La reconnaissance presque immédiate de l’État sud-soudanais par le gouvernement israélien illustre une évidence voulant que, situé au milieu de cette zone de l’Afrique orientale dominée par des régimes musulmans intégristes, ce nouveau pays à majorité chrétienne possède tout le potentiel géopolitique et économique pour devenir un « allié naturel » d’Israël.
« Je proclame qu’Israël reconnaît la République du Sud-Soudan, devait déclarer le 10 juillet dernier le Premier ministre Binyamin Nétanyaou à l’ouverture du conseil des ministres hebdomadaire. Nous souhaitons plein succès à ce pays promoteur de paix et avec lequel nous sommes pleinement disposés à coopérer pour assurer son développement et sa prospérité ! »
Or il faut savoir qu’en fait, les liens entre Israël et le Sud-Soudan ne datent pas d’hier, si bien que le gouvernement Nétanyaou a de bonnes raisons de penser que les nouveaux dirigeants de Juba établiront à court terme des relations diplomatiques avec l’État hébreu.
Ainsi, dès les années 1960 et 1970, le mouvement rebelle Anyanya, puis celui de John Garang à dominante chrétienne reçurent une aide discrète en armes et en équipements de la part de l’armée israélienne.
Plus récemment, le lobby juif américain a ouvertement milité auprès de la Maison-Blanche pour la tenue effective du référendum sur la séparation légale entre le nord et le sud, intervenu voilà quelques mois dans le cadre de l’accord signé en 2005 à l’initiative du président G. Bush. Un scrutin historique lors duquel 98,8 % des Sud-Soudanais ont opté, après cinq décennies d’une terrible guerre civile qui a fait plusieurs millions de victimes, pour la création de leur propre État enfin séparé du nord.
Des drapeaux israéliens brandis à Juba le jour de l’Indépendance…
Fait hautement significatif illustrant cette vieille amitié entre Israéliens et Chrétiens soudanais : Dans les foules en liesse de Juba qui fêtaient le 9 juillet la proclamation du nouvel État – d’ailleurs reconnu par le Nord Soudan puisque son président Omar Al-Bachir y participait lui-même -, plusieurs drapeaux bleus et blancs frappés de l’Étoile de David ont été spontanément brandis en différents endroits ! Des drapeaux israéliens qu’on avait déjà vu apparaître dans plusieurs villages et localités lors de la tenue du référendum.
Et ce, alors qu’à Tel-Aviv une bonne partie des quelque 1.600 réfugiés soudanais vivant en Israël (sur un total de 8.700 ressortissants soudanais entrés clandestinement dans le pays par le Sinaï égyptien) se retrouvaient le lendemain 10 juillet pour fêter, eux aussi dans l’euphorie, la naissance du Sud-Soudan. D’ailleurs l’un d’entre eux, jusque-là simple employé de ménage dans un hôtel d’Eilat, vient d’être nommé… consul du Sud-Soudan à Tel-Aviv !
Notons au passage que cette reconnaissance du Sud-Soudan par Jérusalem intervient alors qu’Israël tente d’empêcher la reconnaissance d’un État palestinien par l’ONU en septembre prochain. La position israélienne consiste à maintenir qu’un État palestinien indépendant ne saurait être établi que suite à des négociations et pas unilatéralement : l’exemple du Sud Soudan est ainsi mis en avant par Jérusalem puisque son indépendance a fait suite à des négociations et à un accord conclu avec le Nord.
Une situation géopolitique déterminante dans la région
Outre le fait que le Sud-Soudan à dominante chrétienne ouvre une brèche dans la ceinture jusque-là presque hermétique des pays musulmans intégristes du nord-est et de de la Corne orientale de l’Afrique (voir l’interview du Dr Jacques Nériah), l’orientation plutôt libérale et pro-occidentale de son gouvernement pourrait servir de contrepoids, voire d’exemple à suivre pour nombre de pays africains voisins en pleine évolution et lassés de l’autoritarisme désuet de la domination islamique…
De plus, 75 % des réserves pétrolières soudanaises se trouvent justement au Sud-Soudan qui hérite ainsi d’une gigantesque réserve potentielle de 6,5 milliards de barils. Si bien que ce nouvel État apparaît déjà comme le 3e producteur de pétrole en Afrique après le Nigéria et l’Angola. D’ailleurs, afin de trouver un débouché sur la mer, le Sud-Soudan, jusque-là totalement enclavé, a passé tout récemment un accord avec le Kenya pour disposer d’un port sur l’Océan Indien. De plus, un pipeline sera raccordé au réseau kényan pour permettre les exportations de son importante production pétrolière : ce pétrole brut alimentera la grande raffinerie de Lamu près de Mombasa au Kenya. Un projet gigantesque pour les infrastructures duquel la Banque mondiale a d’ores et déjà accordé un budget de 75 millions de dollars !
D’importantes perspectives économiques
Alors que de nombreux experts venus d’Israël sont déjà présents au Sud-Soudan, notamment dans les domaines de l’agriculture en terre aride et de projets de construction de plusieurs grosses infrastructures (routes, hôpitaux et aéroports), plusieurs hommes d’affaires israéliens sont déjà entrés en contact avec leurs homologues sud-soudanais et les nouvelles autorités de Juba pour le lancement de programmes hôteliers – dont la construction d’un établissement de luxe dans la capitale – et aussi commerciaux, comme la mise en place d’une ligne aérienne Tel-Aviv/Juba-Nairobi qui serait exploitée par la compagnie El Al.
À tel point que certains businessmen israéliens insistent pour dire – peut-être un peu trop vite !? – que le potentiel de ce pays, qui possède aussi de gisements d’or, d’uranium et même d’aluminium, serait « énorme » …
Une ONG israélienne va envoyer une aide d’urgence au Sud-Soudan
Réagissant très vite à la nouvelle de l’indépendance du Sud-Soudan proclamée le 9 juillet dans la liesse à Juba, l’association non gouvernementale IsraAID (le Forum israélien pour l’Aide internationale humanitaire) a annoncé qu’elle se préparait à envoyer sous peu – avec l’étroite collaboration de la Fédération juive canadienne du Grand Toronto et de l’organisation chrétienne américaine Virginia Beach -, une aide de 1,5 million de dollars en assistance alimentaire et sanitaire pour les milliers de femmes, d’enfants et de vieillards réfugiés vivant dans les rues et les camps de fortune installés autour de la capitale du nouvel État.
Dans son communiqué, IsraAID rappelle que 90 % des 9,1 millions de Sud-Soudanais ne vivent qu’avec un seul de dollar de revenu par jour, que 10 % des habitants de ce pays sont atteints de grave malnutrition et que son taux de mortalité infantile est de 102 pour mille naissances (à la différence de 4/1.000 en Israël). De surcroît, précise IsraAID, près de 120.000 personnes ont été déplacées et encore 1 400 autres tuées lors des derniers mois où se poursuivait le conflit entre le Nord et le Sud ; et ce, alors qu’on compte déjà dans tout le Soudan, au nord et au sud, quelque 4,7 millions de « personnes déplacées » …
« En tant que petit pays ayant vu le jour assez récemment, a déclaré Sha’har Zahavi, le directeur et fondateur de IsraAID, Israël a accumulé une expérience valable dans différents domaines touchant à l’irrigation, l’agriculture en terre aride, l’éducation, les migrations et le traitement des traumas de guerre qui pourrait grandement servir au peuple sud-soudanais alors qu’il commence à construire son État. C’est notre mission et notre engagement en tant que Juifs qui nous dictent de venir ainsi en aide par tous les moyens à nos nouveaux amis du Sud-Soudan ! »
Source : Hamodia, l'éditorial de Richard Darmon