Je suis en Israel. Je suis à Tel Aviv. Une fin d’après-midi. Par hasard, je suis venue assister à la cérémonie de Yom Hazikaron (Jour du souvenir des soldats tombés pour Israël) à la place Kikar Rabin (place populaire de Tel Aviv). J’ai suivi des gens au hasard des rues. La cérémonie est ouverte à tous.
Je m’attends à une petite cacophonie propre à l’ambiance israélienne. Plus j’approche, plus le silence se fait lourd. Je ne connais pas de silence à Tel Aviv. Un calme assourdissant, un monde fou réuni, ensemble, sans un bruit, pas un. Un respect à l’unisson, un recueillement, une discipline peu ordinaire.
Un concert au loin de chansons, de chansons tristes. Un concert sans applaudissement, des gens assis, des gens recueillis, les mains dans les poches, le regard au ciel, le regard au loin. La nuit est tombée. Les bougies s’allument. Une à une. Les prières chuchotées. Je n’avais jamais assisté à ce recueillement si solennel.
Je n’avais jamais vu ça, ici. Ce matin, à la tv, en boucle, des histoires consacrées aux soldats morts, racontés par leur proches, leurs parents, frères, sœurs, grands-parents.
Toute la journée. Les témoignages. Zvika, Amir, Uriel, Yanniv. Des reportages sans fin. Alors je suis sortie pour voir le soleil, pour voir la vie. Me voila par hasard à cette cérémonie, sur cette place. Je comprends alors comme une révélation ce peuple dans sa chair. Je suis toute chose, interloquée.
J’ai compris. La douleur vive qui les rend tels qu’ils sont, amoureux de la vie, bruyants parfois pour se sentir exister ou cacher leur douleur. Humblement. Je trouvais malvenu de filmer la souffrance, d’en faire des reportages. J’avais tout faux. C’est un dernier honneur, un dernier hommage. On parle des disparus, on montre leurs visages. On leur dédie ce jour et ce silence.
Une autre manière de comprendre Israël
Corinne Levy
25/04/2012