Le journaliste israélo-palestinien Khaled Abu Toameh explique, dans un article publié par le Hudson NYet traduit par David Ouellette,comment les dictateurs ont favorisé l'islam radical et traqué les voix démocratiques, réformatrices et laïques ainsi que les défenseurs des droits humains.
L'Occident a le devoir de soutenir et de renforcer ces voix afin que les peuples de la région aient une véritable alternative aux islamistes. Si l'islam radical recule dans ces pays, il sera affaibli en Occident.
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Pendant des décennies, le président égyptien Hosni Moubarak et d’autres dictateurs arabes avaient coutume de dire aux Américains et aux Européens que s’ils ne les soutenaient pas, le résultat serait l’arrivée au pouvoir des extrémistes musulmans.
C’est pourquoi ces dictateurs n’ont jamais pris de mesures drastiques contre les groupes fondamentalistes musulmans dans leur pays. Même si l’Égypte et certains pays arabes ont à l’occasion réprimé ces groupes, ils ont toujours veillé à ce que les islamistes subsistent.
En Égypte, par exemple, l’organisation des Frères musulmans a été interdite pendant de nombreuses années. Toutefois, cela n’a pas empêché l’organisation et ses partisans de fonctionner sous des étiquettes différentes. En Jordanie, de même, les autorités ont joué au chat et à la souris avec des groupes islamistes et leurs partisans. Un jour, les Frères musulmans du Royaume étaient de bon gars, l’autre ils étaient les méchants.
Ce modèle a donné aux Frères musulmans l’opportunité de croître et de gagner plus de partisans, à mesure que la population locale devenait de plus en plus dégoûtée de ses dictateurs et des gouvernements occidentaux qui les ont soutenus.
Au lieu de concentrer leur attention sur les islamistes, les dictateurs arabes ont choisi de traquer les réformateurs laïques, libéraux et démocrates, les éditeurs de journaux et les militants des droits de la personne; en supprimant l’émergence de ces individus, les dictatures arabes ont pavé la voie à la montée des extrémistes. C’est la raison pour laquelle les groupes islamistes dans les pays arabes sont beaucoup plus organisés que la jeunesse Facebook pro-démocratie qui a lancé les soulèvements populaires en Tunisie et en Égypte.
Contrairement aux groupes islamistes, les manifestants anti-gouvernementaux en Égypte et en Jordanie n’ont toujours pas de dirigeants. Mohammed El-Baradei, qui a permis à l’Iran de développer son programme nucléaire en le présentant sous un faux jour à l’Ouest, n’a pas réussi à s’imposer comme leader charismatique de l’opposition en Egypte. En Tunisie, les jeunes qui ont fait tomber le régime du président Zine elpidite Ben Ali n’ont toujours pas de chef de file. En l’absence de leadership laïque, il est fort probable que les groupes islamistes bien organisés arrivent au pouvoir, plus tôt que tard.
Les dictateurs arabes sont les seuls à blâmer pour la montée de l’islamisme radical. Pendant de nombreuses années, ces dictateurs ont incité leurs électeurs contre Israël et l’Occident afin de détourner leur attention des problèmes domestiques.
Ironiquement, comme les dictateurs écrasent toute opposition démocratique réelle – afin de continuer à prétendre devant l’Occident que l’islam radical est la menace – leur rhétorique constante d’incitation dans les médias et les mosquées ont effectivement poussé de nombreux Arabes dans les bras du Hamas, du Hezbollah, d’Al-Qaïda et des Frères musulmans, perçus comme la seule alternative à ces régimes.
La prochaine fois qu’un dictateur arabe racontera aux Américains et aux Européens que l’Islam radical est la seule alternative à son régime laïc corrompu, ces derniers devraient vérifier quelles mesures il a prises pour contenir les extrémistes.
En outre, les Américains et les Européens doivent demander pourquoi les dictatures arabes continuent à poursuivre les personnes qui veulent la démocratie et non pas les islamistes radicaux.
Source : Arab Dictators and Radical Islam, par Khaled Abu Toameh, Hudson NY, 11 février 2011. Traduction par David Ouellette