Qu’est-il passé par la tête du réalisateur Lars von Trier (photo) ce mercredi 18 mai à Cannes ? Le danois est certes un adepte de la provocation (ceux qui ont vu son film Antichrist peuvent témoigner), mais rien ne le prédestinait à basculer dans l’antisémitisme.
Lors de la conférence de presse qu’il donnait pour son film Melancholia, en compétition au 64ième Festival de Cannes, Las von Trier a créé la polémique en évoquant Hitler : « Je comprends l’homme. Ce n’est pas vraiment un brave type, mais je compatis un peu avec lui » lance-t-il en réponse à une journaliste qui l’interrogeait sur ses origines allemandes.
Peut-être était-ce de l’humour de sa part, mais à en croire les sourires gênés des journalistes, il n’est pas sûr que tout le monde ait bien saisi qu’il fallait rire à ce moment-là. Qu’importe, le réalisateur continue de plus belle, se lançant dans un monologue maladroit : « Je ne suis pas pour la Seconde Guerre Mondiale, je ne suis pas contre les juifs bien sûr mais pas trop parce qu’Israël fait vraiment chier. » Conscient de s’être aventuré sur un terrain marécageux, il s’interroge : « Comment vais-je pouvoir me sortir de là ? », avant de conclure mal à l’aise : « Ok, I’m a nazi ».
A sa droite, Charlotte Gainsbourg reste muette, pourtant de confession juive. Peut-être l’habitude de la provocation.
A sa gauche, Kirsten Dunst n‘a réussi à murmurer qu’un « Oh my god ».
Dans un communiqué transmis à la suite de la conférence de presse, Lars von Trier s’est « excusé » pour ses propos de « sympathie » envers Hitler, précisant qu’il n’était « ni antisémite, ni raciste, ni nazi ». « Le cinéaste précise qu’il s’est laissé entraîner à une provocation », ont précisé les organisateurs du festival.
Mais les propos du réalisateur font suite à une récente interview pour une revue danoise, où il parlait notamment de son « goût pour l’esthétique nazie ».« Ce que je veux dire à ce propos, c’est que j’aime vraiment beaucoup Albert Speer [architecte et ministre d’Hitler jugé à Nuremberg pour crime de guerre et crime contre l‘humanité, ndlr]. Même s’il ne fut peut-être pas l’une des meilleures créatures de Dieu, il avait ce talent qu’il a pu exercer pendant le régime nazi. »
Quelques heures plus tard, le tapis rouge accueille Lars von Trier tout à fait normalement. Il monte les marches avec l’équipe de son film comme s‘il ne s‘était rien passé, sous les flashs des photographes et sans même un sifflet.
Après un débat animé, Gilles Jacob et Thierry Frémaux (respectivement président et délégué général du Festival de Cannes), ont déclaré « persona non grata » le réalisateur danois Lars von Trier, sans retirer son film de la compétition. Le conseil d’administration du Festival tiendrait à « séparer l’œuvre collective des propos inadmissibles tenus par Lars von Trier ».
Le CRIF et la Licra, qui étaient intervenus peu après la conférence de presse, se sont déclarés satisfaits de la décision.
Mais pendant que Lars von Trier reçoit le soutien du ministre danois de la culture, certains acheteurs internationaux du film envisageraient déjà de rompre leur contrat avec le réalisateur. Si le cinéma lui tourne le dos, il pourra rejoindre John Galliano, qui n’est déjà plus qu’un souvenir pour le monde de la mode…
Source : Israël Valley, par Karen Rosh