Steven Spielberg ne tarit pas d’éloge sur Leon Leyson. Dans «L’enfant de Schindler», l’Américain raconte comment il est devenu le plus jeune juif à être sauvé par Oskar Schindler, industriel allemand membre du parti nazi qui a réussi à sauver 1200 juifs en les employant au sein de ses usines. Ses mémoires, publiées aux éditions Pocket Jeunesse, sont à destination d’un lectorat jeune. C’est Leon Leyson lui-même qui le souhaitait, nous explique son fils Daniel: «En tant que professeur, je pense qu’il était important pour lui de raconter son expérience. Il était surtout important pour lui de parler à la jeune génération, et d’avoir un impact sur elle.» Leon Leyson est décédé en janvier dernier à l’âge de 83 ans, deux semaines après avoir rendu les épreuves de son livre. Avec des mots simples qu’il aurait pu avoir à l’époque, l’auteur raconte sa terrible histoire, sa reconstruction personnelle et son admiration pour Oskar Schindler.
Né en 1929 dans le village polonais de Narewka, près de la frontière biélorusse, Leon Leyson était le petit dernier d’une fratrie de cinq enfants, quatre garçons et une fille, dont le quotidien a basculé avec l’invasion allemande de 1939. Technicien doué employé à Cracovie, le père de famille avait été arrêté par la Gestapo et avait perdu son travail. Embauché par Oskar Schindler après lui avoir ouvert un coffre-fort, ce qu’il ne pensait être qu’un petit travail au noir, Moshé Leyson ne savait pas que cet emploi allait sauver une partie de sa famille.
A l’époque, Schindler ne bénéficiait pas d’une réputation des plus brillantes: homme à femmes et buveur notoire, ce membre du parti nazi avait fondé sa Deutsche Emalwarenfabrik («Emaillerie allemande») sur les restes d’une entreprise saisie à un industriel juif. «Roi de l’exploitation, il versait des salaires de misère aux travailleurs polonais, et ne payait pas les juifs», écrit Leon Leyson. Pourtant, c’est cet homme qui a sauvé la vie d’un millier de ses employés.
« POUR LES NAZIS, J’ÉTAIS JUSTE UN AUTRE JUIF. MAIS SCHINDLER ÉTAIT DIFFÉRENT »
L’auteur, de son vrai nom Leib Lejzon, avait 13 ans lorsque son père l’a fait entrer au sein de l’usine d’émail d’Oskar Schindler, où son père avait déjà réussi à faire embaucher son frère David. C’est ainsi qu’il réussit à échapper au terrible camp de travail de Plaszów, dirigé par Amon Göth (surnommé «le boucher d’Hitler»): Schindler, profitant de ses bonnes relations avec Göth, l’avait convaincu d’installer «ses» ouvriers au sein d’une annexe du camp plus proche de l’usine, où les prisonniers bénéficiaient de conditions légèrement meilleures qu’à Plaszów.
Malnutri et bien plus petit que la moyenne, Leon Leyson devait se surélever pour atteindre la chaîne de fabrication. Dans sa version originale, le livre porte d’ailleurs le titre de «The Boy on the Wooden Box», «Le garçon sur la caisse en bois». «Moi, j’étais habitué au fait que, pour les nazis, j’étais juste un autre juif. Mon nom n’avait pas d’importance, écrit Leon Leyson. Mais Schindler était différent. Il tenait à savoir qui nous étions.» Cette impression a d’ailleurs été confirmée 20 ans plus tard, lorsque l’homme a pu revoir l’industriel: «Quand mon père l’a approché, raconte Daniel Leyson, il a commencé à se présenter. Mais Schindler lui a dit: « Je sais qui tu es. Tu es le petit Leyson. »»

La famille Leyson a perdu deux enfants pendant la guerre. Hershel, l’aîné de la famille, a été tué par les nazis en regagnant leur village de Narewka en 1941. Tsalig, leur quatrième fils, est lui aussi décédé. Raflé dans le ghetto de Cracovie mais repéré dans un train par Schindler venu sauver son comptable –la scène figure dans «La liste de Schindler», le film de Steven Spielberg–, Tsalig n’a pu être sauvé par l’industriel: le jeune homme a refusé d’abandonner sa petite-amie, qui n’avait aucun lien avec Schindler. «Voilà le genre d’homme qu’il était. Il n’aurait abandonné la fille qu’il aimait pour rien au monde, même sa propre vie», écrit Leon Leyson dans son livre.
A la fermeture du camp et de l’annexe bâtie par Schindler, en 1944, les prisonniers ont été envoyés à Auschwitz. L’industriel avait réussi à «racheter» ses employés, les sauvant des chambres à gaz. Après trois années passées dans un camp de survivants en Allemagne, Moshé, Chanah et Leon Leyson ont décidé de partir pour les Etats-Unis, où se trouvaient déjà certains membres de leur famille –David et Pesza, leurs autres enfants, ont eux fait le choix d’immigrer vers le nouvel Etat d’Israël.
« JE N’AI PAS VÉCU DANS L’OMBRE DE L’HOLOCAUSTE »
Pendant de nombreuses années, Leon Leyson a tu son histoire: «D’un côté, se souvenir de tout ce qu’il avait vécu était trop douloureux et il ne voulait pas en parler. Et de l’autre, il avait débuté une nouvelle vie en arrivant aux Etats-Unis et il a tout fait pour mettre sa « vie d’avant » derrière lui. Quand la guerre a pris fin, il était assez jeune pour se « réinventer »», explique son fils. Ce n’est qu’en 1993, à la sortie du film de Steven Spielberg, que l’homme a médiatisé son récit: «Mon père était un homme généreux. Quand son histoire a été rendue publique, de nombreuses personnes ont voulu en savoir plus et mon père en a parlé. Je pense qu’il a compris à cet instant l’impact qu’il pouvait avoir en racontant ce qu’il avait vécu. Je crois qu’il s’est senti pris d’une responsabilité de le faire afin que la jeune génération connaisse les horreurs de l’Holocauste. Je ne pense pas que cela lui ait apporté un soulagement. C’était douloureux d’en parler.» Invité à des conférences ou dans des établissements scolaires, Leon Leyson acceptait toujours de raconter son histoire, aussi douloureuse soit-elle. Malgré un passé terrible, Leon Leyson s’était donné pour mot d’ordre de vivre et avait l’habitude de dire à son fils: «Je n’ai pas vécu ma vie dans l’ombre de l’Holocauste».
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