La situation des coptes en Égypte demeure préoccupante. Les affrontements entre chrétiens et musulmans dans le quartier de Moqattam (est) ont fait dix morts et 110 blessés mardi soir, a déclaré mercredi le ministère de la Santé. La plupart des victimes étaient de confession chrétienne.
L’insurrection contre le régime du président Hosni Mubarak a relégué au second plan la situation périlleuse des chrétiens égyptiens. Cependant, depuis l’attentat d’Alexandrie, la minorité copte est plongée dans le désespoir et la peur.
Comme c’est la coutume en Égypte, plus de 1 000 chrétiens coptes s’étaient rassemblés dans l’Église des Saints à Alexandrie pour célébrer une messe de minuit à l’occasion du Nouvel-An 2011. Peu après minuit, les premiers chrétiens avaient quitté l’église. Selon nos dernières informations, un terroriste suicidaire les attendait à l’extérieur. Son sac à dos était rempli de 20 – 25 kg d’explosif, d’écrous et de clous. L’explosion a tué 22 personnes et en a blessé 95, certaines grièvement.
Les politiciens et les personnalités religieuses d’Égypte se sont tous montrés horrifiés par l’attentat. Dans le journal de l’État Al-Ahram, le président Hosni Mubarak a qualifié l’attentat de « lâche » et de « honteux ». Les partis de l’opposition ont également condamné l’attentat, y compris les « Frères musulmans ». Le 2 janvier, les autorités musulmanes les plus éminentes ont rendu une visite de condoléances à Chenouda III, le pape et patriarche copte. Ils étaient conduits par Ali Gomaa, grand mufti et président de l’université Al-Azhar.
À Mansoura, au Caire et à Alexandrie, les journées qui ont suivi l’attentat suicide étaient marquées par des manifestations de solidarité qui réunissaient des musulmans et des chrétiens. Dans ces rassemblements, on entendait plusieurs slogans : « Ou nous vivons, ou nous mourons ensemble ! », « Vivent les mosquées et les églises d’Égypte ! », « Vivent l’Égypte, Mahomet et Jésus ! ». Le journal indépendant, Al-Masri Al Youm, a communiqué que 8 000 musulmans s’étaient inscrits sur facebook, pour aller assister volontairement à la fête de Noël copte du 7 janvier. Ils voulaient ainsi servir de bouclier vivant dans les églises.
De telles manifestations de solidarité ne changeront guère le quotidien des chrétiens d’Égypte. Des mouvements radicaux poursuivent l’islamisation du pays depuis les années 70, avec un succès manifeste, puisqu’une forte proportion de la société égyptienne est à présent musulmane. On peut donc voir deux causes principales dans la discrimination de la population chrétienne : elle est d’une part justifiée moralement par la religion et d’autre part par le soutien étatique à l’islam.
Les chrétiens restent menacés
Plusieurs voix officielles nient cet état de fait et minimisent la réalité d’un motif religieux au massacre. Mais à Alexandrie justement, plusieurs prédications musulmanes avaient été entendues pour inciter au soulèvement contre les chrétiens. À cela s’ajoute qu’il existait des menaces concrètes du réseau terroriste Al-Qaida contre les coptes égyptiens.
À cet égard, le journal indépendant Al-Dostour a publié le 2 janvier des extraits d’un forum internet islamiste. Deux semaines avant l’attentat, ce dernier contenait déjà des encouragements explicites à attaquer des églises à la veille du Nouvel-An. On y trouvait même une liste des églises visées sur laquelle figurait l’Église des Saints à Alexandrie. Malgré cette menace précise, le gouvernement n’a pas renforcé ses consignes de sécurité devant l’église et n’a placé aucune caméra de surveillance. Beaucoup de chrétiens n’attendent donc pas grand-chose des manifestations de solidarité. Désabusé, un copte relève : « Mais regardez ce qu’on fait des coupables qui attaquent des coptes : soit ils sont impossibles à identifier, soit ils sont “psychiquement instables” ».
Dans cet ordre d’idées, on peut rappeler le meurtre de Fathi Ebeid Ghattas. Ce chrétien de 71 ans avait été abattu par un policier musulman dans le train d’Assiut au Caire le 9 janvier lors d’une agression qui avait aussi blessé quatre autres chrétiens. Aucun motif religieux n’avait été retenu par le gouverneur et le verdict avait simplement constaté l’« instabilité psychique » de l’assassin.
Un meilleur avenir ?
La situation des chrétiens coptes ne semble pas s’améliorer. La société connaît une islamisation importante et le prochain gouvernement ne semble pas devoir inverser la tendance. On craint que l’influence des « Frères musulmans » radicaux ne croisse encore. Dans ce cas, les chrétiens égyptiens seraient d’autant plus menacés.