Dans notre précédent article « Ce qu’ils savaient. Les Alliés face à la Shoah, un documentaire à voir absolument » nous vous présentions ce documentaire qui sera diffusé Lundi 29 octobre, à 23 h 10 sur France 3
Virginie Linhart, la réalisatrice du documentaire « Ce qu’ils savaient. Les Alliés face à la Shoah » explique dans une interview le silence de Churchill, Staline, Roosevelt et de Gaulle.
Le remarquable documentaire de Virginie Linhart révèle l’indifférence générale des Alliés face à la Shoah. Rencontre avec la réalisatrice.
Le Point : Comment avez-vous eu l’idée du documentaire « Ce qu’ils savaient. Les Alliés face à la Shoah » ?
Virginie Linhart : Ma productrice, Fabienne Servan-Schreiber, voulait réaliser un film sur la Shoah, les Alliés et la Résistance. Je venais de travailler avec elle pour un documentaire sur les survivants de la Shoah dont le thème était : « Comment sortir d’Auschwitz, comment vivre après ? » Je me suis proposée, mais le travail semblait immense. Un ami historien spécialiste de la question nazie, Christian Ingrao, m’a prévenue que j’allais me noyer. Puis j’ai eu l’idée de traiter le sujet en me concentrant sur les quatre grands de l’époque : Churchill, Staline, Roosevelt, de Gaulle. Là, mon ami Ingrao m’a encouragée. J’ai convaincu ma productrice, même si certains me disaient : mais ce sont eux qui nous ont sauvés pendant la guerre, tu ne vas quand même pas les attaquer. L’historien Henry Rousso, qui est devenu mon conseiller sur le film, m’a également mise en garde : il était difficile de ne pas avoir a posteriori une position moralisatrice. Je me suis donc efforcée de comprendre sans juger.
Quels sont les éléments nouveaux que vous apportez ?
J’ai pioché à droite et à gauche dans beaucoup de livres, en m’apercevant qu’aucune synthèse n’avait jamais été entreprise sur l’indifférence, l’absence de réaction des Alliés sur la Shoah pendant la guerre. Prenons un exemple : dans l’ouvrage de Walter Laqueur, Le terrifiant secret, je suis tombée sur les papiers chiffrés que Churchill reçut dès l’automne 1941 sur les massacres commis par les Einsatzgruppen, en URSS. En tant que documentariste, il me restait à chercher la preuve par l’image de ces papiers, que j’ai trouvée dans les archives nationales anglaises.
Qu’est-ce qui vous a le plus étonnée lors de vos recherches ?
Le poids des administrations, qui bloquent l’action des Juifs désireux d’attirer l’attention des chefs d’État. C’est le cas en Angleterre avec le Foreign Office, aux États-Unis avec le département d’État et les services de l’immigration américaine. Ils font ce qu’ils veulent. J’ai découvert le rôle très négatif joué par Anthony Eden, le ministre anglais des Affaires étrangères, qui verrouille la Palestine, censure son homologue polonais qui pousse un cri d’alarme à la BBC, empêche Jan Karski de rencontrer Churchill. Le cynisme de Staline, qui manipule les Juifs russes, est aussi sidérant : j’étais très fière de retrouver l’appel en yiddish – langue interdite en URSS – lancé par les intellectuels juifs russes.
Pourtant, fin 1942, les Alliés montent au créneau et déplorent l’extermination des Juifs…
C’est la seule fois. Les informations étaient sorties dans la presse, qui faisait pression, ainsi que le Congrès juif mondial. Début 1942, ils avaient évoqué des poursuites pour crimes de guerre, mais ils n’avaient pas évoqué le cas des Juifs persécutés. Et lors de la conférence des Bermudes, le 19 avril 1943, jour du début de l’insurrection du ghetto de Varsovie, qui doit traiter de la question des réfugiés de guerre, rien n’est décidé.
Pourquoi ?
La préoccupation principale est de gagner la guerre. N’oublions pas que le monde d’avant-guerre est un monde antisémite. On aurait démobilisé les populations si on avait clamé qu’on faisait la guerre pour stopper le génocide juif. Cela aurait donné d’ailleurs du grain à moudre à la propagande allemande qui martelait que les Alliés faisaient la guerre pour sauver les Juifs. Il faut aussi rappeler que les Juifs d’Europe de l’Est étaient considérés comme des moins que rien. De Gaulle établit cette hiérarchie entre les Juifs de l’Est et les Juifs français, dont il est persuadé qu’il ne leur arrivera rien. Morgenthau, le secrétaire d’État au Trésor de Roosevelt, est un Juif qui se soucie assez peu des Juifs de l’Est. Quand la Suède négocie le passage en pays neutre de quatre mille enfants juifs, elle spécifie « préférer éviter les enfants juifs d’origine polonaise ». Il y a donc une hiérarchie très forte.
Un homme est écartelé, c’est Stephen Wise, le représentant américain du Congrès juif mondial…
En août 1942, il reçoit le télégramme Riegner, qui évoque la solution finale. Mais Morgenthau l’incite au silence et pendant trois mois, Wise va se taire, ce qui lui sera reproché très fortement après la guerre. À l’époque déjà, il met toutes ses forces dans l’idée de la création d’un État d’Israël après-guerre, et il estime qu’il ne faut pas harceler l’administration des États-Unis. La culpabilité américaine sera un des ressorts essentiels qui expliquent, par compensation, la création d’Israël.
Propos recueillis par François-Guillaume Lorrain Le Point
A lire, nos précédents articles :
Les neutres retardent la victoire.1940-1944. par Marc-André Charguéraud
Le sauvetage des Juifs devra attendre la victoire – 1942-1945.
Washington et Londres refusent la constitution d’une armée juive 1940-1944.
Les Alliés en guerre refusent de sauver des Juifs 1942-1944 par Marc-André Charguéraud
Est-il moral de choisir quelles vies doivent être sauvées ? par Marc-André Charguéraud
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Bonjour Lydia,
Vous avez bien raison de dire qu’Israël préfère ne compter que sur ses propres forces. A juste titre car les États , ces monstres froids comme Nietzsche, bien que non politique, a pu le dire ,avec une puissante intuition , dans le Gai Savoir, ces États » égoïstes » n’ont que des intérêts.
Je me méfie de ce genre d’études , aussi légères qu moralisatrices assorties d’auto culpabilité quand ce n’est pas de haine de soi émanant d’universitaires souvent de gauche.
Certes , à cette époque, les Juifs n’étaient pas aimés par certains , haïs ou jalousés par d’autres mais l’horizon de cette époque était bouché par toutes sortes de frustrations , de rancunes , chacun ayant son bouc émissaire: les Anglais , les Boches….les différentes espèces de profiteurs ou d’affameurs…, les Juifs, « assassins ou dénonciateurs de Jésus « , n’étant pas en reste .
Je suis allé plusieurs fois à Auschwitz et à Birkenau , j’ai parlé avec d’anciens déportés juifs , et l’un qui était dans un commando , m’a assuré qu’il y avait des équipes , particulières, spécialisées pour réparer , dans l’heure , les tronçons de voies de chemin de fer bombardées ,ce qui n’était pas , selon lui, une grosse affaire.
Or à part les bombardements à 1500Kms de leurs bases d’envol, qu’auraient pu faire et que n’ont pas fait les bombardiers anglais ou américains ,pour arrêter les déportations ?
Il fallait gagner la guerre , objectif on ne peut plus stratégique . Les pressions sur les Nazis n’auraient pas joué tant à partir de Décembre 41 ( Pearl Harbour ), on était rentré dans la guerre totale avec destructions immenses des deux côtés (civils au passage ). un bombardement, par exemple à Lyon en 43 , je crois , en plein centre, fait par les Anglais , 1 000 tués , un peu tard , par les Nazis , pendaisons à Tulle puis Oradour sur Glane , puis bombardements alliés sur la Normandie etc ….Dans le Pacifique , les Japonais ne faisaient pas de prisonniers etc….
Il y eut des initiatives personnelles , de révolte ou de compassion mais les Etats , par nature « rationnels « ,en tout cas largement militarisés ne pouvaient être sensibles AU POINT D’INTERVENIR pour neutraliser des massacres de civils innocents , en dehors de plans militaires , dominés par la stratégie .
Ajoutons qu’après guerre , ce sont ces mêmes officiers alliés ou autres qui ont participé à la formation des officiers de Tsahal , en particulier les aviateurs qui ont été initiés au Blitzkrieg , combinaison de l’aviation et des blindés que les Israéliens ont appliqué brillamment lors de la guerre du canal de Suez (1956 )et bien sûr lor de la guerre de 6 jours .
Je n’ai fait que résumer bien sûr.
enregistrez le pour que nous en israel puissions le voir .
merci d’avance
MAIS QUE PENSIEZ D AUTRE ? POURQUOI ONT ILS VOTES POUR LA CREATION D’UN ETAT JUIF, ISRAEL ,PARCE QU ILS ETAIENT PERSUADES, TOUS CES FAUX JETONS QUE LES JUIFS RESCAPES DE LA SHOA DESARMES PAR LES ANGLAIS, DEVANT DES MILLIONS D ARABES SUR ARMES NE FERAIENT PAS LE POIDS ET EN JOUANT A PONCE PILATE,ILS ETAIENT PERSUADES QUE LES ARABES FINIRAIENT LE TRAVAIL COMMENCE PAR LES NAZIS, MAIS ILS SE SONT LOURDEMENT TROMPES, ALORS AUJOURD’HUI VOYEZ LE COMPORTEMENT DE L EUROPE ET DU MONDE VIS A VIS D ISRAEL ET LEURS POLITICIEN RAMPAND DEVANT LES ISLAMISTES ET DEVANT LEURS PETRO DOLLARD …