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Eclairage et complément d’information : Lettre de Richard Rossin à Europe-Israël à propos de Rudolf Hoess


Eclairage et complément d’information : Lettre de Richard Rossin à Europe-Israël à propos de Rudolf Hoess

Comme suite à l’article que nous avons récemment publié à propos de Birgit Hoess, – une allemande réfugiée aux Etats-Unis qui pendant des années a caché être la fille du nazi commandant le camp d’Auschwitz, – Richard Rossin, nous adresse cette lettre  contribuant à préciser les contours de la personnalité d’un Rudolf Hoess et le destin des enfants de certains nazis. Nancy 


 

Chère Nancy Verdier,

J’ai été très intéressé par votre adaptation d’un article concernant Birgit la fille de Rudolf croix de guerre. La fille est vraiment à l’image du père dans sa soumission à la loi en vigueur ou à la doxa ambiante dans un océan d’indifférence. Il se trouve que je me suis approché de la vie du père au sinistre destin à l’occasion d’un travail sur Jérusalem.

En 1917 le jeune Rudolf était à Jérusalem avec les troupes allemandes du général Von Falkenhayn, celui qui, avec son chef d’Etat-major, le colonel Franz Von Papen (eh oui !), sauva les Juifs (et les chrétiens) de Palestine d’un massacre annoncé par Djemal Pacha. Le Pacha menaçait en invoquant le sort des Arméniens dans lequel il n’était pas sans responsabilité. D’ailleurs 800 Juifs déjà expulsés de Palestine par lui avaient été généreusement accueillis à Ajaccio, en Corse en 1915 et en 1917 il avait, la veille de Pessah, brutalement expulsé les Juifs de Jaffa et Tel Aviv ; beaucoup moururent de faim et dans des épidémies (typhus et choléra). Le général allemand dirigeait la défense de Jérusalem encore turque lors de l’avancée des Anglais, il empêcha l’application des autres mesures radicales de Djemal Pacha. Il fut aidé notamment par le colonel Kress Von Kressenstein et Schabiner, le vice consul de Haïfa.

Hoess est blessé à 16 ans et obtient la croix de fer de 1ére classe. A 17 ans il est un des plus jeunes sous-officiers. A Jérusalem, bien que réputé pour sa retenue, il fait connaissance avec les  charmes de l’amour auprès d’une infirmière allemande. Catholique (comme Von Papen) et dévot il envisageait encore une carrière de prêtre mais son passage dans la cité « joua un rôle décisif dans le reniement de ma foi, j’avais été écœuré par le cynisme avec lequel les représentants des nombreuses Eglises y faisaient le commerce des prétendues saintes reliques ». (in « La mort est mon métier »)

Son nationalisme et son « goût pour l’ordre » ( ?) le font adhérer au parti Nazi dès 1922 (Mein Kampf est édité en 25), il entre à la SS en 34 et devient commandant de l’incroyable usine de mort dès le 1er mai 1940 où il développa l’usage du gaz Zyklon B à base d’acide prussique (sic !) qui était un insecticide comme le Sarin fut un pesticide…

Sa fille donc jette un voile pudique sur le passé de son père. Rainer Hoess, neveu du commandant, rapporte[1] pourtant comment, dans cette jolie villa attenante au camp dont elle n’a rien vu (je rappelle que les limites étaient des barbelés pas vraiment opaques), « sa grand-mère disait aux enfants de laver les fraises cueillies car elles sentaient les cendres des fours des camps de concentration »… Rainer avait coupé les ponts avec son père qui n’avait pas abandonné l’idéologie nazie, « J’ai bien évidemment honte de ce que ma famille, mon grand-père, a fait à des milliers d’autres familles. Ils sont morts. Je suis vivant, mais pourquoi donc suis-je en vie ? ».

Car il existe effectivement des descendants de nazis qui ont tenté de s’arracher à l’idéologie et aux préjugés[2], qui ont été effrayés de ce que leurs ascendants avaient commis. Le plus étonnant est ce professeur dans une faculté d’études juives, beau-petit-fils d’Aloïs le demi-frère d’Adolphe Hitler. D’autres comme ce fils de nazi qui fut rabbin dans l’armée israélienne et que son père a renié ; ce jeune homme d’une petite ville industrielle d’Allemagne qui reçut des menaces de mort de nombreux néonazis quand il a annoncé son intention de se convertir au judaïsme ; cette allemande qui avait fui ses parents en Israël où elle apprend avec un haut-le-cœur la Shoah et qui surveille aujourd’hui les soldats israéliens aux postes de contrôle en Cisjordanie ; cet homme de Nuremberg qui a épousé une rescapée du génocide qu’il a rencontrée dans un kibboutz, devenu juif orthodoxe, guide touristique à Jérusalem et fondateur d’un groupe d’Allemands convertis au judaïsme puis, avec un imam, d’une association de promotion de l’entente entre religions.

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Il y a des allemands qui ne se sont pas contentés de faire le mannequin pour Balenciaga (pourquoi pas Hugo Boss qui fabriquait les uniformes de la Wehrmacht et des SS)… dans leur mur de silence, ils cherchent à comprendre comment leurs pères ont pu participer à un génocide. Ils cherchent, dans la complexité des ressorts noirs des êtres humains et des folies de l’histoire, à s’arracher au destin et tenter de construire de la vie.

Et il y a plus encore : Matthias Goering, petit-neveu du maréchal sadique, Katrin Himmler, petite-nièce de l’assassin, et encore la petite-fille de Magda Goebbels (qui avait été l’amie du poète et dirigeant sioniste Haïm Arlozoroff) sont devenus Juifs et vivent en Israël.

Voici quelques points d’information et éléments de réflexion. Il reste à ne pas qualifier les nazis de monstres, cela les arracherait à leur qualité d’êtres humains et les exonérerait ainsi de leurs responsabilités ; il en est de même des indifférents. Deux caractéristiques largement et également répandues dans le genre bipède. Le problème n’est pas dans les causes de l’antisémitisme des nazis, les raisons de haïr sont toujours nombreuses et habituellement fallacieuses, il est dans ce qu’ils ont fait.

Bien à vous et merci encore pour cet article sur la, hélas trop transparente, Birgit. Qu’elle en soit encore là à 80 ans ne rassure pas sur l’avenir, c’est comme si l’histoire ne laissait pas de trace.

Richard Rossin – Ecrivain et historien du judaïsme

Ancien Secrétaire Général de Médecins sans Frontières, Co-fondateur de Médecins du Monde et délégué général du Collectif Urgence au Darfour, Richard Rossin a montré sans relâche, à travers différentes associations et de nombreux écrits son engagement indéfectible pour les causes humanitaires. 

 

Voir aussi notre précédent article  : Brigitte Höss (Hoess) Son père était Kommandant du camp d’Auschwitz


[1] documentaire BBC

[2] Sources: Tanya Gold dans le Gardian traduit par Courrier international  25 sept. 2008 et Isabelle Hachey   La Presse 23.9. 2008

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  • One thought on “Eclairage et complément d’information : Lettre de Richard Rossin à Europe-Israël à propos de Rudolf Hoess

    1. jankel

      Mr Rossin a entièrement raison mais comme Médecin, il aurait dû apprendre un peu de psychiatrie psychanalyse et lire notamment Jean Bergeret et surtout son ouvrage La Personnalité Normale et Pathologique (Dunod-Lyon 1974 et rééditions récentes)
      Il y aurait lu les notions de Structure Psychotique avec pour les « privilégiés » une adaptation transitoire mais très stable: Structure Perverse…Soit 30% de la Population humaine.
      Les Borderline, 50% des gens(..!!!) sans endo-squelette psychique véritables girouettes de la pathologie affective et idéative…et enfin j’espère Vous et Moi ? Névrotiques qui s’ils tombent malades ne feront ni psychose ni crime pervers; ni comme des Borderline, des dépressions torpides résistantes et des addictions graves…
      Nos cher Criminels nazis sont des gens intelligents et cultivés qui se classent cependant dans les Psychoses et leurs aides Indifférents sont manifestement ces Borderline sans endo-squelette qui suivent le vent avec un « fond prépsychotique de froideur schizophrénique…..
      Effectivement: nous ne sommes pas sortis de l’Auberge…!

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