Le pape Benoît XVI vient de renouveler son soutien à Mahmoud Abbas, qu'il connaît bien. A y regarder de plus près, au fond, au Vatican et pour ce qui concerne Israël, dit "Terre Sainte", rien ne change.
Les relations entre le Saint-Siège et l’Etat d’Israël, pour mouvementées qu’elles aient pu être au cours du temps, se sont apaisées sous le pontificat de Jean-Paul II le 30 décembre 1993.
A cette date a été signé un Accord fondamental entre les deux parties se reconnaissant mutuellement comme Etats de droit et décidant de coopérer « pour combattre toutes les formes de racisme et d’intolérance religieuse, et pour promouvoir la compréhension entre les nations, la tolérance entre les communautés et le respect de la vie et de la dignité humaine ».
Cet engagement entre deux entités politiques (deux Etats) défendait les libertés religieuses, et promouvait des actions humanitaires basées sur la notion universelle d’humanisme. Ainsi que la défense des Juifs contre l’antisémitisme, thème cher au cœur de Jean-Paul II.
Le pontificat du pape Benoît XVI semble se colorer de plus de nuances directes entre ce qui relève de l’ordre politique et ce qui relève de l’ordre religieux. Fin théologien, intellectuel brillant, le leader de l’Eglise catholique apostolique romaine a contribué à ce que son Eglise abandonne strictement et définitivement l'accusation de peuple déicide à l'encontre des Juifs. Il s’est, pour ce faire, basé sur les Ecritures, dans le second tome de son « Jésus de Nazareth » paru en mars 2011 et salué par le Premier ministre Benjamin Netanyahou. (En 1965, le concile Vatican II avait adopté un document rejetant la thèse de la culpabilité collective du peuple juif dans la mort du Christ.)
En visite à Bethléem en 2009, il avait été perçu comme un « pape palestinien » par tous les observateurs. Mais Jean-Paul II aussi y avait exprimé son soutien à une « patrie » pour le « peuple palestinien » neuf ans auparavant. Et il avait coutume de recevoir Yasser Arafat en invité de marque.
Le discours de Benoît XVI sur la nécessité de voir évoluer côte-à-côte deux Etats est donc à peu près inchangé depuis : Benoît XVI, et l’Eglise sous son égide comme sous la précédente, a des intérêts politiques dans la région, et elle le fait savoir. Notamment à Mahmoud Abbas, que le Saint-Père vient de conforter dans ses velléités de déclarer un Etat palestinien, en évoquant cet Etat voisin et l’Etat d’Israël vivant respectivement dans la paix et la sécurité « de leurs frontières internationalement reconnues ».
Le président de l’Autorité palestinienne se trouvait en effet à Rome pour les célébrations nationales de la naissance de la République italienne où étaient invités de nombreux chefs d’Etat en ce début juin 2011. A cette occasion, il s’est entretenu en privé avec la plus haute autorité morale de l’Eglise catholique dont il souhaitait sans doute s’assurer du soutien tout acquis. Les deux hommes entretiennent depuis un lustre des relations cordiales.
Le communiqué faisant suite à cette entrevue indique qu’« un accent particulier [a été mis] sur la nécessité urgente de trouver une solution juste et durable au conflit israélo-palestinien, capable d'assurer le respect des droits de tous, et donc la réalisation des aspirations légitimes du peuple palestinien à un Etat indépendant ». Soit rien de nouveau dans l’esprit du pape et de l’Eglise, qui s’est à maintes reprises exprimée sur ces notions.
Ce même communiqué mentionne l’inquiétude du pape sur « la situation des communautés chrétiennes dans les Territoires palestiniens et au Moyen-Orient en général ». Il faut donc ici souligner tout l’intérêt que présentent une telle focale particulière, et de telles généralités.
Il convient ici de rappeler que, en janvier 2011, Monseigneur Twal, le patriarche latin de Jérusalem, avait affirmé que les chrétiens sont otages de deux tendances majeures : l’Islam radical – qui les menace physiquement -, et la droite israélienne – qui judaïserait Jérusalem.
Doit-on comprendre que le salut des communautés chrétiennes au Moyen-Orient passerait, pour les autorités chrétiennes, par la création d’un Etat palestinien, au sens où les chrétiens seraient les victimes collatérales de l’existence de l’Etat juif avec Jérusalem pour capitale ?
La « résolution du conflit israélo-palestinien » serait en effet l’une des préoccupations majeures du Saint-Père.
Pourtant, c’est bien en Israël que les Chrétiens sont libres de pratiquer leur foi au grand jour, et bien dans l’ensemble des pays musulmans qu’ils sont régulièrement victimes de persécutions, de l’Irak et l’Egypte au Pakistan en termes de pogroms, et de l’Algérie au Maroc en terme d’interdiction de libre conscience.
La Chine n’est pas en reste en matière de persécutions religieuses, et au problème des chrétiens extrême orientaux, le Saint-Siège n’oppose pas la résolution du problème tibétain.