Hosni Moubarak a cédé non pas à la rue, mais à l’injonction de ses pairs … Et après ?
Ce fut une surprise que la démission d’Hosni Moubarak, annoncée par son vice-président Omar Suleiman, moins de 24 heures après son intervention télévisée. La brièveté du message, sa lecture par un tiers, la transmission du pouvoir au Conseil supérieur des forces armées égyptiennes montrent bien que le Raïs a été contraint à ce geste par ses pairs.
Ces derniers ont rapidement tiré la leçon de l’incroyable pugnacité de cette masse d’égyptiens, décidés à ce que la page soit tournée pour de bon. Ils ont donc choisi de suivre la vox populi afin de préserver l’essence même du régime, mis en place en 1952.
Les caciques de l’armée, dont on dit qu’ils se partagent près de 30% de l’économie du pays, vont donc garantir ce passage à… à quoi ? C’est la grande inconnue ! Le scénario esquissé par nombre de spécialistes est le suivant : formation d’un nouveau gouvernement, constitué de personnalités de la société civile, choisies en fonction de leurs compétences ; dissolution du parlement ; réforme constitutionnelle ; annulation de la loi d’exception ; préparation enfin d’élections législatives et présidentielles dans les meilleurs délais. Un sacré chantier, mais qui peut-être mener à bien dans la mesure où l’Egypte dispose d’hommes aux compétences nécessaires pour assurer cette transition. C’est ce qui sortira des urnes qui, en dernier ressort, confirmera ou non l’immense espoir né de ces 18 journées qui ont modifié le cours des choses en Egypte.
Mais pas qu’en Egypte. Que la Tunisie chasse son tyran est une chose. Qu’est donc la Tunisie sur l’échiquier mondial ? Que le fait se reproduise, un mois plus tard, chez le poids-lourd et du monde arabe et du continent africain est une toute autre paire de manches. L’onde de choc risque d’ébranler ces régimes autoritaires, agréés par l’occident en particulier, au motif de faire barrage à l’islamisme radical.
Pour Israël, qui s’est montré d’une remarquable discrétion, le temps est à ces révisions que l’on dit déchirantes. Depuis les paix conclues avec l’Egypte et la Jordanie, les dirigeants israéliens, de gauche comme de droite, se sont focalisés sur deux menaces essentielles : le terrorisme islamiste rapproché – le Hezbollah au nord, le Hamas sur son flanc sud-ouest – et, à distance, un Iran nucléarisé. Il va donc falloir repenser une stratégie globale, incluant un retour au statu quo ante au sud et à l’est.
Encore que rien ne soit joué. Il est vrai que la société civile, en Egypte et en Jordanie, s’est montrée hostile à la paix avec Israël, s’est refusée à toute normalisation. Mais, il est tout aussi vrai qu’Anouar el Sadate, Hosni Moubarak et le roi Hussein n’étaient en rien devenus des sionistes convaincus. Ils avaient, les uns et les autres, témoignés de réalisme politique, en tirant les leçons des guerres de 1967 et 1973 : Israël était là et bien là. Une donnée incontournable, avec la quelle il valait mieux composer que s’épuiser à l’éliminer.
L’Egypte s’apprête à une mue extraordinaire, fille du Net et de Facebook. Ses futurs dirigeants seront confrontés au même dilemme que ceux de l’ancien régime, en ce qui touche Israël. Et rien ne dit qu’ils ne sauront, le moment venu, témoigner d’un semblable réalisme politique.
ISRAËLVALLEY, Mati Ben-Avraham, publié le 12 février 2011
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Mots-clef : Egypte, armée, menace islamiste, Israël