66 % des "modernistes" redoutent une islamisation de la société. À tort, ou à raison.
Un « modèle de développement » et une « synthèse réussie de l’islam et de la démocratie » : c’est ainsi que la Turquie apparaît aux yeux de 66 % des 2 300 personnes que la Fondation turque d’études économiques et sociales (Tesev) a interrogées en Arabie saoudite, en Iran, en Irak, en Égypte, en Jordanie, en Syrie, au Liban et dans les territoires palestiniens.
Mais qu’en pensent les Turcs ? Alors que l’opposition accuse le gouvernement AKP d’attenter à la laïcité, une équipe de MetroPOLL, un centre d’études basé à Ankara, a voulu savoir si ce discours catastrophiste correspond au sentiment de la population. Pas tant que cela, selon le sondage, qui révèle cependant des inquiétudes réelles.
Pour 31,6 % des personnes interrogées (contre 53 %), la laïcité est en danger. « Nous n’avons subi aucune pression pour nous contraindre à changer de mode de vie », reconnaissent pourtant 84,8 % de ces « modernistes » (en gros, les kémalistes). Seuls 13,5 % d’entre eux disent avoir été victimes d’intimidations liées à leur consommation d’alcool, à leur tenue vestimentaire, à leurs opinions politiques ou à leur appartenance religieuse.
76,9 % de ces mêmes « modernistes » disent avoir « peur » que la charia ne s’impose « un jour » ; près de 70 % jugent que la société s’islamise et 66,4 % s’en inquiètent. Le port du foulard dans la fonction publique suscite la même défiance : 57,3 % s’y opposent pour les parlementaires, 70,7 % pour les juges, les policières, les professeurs et les médecins.
Alors que l’AKP devrait remporter les législatives de juin, plus de 60 % des modernistes pensent que ses initiatives sont « dangereuses pour la démocratie ». Pas dupes de la bataille qui l’oppose à l’armée (dont plusieurs complots ont été éventés), 71,2 % pensent que ce parti contrôle la justice et 63,4 % qu’il se sert du procès Ergenekon pour éliminer ses opposants.
Source : Jeune Afrique