Les signes hostiles, à l’égard de la communauté juive de France, sont malheureusement d’une régularité affligeante.
Il s’ensuit, comme toujours, des prises de position, précipitées et au mieux, maladroites , qui ne contribuent pas à ramener calme et confiance.
L’excentrique, et dit-on talentueux, couturier John Galliano est poursuivi pour injures antisémites. Pris de boisson, il aurait copieusement insulté un couple, à la terrasse d’un café. Son employeur Dior vient de lui demander de cesser toutes activités. Si ces accusations se vérifiaient, le couturier pourrait être accusé, en outre, d’une ingratitude totale, puisque son P.D.G. s’appelle Sydney Toledano….
Quelques jours plus tôt, une brave femme, se faisait insulter,alors qu’elle mettait le nez à la fenêtre, dans la ville de Sarcelles où l’on sait que la coexistence pacifique, entre les différentes communautés, n’est pas toujours au beau fixe. Son tort, aux yeux de voyous cagoulés, être juive.
Le climat n’est pas meilleur, aux abords du lycée Daniel Mayer, de l’O.R.T de Montreuil où des altercations opposent des éléments extérieurs à l’établissement à de jeunes élèves juifs qui n’ont pas envie de se laisser insulter. Des mesures de sécurité supplémentaires ont été prises par les autorités.
Misérabilisme urbain
Mais l’évènement, le plus spectaculaire, a, sans doute, été provoqué au Théâtre du Rond-Point à Paris. Mise en cause, une pièce Harper Regan. Son auteur, le dramaturge anglais Simon Stephens a écrit une création dure, fouillée, d’un grand réalisme, pour dénoncer ce que l’on pourrait appeler » le misérabilisme urbain » et les désordres qui s’ensuivent. Cette pièce a, d’ailleurs, reçu le prix de la meilleure pièce anglaise, en 2008. Seulement, l’un des acteurs que l’on présente comme ivre-mort perd tout contrôle et assène quelques « vérités » antisémites. En effet, elles seraient inacceptables, si elles n’avaient pas pour objectif de montrer ce qu’un esprit dérangé peut sortir comme âneries. Les propos sont d’une violence extrême » moi, je déteste les juifs… parce qu’avec leur pognon, à se cogner la tête contre les murs des lamentations. Si j’étais là- bas, je leur arracherai leur kippa..0ù j’habite ,on peut pas bouger, tellement, y en a, avec leurs fringues bizarres à la con, leurs franges, leur barbe, leurs yeux débiles de fouines » et autres poncifs antisémites, bien connus et hélas, entendus au pied de certaines tours et dans les cercles de négationnistes « ils se lavent jamais… »
Europe-Israël
Bien sûr, il s’agit de théâtre. Mais on peut, néanmoins, se demander les raisons pour lesquelles l’auteur a, précisément, choisi les attaques immondes contre les juifs pour justifier le désordre physique et intellectuel de l’un de ses personnages. Tenait-il à coller à une triste réalité pour la dénoncer ? En tout cas, c’est raté. Des spectateurs choqués, pour ne pas dire horrifiés, par un texte agressif, n’ont pas du tout apprécié. Leur colère est remontée jusqu’à Europe-Israël qui a déjà épinglé à son tableau de chasse le sinistre Stephane Essel , en parvenant à annuler sa conférence-débat, qui devait se tenir à l’Ecole Normale Supérieure de Paris.
Europe-Israël fait remonter l’incident jusqu’au BNVCA (bureau national de vigilance contre l’antisémitisme). La machine de protestation se met en route et des tracts son t distribués devant le théâtre du Rond-Point et la pièce Harper Regan s’est terminée, le 19 Février dernier,dans une atmosphère, très pesante.
Il faut ,quand même, remarquer que cette pièce n’a pas été jouée n’importe où, dans un théâtre qui se flatte d’une production très étoffée, mêlant le bon et le mauvais comme le médiocre polémiste Christophe Alevêque, mais en plein coeur de Paris.. On n ‘auraiet pas été surpris si elle avait été présentée dans le théâtre de Dieudonné…
Humour juif
Le directeur du théâtre du Rond-Point, Jean-Michel Ribes est accablé. Il dit ne pas comprendre, au micro de Judaïques F.M. « dans ce théâtre, que je dirige depuis sept ans, on peut tout dire, sauf que je ne ne me suis pas battu contre l’antisémitisme. Cette pièce dénonce la folie, des gens qui crachent leur haine. C’est tout le contraire que ce que l’on me reproche. Les violentes réactions, provoquées par le spectacle, vont à contre-courant du but recherché. Elles sont contre-productives pour les défenseurs de l’antisémitisme. « Puis, amer, « , Jean-Michel Ribes ajoute » c’est le peuple juif qui a inventé cet humour très particulier. Cette histoire montre le contraire… »
Sa bonne foi semble sincère. Il s’est expliqué à l’antenne d’une radio communautaire qui, précisément, a comme collaborateur Sammy Gozlan, l’animateur du BNVCA qui a déposé plainte, auprès du Procureur de Paris. Mais ces péripéties montrent, une nouvelle fois, la complexité du débat entre liberté d’expression, en particulier au théâtre et les protestations qui rappelent qu’on n’en a pas fini, en France, à débusquer ce qui fait mal au plus profond de nous…
Marc Guedj