Une interview des écrivains Bagat Elnadi et Adel Rifaat, qui donnent leur éclairage sur les récents affrontements en Egypte, remettant en perspective la situation après la désinformation systématique opérée par nos médias. Cette interview est suivie de l’article « Le peuple a donné, le peuple a repris »
Interview Pour les écrivains Bagat Elnadi et Adel Rifaat, connus sous le pseudonyme commun de Mahmoud Hussein, la répression des pro-Morsi soulève des interrogations, mais s’explique avant tout par «la posture du martyr» voulue par les islamistes.
Le 10 juillet, ils publiaient dans Libération une tribune à la gloire du peuple égyptien qui, avec l’aide de l’armée, avait su se débarrasser de Mohamed Morsi. Intitulée «Le peuple a donné, le peuple a repris», (à lire ci-dessous NDLR) elle finissait sur ces mots : «Quand la légalité démocratique devient le paravent d’une autocratie rampante, elle doit céder le pas devant la légalité des transitions révolutionnaires.» Au lendemain de la tuerie du Caire, nous avons demandé à Bagat Elnadi et Adel Rifaat, alias Mahmoud Hussein, s’ils gardaient la même foi dans le soulèvement égyptien.
Comment réagissez-vous au coup de force mené mercredi par les autorités contre les Frères musulmans, qui a fait plusieurs centaines de morts ?
Ce qui importe d’abord, c’est de savoir comment le peuple égyptien, dans son immense majorité, a réagi. Il a vécu la mise en place de ces camps retranchés comme une insulte à sa volonté, exprimée lors de sa gigantesque marche du 30 juin, de voir la fin de la dictature obscurantiste que les Frères musulmans étaient en train d’établir. Après la destitution de Morsi, il a vu se construire ces deux bastions armés au beau milieu de sa capitale et il n’a pas compris qu’on ne les disperse pas aussitôt. Il attendait cela, avec une impatience croissante, jusqu’à la journée de mercredi. Il a donc salué la dispersion des sit-in. Il est clair qu’il aurait préféré que cela se passe autrement, qu’il n’y ait pas de sang versé. Mais il fait porter sur les Frères musulmans la responsabilité de ce dénouement. Ce sont eux qui ont voulu l’affrontement ; ils ont rejeté toutes les offres qui leur ont été faites d’accepter le verdict populaire et de s’inscrire dans le nouveau contexte, de participer à une démocratie plurielle. Ils ont préféré la posture du martyr.
L’intervention des forces de l’ordre a quand même été d’une violence inouïe !
C’est vrai. Comme beaucoup d’Egyptiens, nous ne comprenons pas pourquoi les choses se sont déroulées ainsi. Le ministère de l’Intérieur avait clairement dit qu’il y avait moyen d’intervenir dans un cadre beaucoup plus pacifique, par étapes, en bouclant les issues, en utilisant les moyens connus de pression croissante, trombes d’eau, gaz lacrymogènes, etc. Pourquoi a-t-on décidé tout à coup de boucler l’opération en quelques heures, au prix de tant de sang versé ? Est-ce parce qu’on a trop longtemps semblé hésiter qu’il fallait ensuite montrer une poigne de fer ? Toujours est-il que le retour d’une police musclée doit être suivi avec une grande vigilance dans l’avenir…
Comment voyez-vous cet avenir ?
Le peuple égyptien a des attentes pressantes, politiques et économiques, et c’est bien pourquoi il voulait que tout cela finisse. Pour passer à la reconstruction démocratique du pays. Il y a une feuille de route pour cela. Elle commence par l’écriture d’une nouvelle Constitution. Le travail est déjà avancé. Il s’agira d’une Constitution où on ne permettra plus l’existence de partis religieux, où la voix d’un musulman sera égale à celle d’un copte, et la voix d’un homme égale à celle d’une femme. Bref, une Constitution moderne, où le politique et le religieux sont définitivement séparés. Après le référendum prévu pour voter cette Constitution, des élections doivent se dérouler à brève échéance, parlementaires et présidentielles. Entre-temps, l’économie du pays doit être remise en marche, des mesures d’extrême urgence prises en faveur des plus défavorisés.
Avec la marginalisation des Frères musulmans, n’y a-t-il pas un risque de scénario à l’algérienne ?
Il n’y a aucun rapport. En Algérie, à la fin des années 80, il y avait une grande effervescence démocratique, le peuple en avait assez de la dictature du FLN, il voyait dans le FIS islamiste une chance de changement. Au premier tour des élections législatives, le FIS s’est effectivement trouvé en position de gagner. L’armée a brisé cet élan en faisant son coup d’Etat, un vrai coup d’Etat celui-là… En Egypte, au contraire, les Frères musulmans ont pu arriver au pouvoir et ils ont montré leur vrai visage. C’est le peuple qui, en l’espace de neuf mois, les a démasqués. C’est le peuple qui s’est mis en marche pour les chasser. Cela change tout. Rappelons que, dans leur histoire de près d’un siècle, les Frères musulmans ont connu plusieurs périodes de répression violente, parfois sanglante, mais c’étaient les appareils de répression qui les frappaient, ils s’en relevaient. Là, c’est différent, le peuple leur signifie une défaite sans doute irrémédiable. Depuis le mois de janvier 2011, le peuple joue un rôle crucial pour ouvrir de nouvelles situations révolutionnaires, mais ce n’est pas lui qui détient les clés de leur dénouement. Il vit une longue étape de transition révolutionnaire, avec de formidables bonds en avant, comme la chute de Moubarak, puis celle de Morsi.
Mais, pour trancher les choses, il n’y a que l’armée, colonne vertébrale de l’Etat national. Elle a pris les choses en mains après la chute de Moubarak, de la pire des manières, puisque c’est elle finalement qui a fait la courte échelle aux Frères musulmans. Maintenant, elle reprend les rênes, avec une nouvelle génération de dirigeants, dont nous avons lieu de penser qu’ils pourront tirer la leçon du passé et qu’ils devront tenir compte de la formidable poussée du mouvement populaire. Il est clair, pour tout dirigeant digne de ce nom, que le peuple égyptien a définitivement vaincu la peur, qu’il gagne en assurance et en maturité, qu’il tient les dirigeants pour ses mandataires et non ses maîtres, et qu’il exige d’eux qu’ils lui rendent des comptes. Les dirigeants à venir ne pourront plus gouverner comme avant. Et si certains d’entre eux croient pouvoir revenir en arrière, au bon vieux temps des sujets du sultan, ils seront vite détrompés. L’Egypte a changé, en profondeur, mais les nouvelles formes politiques qui doivent répondre à ce changement ne sont pas encore prêtes, elles doivent être réinventées, elles mettront sans doute des années encore à s’affirmer.
Vous ne craignez pas non plus un scénario à la syrienne ?
Là non plus, rien à voir. Le peuple égyptien est ethniquement très homogène, il n’est pas composé de clans et de tribus dont chacun est un monde en soi. Et l’armée égyptienne est, depuis deux siècles, une armée dont l’histoire se confond avec celle de la nation moderne. Les Egyptiens se reconnaissent tous en elle, même quand il leur arrive de critiquer politiquement ses chefs. Non, pas de scénario syrien.
Tout de même, les Frères musulmans ont bien été élus démocratiquement ?
Tout d’abord, si Morsi a été élu, c’est dans des conditions qui sont tout sauf régulières et loyales. Il n’y avait pas d’Etat de droit, mais un état d’urgence et les pleins pouvoirs au maréchal Tantaoui, des milliers de jeunes révolutionnaires jetés en prison, des manifestations réprimées dans le sang… Et, surtout, les gens l’ont oublié, la commission qui présidait le processus électoral avait reçu le pouvoir incroyable de tout organiser, jusqu’à l’annonce du résultat, dans le secret le plus absolu et sans contrôle ni recours possible. Lorsque tous les votes ont été réunis, il avait été prévu qu’elle annonce les résultats un jour après. Elle a mis une semaine, une pleine semaine, avant d’annoncer les résultats, une semaine durant laquelle tout le monde attendait dans le noir… La plupart des Egyptiens pensent que Morsi avait en fait perdu l’élection et que ce sont les Américains qui ont fait pression sur Tantaoui pour annoncer la victoire de Morsi. Ce sont des rumeurs invérifiables, mais cela en dit long sur la nature démocratique de cette élection. Ce qui compte, c’est qu’après la victoire de Morsi, le peuple a vite compris qu’elle menait le pays à une catastrophe. On nous le répète ici [en France, ndlr] : «Mais le peuple n’avait qu’à attendre trois ans, il aurait sanctionné Morsi dans les urnes !» C’est une sinistre plaisanterie. Les Frères musulmans avaient condamné toute possibilité d’alternance. En fait, le coup d’Etat, c’est Morsi qui l’a fait, en s’adjugeant des pouvoirs sans retour.
Sous la signature commune de Mahmoud Hussein, Bagat Elnadi et Adel Rifaat publieront en octobre un nouvel essai, «Ce que le Coran ne dit pas» (Grasset).
source Libération
Egypte : le peuple a donné, le peuple a repris
Voici donc ce que l’on pense, en Occident, de la situation égyptienne : une expérience démocratique était en marche, l’armée a voulu y mettre fin, elle a instrumentalisé le mécontentement populaire pour faire un coup d’Etat.
Et de se lamenter sur la naïveté du peuple égyptien, qui préfère se jeter dans la gueule du loup militaire, plutôt que de faire confiance au président islamiste qu’il a élu. Incapable de se plier au long apprentissage de la démocratie, le peuple égyptien aurait oublié tous les maux que l’armée lui a infligés…
Non, le peuple égyptien n’a pas oublié.
Il n’a pas oublié ce qu’il a souffert, durant les seize mois où l’armée a directement gouverné le pays. L’initiative qu’il vient de prendre n’est, en aucune façon, un choix entre l’armée et les Frères musulmans. Elle représente une étape nouvelle, dans la marche qu’il a entreprise pour affirmer son autonomie citoyenne. Car le peuple égyptien a cessé d’être un comparse sur la scène politique. Il a acquis, depuis le mois de janvier 2011, un statut d’acteur autonome et décisif.
Il a acquis ce statut, qualitativement nouveau, non parce qu’il a renversé l’autocrate Moubarak, mais parce qu’il a rejeté, en même temps que lui, la légitimité de son pouvoir.
Jusque-là, au pays des pharaons, des sultans et des raïs, ce pouvoir n’était pas seulement exercé sans limite et sans contrôle. Il était, de surcroît, légitimé par l’ensemble de la population. Pourquoi celle-ci acceptait-elle comme allant de soi, comme une évidence indiscutable, un pouvoir sur lequel elle n’avait aucune prise ? Parce que ce pouvoir lui semblait émaner d’une instance supérieure, transcendante. Parce qu’il représentait, à ses yeux, le reflet sur terre d’un dessein céleste.
En janvier 2011, près de 10 millions d’Egyptiens ont proclamé que la souveraineté ne tombait pas du ciel. Qu’elle émanait d’eux. Que c’était en leur nom, désormais, que les gouvernants devaient gouverner. En quoi il s’agit bien, au sens le plus fort du terme, d’une révolution.
C’est l’avènement, non de la rue, mais de la place publique. Tahrir désigne une nouvelle génération d’acteurs sociopolitiques, héritiers d’un long cheminement historique, par où les générations qui les précèdent se sont, pas à pas, libérées des servitudes mentales et des inhibitions psychologiques, propres à une société traditionnelle et colonisée.
Ces nouveaux acteurs ne sont plus entravés par les mythes de la prédestination et de la fatalité, par le respect instinctif des hiérarchies, par le conformisme communautaire. Ils ne se méfient plus de ce qui tend à l’originalité, à la rupture, à l’imprévu. Ils n’ont plus peur de se distinguer, de s’affirmer, individuellement. Chacun d’eux parle à la première personne, pense par lui-même, agit en son nom propre.
Tahrir représente la conscience intime de millions d’Egyptiens, conscience révolutionnaire et citoyenne, contre-pouvoir installé dans les esprits, rendez-vous direct de chaque volonté libre avec le destin collectif de l’Egypte.
Pour l’armée comme pour les Frères musulmans, deux structures d’autorité fondées sur le principe de l’obéissance absolue, Tahrir représente un défi idéologique. Elles vont réagir de concert, en tandem, pour affronter ce défi. Après la chute de Moubarak, elles vont conduire une négociation, certes conflictuelle mais permanente, sur la meilleure manière de briser l’élan de la révolution, afin de discipliner et de canaliser la puissance de la nouvelle place publique.
Les pouvoirs exécutif, législatif et constitutionnel ont d’abord été concentrés dans les mains de l’armée. C’est dans ce cadre que les Frères musulmans et leurs alliés salafistes ont obtenu une majorité dans les urnes, d’abord au Parlement puis à la présidence. Ils y ont été puissamment aidés par l’armée, qui leur a préparé le terrain, en expédiant dans des prisons militaires15 000 jeunes activistes révolutionnaires, en réprimant sauvagement, dans le sang, les manifestations de masse.
Pendant ce temps, les Frères musulmans étaient surtout préoccupés de préparer leur campagne électorale. Lorsque l’armée s’est vue conspuée dans les rues, elle a cédé aux Frères les rênes du pouvoir. Ces derniers ont commencé par renvoyer l’ascenseur. Ils ont fait graver dans le marbre le statut de caste de l’armée, en lui donnant des garanties constitutionnelles préservant ses privilèges, ses intérêts et ses immunités.
Qu’ont-ils fait pour le peuple qui les a élus ? Ils n’ont résolu aucun de ses problèmes. Ils les ont même aggravés. Mais ce n’est pas leur crime essentiel. S’il n’y avait que cela, le peuple aurait pu attendre trois années supplémentaires, pour les congédier par la voie des urnes. Le crime essentiel des Frères musulmans est d’avoir tenté de verrouiller toutes les issues par lesquelles ils pouvaient être chassés du pouvoir. Leur souci dominant a été de rendre, après eux, l’alternance impossible.
Morsi s’est arrogé des pouvoirs exorbitants, surplombant à la fois l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Il a fait adopter une constitution sur mesure, en une nuit, par une commission dont la quasi-totalité des membres étaient islamistes. Il a systématiquement rejeté le principe de consultations sérieuses avec les forces politiques non-islamistes, se contentant de les inviter à des conversations informelles, une fois que ses décisions étaient prises.
Le peuple égyptien a compris que s’il le laissait faire, il n’y aurait plus de changement possible par les urnes. La poursuite de la voie démocratique exigeait de le congédier avant qu’il ne soit trop tard.
En juin, il s’est soulevé à nouveau. Et les quelque 10 millions d’Egyptiens qui occupaient les places publiques en 2011, sont devenus 22 millions.
Ces derniers ont commencé par signer une pétition exigeant le départ de Morsi. Puis ils se sont donné rendez-vous, le 30 juin, jour anniversaire de son élection, pour le lui dire de vive voix. Gigantesque démonstration de conscience collective, de puissance tranquille, de maturité. Le peuple a donné, le peuple a repris. Voilà.
C’est ce que l’armée a compris, et qui a conduit ses chefs à mettre fin à leur association avec les Frères musulmans. Ils redorent ainsi leur blason, en se plaçant du côté du peuple. Ils font un nouveau pari, conforme à leur vision des intérêts à long terme de l’institution militaire, et incluant d’évidentes arrière-pensées. La place Tahrir accueille leur intervention avec, pour l’heure, un immense soulagement. Mais aussi avec la vigilance qu’impose l’expérience d’un passé encore présent dans les mémoires.
Que faire, dans tout cela, du concept de légalité démocratique ? Se rappeler que, quand cette légalité devient le paravent d’une autocratie rampante, elle doit céder le pas devant la légalité des transitions révolutionnaires.
Dernier ouvrage paru : «Penser le Coran», Grasset, 2009, édition poche Folio, Gallimard, 2011.
source libération
Je voit que le peuple d’Egypte retrouve son intelligence et son courage et je voudrais que beaucoup de Français prennent exemple sur eux, car nous sommes nous aussi confronter aux musulmans islamistes même si nos gouvernants successif nous disent le contraire, et nous avons pour preuve la réponse faite aux Egyptiens : » On nous le répète ici [en France, ndlr] : « Mais le peuple n’avait qu’à attendre trois ans, il aurait sanctionné Morsi dans les urnes !», chose qui même en France est inenvisageable puisqu’ils s’arrangent les votes pour que ce soit ou la droite ou la gauche.
Il faut que les Français prennent les rênes de leur avenir et que l’on inscrive cette phrase DANS LA CONSTITUTION :
« » Que le peuple de France tient les dirigeants pour ses MANDATAIRES et non ses maîtres, et qu’il exige d’eux qu’ils lui RENDENT DES COMPTES. Les dirigeants à venir ne pourront plus gouverner comme avant « ».
ceci comme un avertissement a tout ceux qui postule au poste de chef d’état.
Que ceci soit valable pour toutes personnes ayant une autorité public sur le peuple, à savoir : ministres, juges, flics, députés, sénateurs et toute cette clique qui se croit intouchable.
Si le peuple Français ne fait rien maintenant, » car pourquoi attendre les urnes ? qu’es ce que cela changera ? », le gouvernement dans son favoritisme des musulmans, chaque jours davantage, nous emmène dans le coupe-gorge de l’islam et demain il sera trop tard, déjà c’est très très limite, voyait les zones de non-droit, la clémence des magistrats, la justice qui condamne un Français qui s’est défendu contre un groupe d’arabes, des blancs qui se font égorgés dans les rues, etc…
Partout dans le monde, dans tous les pays ou est installé l’islam sans contrainte, il y a que tuerie, barbarie, massacres, meurtres, viols, destructions…………..AUCUN HUMAINS digne de se nom, ne peut vivre avec l’islam.
Ils ont l’apparence des humains mais se sont des démons.
Que notre DIEU bénisse ses enfants.