Le président polonais Bronislaw Komorowski s’adresse à l’ONU le 26 Septembre 2012. Photo: REUTERS / Mike Segar
Près d’un quart de siècle après la chute du rideau de fer, le gouvernement polonais n’a pas pris de mesures importantes pour restituer les biens privés juifs disparus pendant la Shoah.
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Lettre ouverte à Bronislaw Komorowski, Président de Pologne par Colette AVITAL et Lili HABER
Monsieur le Président,
Israël et la Pologne partagent aujourd’hui une profonde amitié.
Votre visite en Israël est une preuve supplémentaire de la force de cette relation.
L’amitié exige un soutien réciproque et exige aussi que nous soyons ouverts et honnêtes sur nos points de vue et opinions – même s’il est parfois malaisé pour l’autre de les entendre.
Près d’un quart de siècle après la chute du Rideau de Fer, le gouvernement polonais n’a pas pris de mesures significatives pour rendre les biens privés ayant appartenu à des Juifs et perdus pendant la Shoah.
D’innombrables survivants et leurs familles sont revenus en voyage en Pologne. Une fois sur place, ils voient souvent les maisons où ils ont grandi et les entreprises qu’ils dirigeaient. Tout ce qu’ils demandent, c’est que leur soit rendu ce qui leur appartenait.
Environ 90 pour cent des quelque 3,5 millions de juifs qui vivaient en Pologne avant la Seconde Guerre mondiale ont été tués dans l’Holocauste. Des dizaines de milliers de propriétaires en Israël et dans le monde – et les héritiers des victimes qui étaient propriétaires de biens immobiliers en Pologne n’ont toujours pas recouvré ce qui leur appartenait.
L’Organisation Mondiale de la Restitution Juive (WJRO) a travaillé pendant des années pour présenter des propositions législatives significatives pour résoudre le problème.
La Pologne est le seul grand pays d’Europe Centrale et Orientale, également Etat membre de l’Union Européenne, où une telle loi n’existe pas. Depuis que la Pologne est devenue une démocratie en 1989, plusieurs projets de loi ont été proposés pour traiter de la restitution ou d’une compensation pour les propriétés privées saisies par les nazis et / ou plus tard nationalisées par le régime communiste. Mais aucun n’a débouché sur une loi.
Par ailleurs, après des engagements répétés et non tenus au fil des ans, d’adopter une loi de restitution, les représentants de votre gouvernement ont récemment affirmé qu’une telle loi n’était pas nécessaire. Au lieu de cela, ils affirment que les demandeurs de restitution doivent aller devant les tribunaux polonais pour demander justice, en dépit du fait que dans la plupart des cas, un tel chemin complexe, coûteux, fastidieux et long serait – comme ce fut le cas pendant des années – une barrière de facto pour les survivants âgés et leurs héritiers.
Le fait que la Pologne a promulgué une législation pour restituer les propriétés communales montre que des progrès peuvent être réalisés.
Un consensus international existe maintenant.
La Conférence de Prague de 2009 a abouti à l’approbation par plus de 40 pays de la Déclaration de Terezin sur les actifs des victimes de l’Holocauste et des questions connexes. La Déclaration disait notamment : «Notant l’importance de la restitution des biens immobiliers communaux et individuels qui appartenaient aux victimes de l’Holocauste ( Shoah ) et d’autres victimes de la persécution nazie, les Etats participants demandent instamment que tout soit fait pour remédier aux conséquences de saisies de biens arbitraires … qui faisaient partie de la persécution de ces personnes et ces groupes innocents dont la grande majorité d’entre eux sont morts sans héritier.»
Monsieur le Président, nous vous prions d’exhorter votre gouvernement à présenter rapidement et à promulguer une loi comprenant les éléments suivants:
• La restitution et / ou la compensation pour les biens saisis par les nazis et leurs collaborateurs, à partir de Septembre 1939
• Le retour des biens confisqués ou si ce n’est pas possible, une indemnisation équitable et en temps opportun ; et
• Un processus de réclamation simple, sans obstacles juridiques, fournissant un accès facile aux archives pertinentes.
Nous devons toujours aller de l’avant, regarder l’avenir ensemble comme deux peuples qui partagent de nombreuses visions et des objectifs communs. Mais la voie de l’avenir passe par la reconnaissance des questions du passé et leur résolution.
Trois millions de Juifs polonais n’ont pas survécu et ne pourront jamais récupérer ce qui a été pris. Mais leurs familles, les survivants et leurs enfants, eux le peuvent.
Nous vous demandons, Monsieur le Président de relever ce défi et de redresser un tort historique.
Par COLETTE AVITAL, LILLI HABER
Le 02 novembre 2013 : http://www.jpost.com/Opinion/
Colette Avital est secrétaire de l’Organisation Mondiale de la Restitution Juive et présidente du Centre des Organisations de Survivants de l’Holocauste en Israël. Lilli Haber est présidente de l’Association des Juifs polonais en Israël.
Traduction Europe-Israël
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