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Démocratie halal ? – par Claude Humbert


Démocratie halal ? – par Claude Humbert

 

L'éviction des despotes ne peut qu'enchanter des hommes libres. C'est nous montrer dignes des libertés conquises par nos aïeux que de saluer leur avènement chez de moins chanceux que nous. De partager l'émotion historique considérable de cette première brèche dans l'univers emmuré arabo-musulman. Et de comprendre, comme notre propre histoire l'enseigne, que la révolte peut conduire ou non à la révolution. Et la révolution mener ou non à la démocratie.

En Tunisie, en Egypte, la révolte brise un mur et, dans son éboulis, découvre l'étroite lumière de la liberté. Ce fut d'abord une révolte morale contre la misère pour des millions de pauvres hères encaqués dans l'échec arabe. Une révolte contre la souffrance de jeunesses sans travail et qui voient s'envoler, avec la crise, les prix de leur maigre ordinaire de blé et de riz. Cette révolte, en explosant, déboulonne en Tunisie, ébranle en Egypte des despotes incrustés au pouvoir depuis des décennies.

Voici qu'en hurlant leur colère les foules découvrent l'usage de libertés interdites. Voici que leurs cris courent les ondes, enflamment le Net et ses réseaux. Et que l'alchimie de la révolte marie la soif du mieux-être à celle des libertés. Avec le fol espoir que les libertés empliront aussi les marmites…

Alors, révolte ou révolution ? Eh bien, révolution ! Et même si le changement de régime est incertain à Tunis, improbable au Caire ! Révolution, car la foule a vaincu sa peur. Car, dans l'exaltation médiatisée de ses conquêtes, la foule est devenue " le " peuple. Car la révolte, dans son éruption, aura démenti le " théorème " qui veut qu'en pays musulman il n'y ait d'alternative aux vieux potentats que dans un pouvoir islamisé. Car, ce coup-ci, la voix des mosquées n'a pas inspiré, orienté, manigancé la révolte populaire.

Est-ce la fin de l'épouvantail islamiste ? Pas encore ! Ben Ali et Moubarak ont combattu, emprisonné, exilé les militants de l'intégrisme. La Tunisie et l'Egypte sont de ces despotismes que l'Occident préfère à l'hypothétique régression de masses islamisées. On rappelle avec raison comment nos naïfs droits-de-l'hommistes ont, chez nous, célébré l'éviction du chah sans voir que, sous leurs yeux, Khomeyni et ses barbus ne faisaient qu'une bouchée des gentils démocrates de la première heure…

En Tunisie occidentalisée, éduquée, laïcisée, avec les femmes les plus libérées du monde arabe, nation sans autres ressources qu'un peuple doué et industrieux, le réveil de l'islam, de son culte, de ses voiles et de ses prêches ne charrie, pour le moment, aucune revendication intégriste. La Tunisie peut ainsi espérer une transition prédémocratique. Peut-être comme l'Espagne, immunisée par les horreurs de sa guerre civile, sut la ménager, jadis, à la mort du Caudillo. Par chance, l'islam tunisien pourra, dans les forces nouvelles, compter avec un camp laïque vigoureux. Alors, croisons les doigts !

Hélas, on ne peut considérer du même oeil le sort d'une Egypte misérable avec le ballant décisif de ses 80 millions d'habitants. L'assistance américaine, les revenus du canal de Suez et un tourisme vulnérable hissent, à grand peine, la tête du pays hors de l'eau. En Egypte, un collectif militaire tient toutes les rênes depuis quarante ans. L'armée est partout. Grand propriétaire foncier, principal agent économique, le pouvoir militaire assume, certes, sa paix avec Israël, mais entretient un nationalisme volontiers antisioniste. Il réprime peu les avanies que le fanatisme ordinaire réserve aux 7 millions de coptes.

Pour l'heure, la seule grande opposition constituée, c'est celle des Frères musulmans, tenue en lisière, éliminée par le truquage électoral. Même si leur discours public s'écarte du prône intégriste, nul ne peut prédire leur sort dans une transition acrobatique. Ils n'ont pas hésité, dans l'émeute, à réveiller le populisme xénophobe. Bref, l'incertitude existe. Elle n'est pas obscène.

Seuls nos cabris droits-de-l'hommistes connaissent déjà l'avenir… Ils fustigent la réserve des pouvoirs occidentaux. Il faudrait, disent-ils, se prosterner d'avance devant l'avenir radieux de la déesse Révolution. Notre prudence ferait de nous des couards, des relaps…

Fadaises ! Rien n'interdit, bien sûr, d'espérer la naissance, un jour, d'une démocratie halal. D'une démocratie licite qu'un islam à la turque accepterait de voir pousser sur des terres jusqu'ici stériles. Le monde arabe compte 100 millions de jeunes, de 15 à 29 ans, travaillés par le chômage, Internet et l'image enviée du décollage asiatique. Leur révolution culturelle, la réforme qu'elle imposera à l'islam demeurent la meilleure chance d'une vraie révolution politique. C'est eux qu'il faut aider. Et sans passer, d'emblée, les bornes qui séparent l'espérance de l'illusion.

Claude Imbert

LePoint.fr

10 février 2011







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