WASHINGTON (JTA) –Dès lors qu’il s’agit de l’Ukraine, Israël n’est pas sur la même longueur d’onde que certains de ses plus fervents alliés américains, c’est-à-dire les néo-conservateurs – et ce n’est pas la première fois.
La réticence d’Israël à se tenir aux côtés des Etats-Unis, dans sa tentative pour isoler la Russie, est typique de la realpolitik israélienne qui a mené à des conflits passés avec les néoconservateurs américains, alors qu’ils privilégient l’interventionnisme humanitaire.
Mais la position d’Israël n’est pas suffisamment conséquente, dans ce cas, pour déclencher des heurs entre amis, affirment des universitaires néoconservateurs.
“Généralement, quand on en vient à catégoriser les divergences d’opinions entre Israël et les Néoconservateurs, il y a deux catégories : les unes qui ont un impact direct sur la politique américaine et celles qui n’en ont pas », décrit Seth Mandel, assistant du rédacteur du magazine juif néoconservateur Commentary.
La question ukrainienne ne s’élève pas à un niveau tel qu’elle engagerait une politique de la part d’Israël qui puisse mettre en danger cette relation, reprend Mandel, à la différence d’autres exemples précédents de désaccords, dont la politique israélienne à l’égard des printemps arabes et la vente d’armes à la Chine, de la part d’Israël.
Un responsable du gouvernement israélien – qui est en contact régulier avec ceux qu’il décrit comme « parmi les meilleurs amis d’Israël » au Congrès – est d’accord sur ce point, disant que les Israéliens n’ont pas entendu de plaintes particulières de la part des néo- conservateurs, comme ce fut le cas par le passé, quand, par exemple, Israël s’est opposé au renversement du Président égyptien Hosni Moubarak, en 2011. « Israël a tort sur la Syrie, tort sur l’Egypte, tort sur un tas de choses ! », écrivait dans un e-mail Danielle Pletka, la Vice-Présidente de l’American Enterprise Institute, le think-tank qui sert d’étendard néo- conservateur. « Cela n’affecte pas le soutien à l’Etat démocratique d’Israël parmi ses amis américains. Ce n’est pas de cette façon que ça marche. C’est un pays indépendant, et il a le droit de dire des bêtises ; je ne pense pas que quiconque y prête vraiment attention, ne serait-ce qu’une minute, quand on envisage la position d’Israël sur l’Ukraine ».
Cela a pris près d’une semaine à Israël, avant de diffuser un communiqué de réponse à la prise de la Crimée par les Russes, le 28 février. Le communiqué du 5 mars du Ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, lui-même russophone né en Moldavie, est resté laconique et n’a même pas mentionné la Russie, dont Lieberman a cultivé les faveurs durant longtemps.
« Israël suit avec grande inquiétude les évènements en Ukraine, il est inquiet que la paix s’étende à tous ses citoyens et espère que la situation ne va pas se détériorer par la perte d’autres vies humaines », déclare un communiqué publié dans les médias israéliens. « Israël espère que la crise en Ukraine sera réglée par des moyens diplomatiques en qu’elle se résoudra pacifiquement ».
Israël s’est abstenu lors d’un vote de l’Assemblée Générale de l’ONU, condamnant le référendum du 16 mars en Crimée, favorable à son annexion à la Russie ; c’était, virtuellement le seul état parmi les alliés des Américains à ne pas se prononcer en faveur de cette résolution.
Les Républicains du Congrès se sont alliés au mouvement néo- conservateur pour accuser ce qu’ils ont appelé l’irresponsabilité de l’Administration Obama qui n’a fait qu’alimenter l’audace du Président russe Vladimir Poutine.
“Au sujet de l’Ukraine, mon héros, Teddy Roosevelt, avait l’habitude de dire : parle doucement mais avec un gros bâton », le Sénateur John Mc Cain (R. Ariz) a-t-il reproché au Secrétaire d’Etat John Kerry, lors d’une audience au Congrès, cette semaine. « Ce que vous êtes en train de faire, c’est de parler fort, munis d’un tout petit bâton – en fait, c’est une… brindille ».
Les Etats-Unis ont mené à l’imposition de sanctions économiques contre la Russie, mais Kerry, durant l’audition, a rejeté les propositions d’armer les Ukrainiens contre la possibilité d’incursions russes supplémentaires.
Un adjoint d’un Sénateur républicain, qui, comme Mc Cain, s’est montré très critique envers la politique ukrainienne de l’Administration Obama, pense qu’il ne serait pas équitable d’exiger d’un petit pays comme Israël d’adopter une posture de confrontation que les Républicains attendent des Etats-Unis en tant que superpuissance.
Cet aide affirme qu’Israël doit envisager la coopération des Russes pour empêcher l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire et démanteler les capacités d’armement chimique de la Syrie.
“Nous ne connaissons absolument pas la nature sous-jacente de la relation israélo-russe », déclare cet adjoint. « Elle est incroyablement complexe, par le biais d’accords secrets sur le renseignement qui se poursuivent, des compromis sur ce que la Russie fera ou ne fera pas envers l’Iran. A la fin, je suis sûr que tout cela concerne de près Israël – mais l’Amérique ne peut pas se payer ce luxe, nous sommes la superpuissance ».
Les Néo- conservateurs se sont lancés dans des confrontations ouvertes avec Israël, par le passé, particulièrement au début des années 2000, à propos de la vente d’armes par Israël à la Chine [dont avion gros-cargo AWACS de surveillance], qui était perçue comme un affront à une position fondamentale du mouvement néo- conservateur –dans sa défense des intérêts de Taïwan.
Ces ventes d’armes ont conduit l’administration du Président Bush a suspendre son dialogue stratégique avec Israël entre 2002 et 2005, jusqu’à ce qu’Israël acquiesce à une exigence américaine demandant que le Pentagone examine scrupuleusement les ventes d’armes d’Israël à la Chine. La décision de Bush de suspendre ce dialogue crucial a été prise sur les conseils de néo- conservateurs prédominants au sein de son Administration, parmi eux Dough Feith, alors sous-secrétaire à la Défense.
En 2011, rappelle Mandel, les Néo-conservateurs ont, à nouveau, été consternés, lorsqu’Ehud Barak, alors Ministre de la Défense, a exposé ses arguments contre le soutien aux rebelles cherchant à renverser Assad, à une époque où les Néo-Conservateurs américains arguaient que cela aurait du sens d’évaluer si les rebelles méritaient un appui plus solide de la part des Etats-Unis.
Dans chacun de ces dossiers, dit Mandel, la posture adoptée par Israël a eu des conséquences pour la politique des Etats-Unis – par exemple, dans le cas de la Syrie, des responsables de l’Administration Obama ont pu se permettre de citer les arguments de Barak pour repousser l’éventualité d’une intervention.
“C’était une situation qui a directement impacté la politique américaine” dit-il. « Il n’est pas clair de savoir si la Russie en viendra à ce point ».
Par Ron Kampeas 10 avril 2014 6:11pm
Source : jta.org
Adaptation : Marc Brzustowski.