Né le 8 juin 1913 à Sousse (Tunisie), Jean Max Maurice Guedj grandit à Casablanca (Maroc) dans une famille juive, sioniste, de nationalité française. Il est de coutume dans les familles juives tunisiennes d’user de manière usuelle du deuxième prénom pour appeler, dans la vie quotidienne, un enfant. Ce qui explique la raison pour laquelle tous les proches de Max Guedj l’appeleront ainsi.
A Casablanca, le père de Max Guedj, Félix Guedj, avocat, y deviendra bâtonnier de l’Ordre des avocats.
Élève brillant, Max Guedj poursuit sa scolarité au prestigieux lycée Jeanson de Sailly, dans le XVIe arrondissement de Paris, où il a pour condisciple en particulier Pierre Daninos, futur auteur du roman Les Carnets du major Thompson (1954).
Max Guedj obtient son baccalauréat en 1930.
Puis, il étudie le droit à la Faculté de droit de Paris.
Fait rare à l’époque, il séjourne dans l’URSS stalinienne, aux États-unis et dans l’Allemagne nazie, dont il rapporte en 1933 des « instantanés, des choses vues » de la vie quotidienne.
Avocat brillant
Cet avocat, docteur et agrégé en droit, rejoint le cabinet paternel.
Ses débuts sont remarqués et prometteurs : il impressionne la Cour par son talent oratoire et sa maîtrise. Et il gardera « l’oreille des juges ».
C’est durant son service militaire que naît sa passion pour l’aviation : il obtient son brevet civil de pilote en 1938.
C’est un homme aussi réservé que son père est extraverti et un excellent avocat, se souvient son confrère Sydney Chouraqui qui éprouve pour lui un coup de foudre d’amitié et d’admiration professionnelle.
Vient la drôle de guerre.
Ce patriote enrage de n’être pas muté dans une unité combattante, malgré ses demandes.
Il refuse l’armistice et, démobilisé le 14 août 1940, ne songe qu’à poursuivre le combat.
C’est grâce à un subterfuge que Max Guedj arrive à Londres le 26 septembre 1940, anticipant ainsi le souhait de son père.
Déjà percent ses atouts : un sens aigu du devoir et un double souci d’efficacité et de réduction des risques pour autrui : sa famille, et plus tard, les pilotes de son escadre.
Wing-commander « Maurice »
Max Guedj s’engage dans les Forces Aériennes Françaises Libres (FAFL) comme élève-pilote.
Comme ses heures de vol sont faibles, la Royal Air Force (RAF) l’envoie se former dans des écoles d’entraînement, dont celle prestigieuse de Sywell.
Max Guedj obtient les « Ailes », le brevet de pilote de la RAF, et enfin son affectation dans une unité combattante : le squadron 248 du Coastal Command qui assure la protection des côtes et des convois.
C’est au cours des missions périlleuses contre les croiseurs allemands très protégés, des opérations de reconnaissance et offensive en Norvège, en Hollande, dans le golfe de Gascogne et à Malte, que Max Guedj s’illustre.
Les pilotes Français Libres l’aiment et l’admirent. Les leaders de son escadre lui témoignent leur reconnaissance pour sa lucidité : Il renonce à l’attaque d’un convoi dans le port d’Yeu, car il juge les pertes disproportionnées.
Quant à la RAF, elle apprécie son tempérament calme, pondéré, humble, sa détermination et son courage exceptionnel en opérations : Le 17 mai 1942, sous le feu des chasseurs allemands et de la DCA, la défense allemande antiaérienne, il attaque par trois fois l’escorte de torpilleurs du croiseur lourd Prinz-Eugen alors que ses camarades effectuent un passage.
Et l’État-major allié retiendra ses conceptions tactiques.
« Maurice » (son nom de guerre) est bouleversé par la mort de son père, en octobre 1942, consécutive à sa détention pour faits de résistance dans une prison d’Afrique du Nord, terre d’élection du régime de Vichy selon l’historien Jean-Louis Crémieux-Brilhac.
« Son attitude modeste et tranquille quand il est au sol et son ardeur exceptionnelle à voler et à combattre sont un magnifique exemple pour tous ceux qui l’entourent » résume la citation lui décernant, en 1943, la Distinguished Flying Cross avec Bar attribuée immédiatement.
Max Guedj participe au débarquement – jusqu’à trois patrouilles quotidiennes.
Et c’est en décembre 1944 qu’il est nommé wing-commander, lieutenant-colonel, du Squadron 143 sur Mosquito.
Le 15 janvier 1945, Max Guedj et son escadre volent vers la Norvège.
Dans le port de Lerwick, un groupe de chasseurs allemands attaque, par surprise, son wing.
A l’issue de cette mission, plusieurs avions dont celui de Max Guedj sont manquants …
25 navires détruits au cours de 127 missions de torpillage, les plus hautes distinctions britanniques – dont la Distinguished Service Order (DSO) avec attribution immédiate -, le grade de Commandeur de la Légion d’honneur, Compagnon de la Libération, la Croix de guerre avec sept palmes, Officier de la Résistance… Le palmarès de Max Guedj est particulièrement éloquent si l’on se souvient qu’il a combattu dans des unités qui « perdent 75% de leurs effectifs en un mois » (Pierre Clostermann, as du « Grand cirque » et Compagnon de la Libération).
Cet homme sensible, fils unique, avait des « qualités remarquables de leader » écrivait son ami et compagnon d’arme, Gérard Weil. « Sa gentillesse, sa douceur et sa modestie ont laissé dans les cœurs de tous ceux qui l’ont connu, une place d’ami irremplaçable… »
Une rue et une esplanade Max Guedj
Le barreau de l’Ordre des avocats de Casablanca publie en 1951 le livre de Marcel Marzac qui célèbre la mémoire de Max Guedj.
A Casablanca, une rue a été dénommée « rue Félix et Max Guedj ».
En ce 15 janvier 2001 au froid intense, Paris a rendu hommage à Max Guedj, que ses pairs considèrent comme « le plus grand pilote Français Libre », en inaugurant une esplanade éponyme. Celle-ci est située au carrefour des rues Balard, Gutenberg et de la Montagne d’Aulas (75015).
Étaient notamment présents la fiancée de Max Guedj, Maria, leur fille, Sarah Dars-Guedj, et son époux, Jacques Dars, tous deux orientalistes, ainsi que d’autres membres de sa famille, Jean Tibéri, alors maire de Paris, René Galy-Dejean, alors maire du XVe arr., le professeur Christian Cabrol, alors adjoint au maire de Paris chargé des associations patriotiques et d’anciens combattants, Jean Simon, chancelier de l’ordre de la Libération, le gal Yves-Marie Guéguen, président de l’amicale des FAFL, Pierre Clostermann qui avait rendu un émouvant hommage à Max Guedj dans son livre Feux du ciel, Henry Lafont, seul pilote Français Libre survivant de la Bataille d’Angleterre à laquelle il prit part, Claude Serf, pilote des FAFL, et Charles Corder, navigateur de Max Guedj.
Citons aussi Jean Lasserre, rédacteur en chef d’Icare qui lui avait rendu un bel hommage, l’Air Commodore David Adams, attaché défense et aviation de l’ambassade de Grande-Bretagne, le colonel Arild Heiestad, attaché de défense de l’ambassade de Norvège, et des représentants d’associations.
Jean Tibéri et le général Guéguen ont évoqué le parcours exceptionnel, trop bref, de ce « chef-né » dont ses amis relèvent la timidité et l’humour.
« Depuis 17 ans, l’équipe du R.R.A.A, sous l’impulsion de son Président Michel Bogaert, a entrepris la construction d’un De Havilland Mosquito. Sur Youtube, un film évoque le travail de finition de ces derniers mois. L’avion a été peint aux couleurs RAF, de celui de Max Guedj ».
Pour en savoir plus :
Icare, numéro 152, 1995/1, Les forces aériennes françaises libres, t.6 : 1941/1945 Max Guedj et les Français de Coastal Command. Tour ESSOR 93, 14-16, rue de Scandicci. 93508 PANTIN Cedex.
Marcel Marzac, Max Guedj, un héros de la guerre 39/45. Barreau des avocats de Casablanca. 1951
Pierre Clostermann, Feux du ciel. Paris, 1951, Flammarion. Réed. Ananké Lefrancq, coll. Attitudes, 2001. 273 pages. ISBN : 978-2874180415
Jean-Pierre Allali, Les émeraudes de l’Etoile, cinquante figures juives. Préface d’Elie Wiesel. Éditions Romillat, coll. Terre Hebraïca, 2001. 254 pages. EAN :
9782878940626
Halvor Sperbund, Black Monday, Fly Past Magazine, March 2001
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Source : article publié par Véronique Chemla