Un outil internet faisant ressortir les mots les plus recherchés a spontanément révélé une profonde tendance chez les internautes français: ils montrent une curiosité particulière à savoir si leurs dirigeants politiques sont Juifs ou non.
Les analystes affirment que ce phénomène trahit une obsession dans un pays qui a une histoire toute particulière avec l'antisémitisme.
L'outil, connu sous le nom de "Autocomplete" sur le moteur de recherche le plus populaire, Google, a été conçu pour épargner aux internautes le temps de chercher l'expression entière. Par exemple pour une recherche portant sur la location de voiture, l'utilisateur ne peut taper que le mot "voiture".
Essayons maintenant avec le nom d'un homme politique, Dominique Strauss-Kahn par exemple – le président du Fons monétaire international et autour duquel les spéculations vont bon train en ce qui concerne son éventuelle candidature à la présidence française. Alors que l'on tape son nom sur le moteur de recherche, une liste s'affiche présentant les autres mots les plus communément associés.
Après "FMI" et "2012" – pour ceux qui s'intéressent à la finance ou à l'élection présidentielle française -, le quatrième terme le plus communément recherché serait "Dominique Strauss-Kahn Juif".
Le terme "Juif" apparaît également dans les recherches liées à François Fillon – Premier ministre – et même au Président lui-même, Nicolas Sarkozy.
Selon une étude menée par le quotidien français, Le Monde, c'est en France que les noms des politiciens sont le plus souvent liés au terme Juif que dans tout autre pays. Google n'est d'ailleurs pas le seul moteur à révéler cette tendance, le même phénomène se produisant sur Yahoo! .
"La technologie autocomplete de Google pourrait, en théorie, révéler la mentalité des pays dont les suggestions sont originaires", a expliqué Olivier Ertzscheid, un spécialiste d'internet à l'Université de Nantes.
"Ce n'est pas un hasard si le mot 'Juif' est plus souvent liés à des requêtes en France qu'ailleurs. Cela a quelque chose à voir avec l'histoire du pays.
L'histoire douloureuse des Juifs de France remonte bien avant l'occupation nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. En effet "l'affaire Dreyfus", qui a secoué la société française à la fin du 19ème siècle est devenu un synonyme d'antisémitisme.
Mais la question juive revient avec force dans l'Hexagone. Les alliés de M. Strauss-Kahn, qui est Juif, voient un antisémitisme implicite dans les récentes revendications d'un politicien français affirmant que le directeur général du FMI "n'incarne pas la France rurale".
La fonction "autocomplete" sur le logiciel de Google en anglais ne montre de son côté aucune recherche particulière liée aux Juifs dans les requêtes sur les leaders européens ou même nord-américain.
De son côté le géant de l'internet a affirmé qu'il supprimait la fonction de saisie semi-automatique lorsqu'elle est jugée offensive.
"Les requêtes que vous voyez dans le cadre de la saisie semi-automatique sont un reflet de l'activité des activités des internautes", a expliqué la porte-parole de Google France, Anne-Gabrielle Dauba-Pantanacce.
"Bien que nous nous efforcions toujours, de manière objective et neutre, de refléter la diversité des contenus du web – certains bons, d'autres répréhensibles – nous appliquons également un ensemble de restrictions pour ce qui s'agit de la pornographie, la violence et les discours haineux", a-t-elle ajouté.
Jean-Yves Camus, un analyste politique juif spécialiste de l'antisémitisme, a estimé que les résulats apparaissant avec la fonction autocomplete de Google est un "phénomène naturel de curiosité" dans un pays qui compte, de loin, la plus importante communauté juive d'Europe.
"Il est tout à fait normal que le phénomène soit le plus répandu en France car il y a plus de Juifs et donc parce qu'il y a plus de personnalités politiques juives", a-t-il expliqué.
