Comment les musulmans vivant en Occident peuvent-ils mépriser et haïr les incroyants (les kouffars), comme l’enseigne l’islam, et entretenir avec eux des rapports au quotidien ? Bonne question de conscience !
L’islam a subi de plein fouet le choc de la modernité, il n’y était pas préparé. S’étant aventuré pour un temps hors de sa zone de confort, il s’est empressé d’y retourner de peur de disparaître.
Quelque part au moyen-âge, l’islam s’est délibérément pétrifié croyant ainsi assurer sa pérennité, tandis qu’au même moment la chrétienté s’engageait résolument vers la renaissance et les lumières.
Le christianisme, malgré la corruption des clercs et l’abus de pouvoir de l’Église, a conservé en lui les germes du progrès. Au moment décisif, les partisans de l’autorité absolue au sein de l’Église ont dû se battre sur deux fronts : ils ont été pris en tenaille entre le courant de liberté qui submergeait le peuple et le vent de liberté qui souffle des évangiles.
L’originalité de l’islam
Dès le dixième siècle, l’islam s’est doté d’une pilule empoisonnée destinée à faire échec à toute tentative de changement. Elle s’est avérée nécessaire, sans elle l’islam ne pouvait prétendre à l’originalité dans la mesure où tout ce qu’il contient provient essentiellement du judaïsme et à un moindre degré du christianisme. Cette pilule empoisonnée c’est la prétention que le coran est la parole incréée d’Allah, qui rend caduques la Torah et l’Évangile et qui est applicable à l’humanité entière jusqu’à la fin des temps. Mais la pilule contient un second ingrédient non moins toxique que le premier, et c’est l’exemplarité de Mahomet dont les paroles et les actes les plus condamnables sont non seulement admis mais également sanctifiés et établis comme fondements à la loi islamique.
Fort de ses certitudes, l’islam a cru longtemps être à l’abri des questionnements provenant de l’intérieur. Les musulmans ne pouvaient s’interroger sur le contenu du dogme sans risquer l’accusation d’apostasie qui les met au ban de la communauté et les menace dans leur existence. Aucun examen critique des textes sacrés ne pouvait être entrepris car cela aurait été jugé comme une preuve de mécréance. Les remparts élevés autour du coran et de la sunna du prophète ont empêché et empêchent toujours les musulmans de mettre d’accord leur foi avec leur raison. Le doute et l’esprit d’examen ont été bannis, ne laissant pour seul support à la foi que la peur des châtiments, les terrestres et ceux de l’enfer.
La foi islamique s’accompagne d’obligations et d’interdits, les derniers étant de loin plus nombreux. Le pieux musulman doit s’y conformer s’il désire faire partie des élus et éviter l’enfer. Mais la vie quotidienne qui apporte son lot de situations imprévues est une source inépuisable d’interrogations sur ce qui serait licite ou défendu, par conséquent il devient nécessaire de s’en remettre aux autorités religieuses et à leurs décrets (fatwas) pour encadrer les menus détails de la vie quotidienne. On peut à juste titre parler de juridisation de l’existence.
La peur, compagnon fidèle de la foi
L’enfer joue un rôle central dans l’observance des obligations et des interdits. Sans lui l’islam perdrait son emprise et serait vite relégué au musée des religions. C’est la menace de l’enfer qui pousse les musulmans au respect scrupuleux des interdits, de la prière et du jeûne, c’est elle qui les empêche de douter et qui les oblige à persécuter ceux qui osent manifester leurs doutes. Les versets du coran consacrés à l’enfer sont particulièrement nombreux et effrayants, ils laissent peu de place à l’imagination; l’enfer musulman est un lieu de supplice éternel où les damnés sont condamnés à être brûlés et à ingurgiter du métal en fusion; si leur peau est consumée par le feu, une peau nouvelle leur est donnée pour qu’ils puissent continuer à souffrir. On peut imaginer l’effet de ces images sur le psychisme des musulmans, elles engendrent chez eux une peur profonde qui se traduit par la soumission totale et la pratique obsessionnelle de la religion.
Cependant l’observance stricte des obligations de l’islam ne garantit pas le paradis, car le diable (Ibliss) est très habile et ne manque pas de ressources ni de ruses pour faire trébucher le croyant. Seule la mort en combattant pour Allah garantit aux musulmans un accès direct au paradis et à ses délices : jardins peuplés de houris et d’éphèbes à la beauté éternelle où des fleuves de vin et de miel coulent pour les élus. C’est ce qui explique pourquoi les jeunes musulmans endoctrinés acceptent si facilement de se faire tuer dans les opérations suicide.
La peur et le suprématisme, fondements de l’éthique
La toute puissance d’Allah et l’obligation de se soumettre à ses injonctions dispensent les musulmans de se donner une éthique personnelle. Entre le halal (licite) et le haram (illicite), la conscience personnelle n’a pas le droit d’intervenir pour nuancer et encore moins pour questionner. Mais cela va encore plus loin : des actes moralement répréhensibles comme dissimuler, mentir, tromper, mépriser, haïr, agresser, s’approprier le bien d’autrui, deviennent halal s’ils visent les kouffars (infidèles) ou s’ils ont pour objectif de faire avancer la cause de l’islam. Ces actes sont également justifiés par le fait que les musulmans, selon le coran et les hadiths, constituent la meilleure communauté sur terre et qu’ils sont habilités à imposer au reste des humains les normes de l’islam, soit interdire ce qui est haram et permettre ce qui est halal. Comme on peut le constater, dans l’islam la soumission sans questionnements donne la main au suprématisme.
L’observance stricte a pour objet et conséquence d’atténuer la peur. L’effet principal de la soumission est la démission de la conscience. On ne questionne pas Allah et à partir du moment où on se soumet à lui on ne se pose plus de questions. Le doute vient du diable et pour lui faire échec, le conditionnement psychique est nécessaire, aidé en cela par la lecture du coran et les prosternations quotidiennes. Mais il ne faut pas minimiser le rôle de l’autorité religieuse dans ce processus. Elle est la gardienne et l’interprète des textes sacrés et de la loi religieuse (la charia). Avec un mélange habile d’érudition et de rhétorique brutale, les imams réussissent à endoctriner facilement la foule des croyants.
Mais les imams ne se contentent pas d’endoctriner. S’adressant à Allah au nom des musulmans, ils y vont de leurs invocations (douaa) contre les ennemis de l’islam, soit les juifs et les chrétiens. C’est durant la prière du vendredi que ces invocations sont diffusées des haut-parleurs des mosquées, elles sont également bien audibles dans les rues et les places publiques. On note peu de variations d’une semaine à l’autre : Allah est prié d’abaisser, d’humilier et d’annihiler les chrétiens et les juifs décrits comme étant les descendants des singes et des porcs, on le prie de rendre veuves leurs femmes et orphelins leurs enfants et de donner la victoire et la suprématie à la oumma islamique.
La majorité des musulmans qui écoute ces invocations ne s’en scandalise pas ; c’est que les imams n’expriment pas une opinion contraire à la religion, ils ne font que se conformer à la lettre du coran et à la dernière parole que Mahomet a prononcée sur son lit de mort alors qu’il a donné sa malédiction aux gens du livre (les juifs et les chrétiens).
L’éveil inégal de la conscience
Est-il possible de jauger l’éthique personnelle des musulmans, non l’éthique résultant de l’inculcation des enseignements religieux mais celle que la personne a cultivée en elle-même ? La réaction des musulmans face aux crimes perpétrés par les djihadistes est vraisemblablement un indicateur fidèle.
Le spectacle des attentats sanglants et les horreurs qu’ils engendrent ne laissent pas les musulmans indifférents. Il y a ceux qui crient Allah Akbar et se réjouissent de la victoire contre les mécréants. Les vies fauchées, les mutilations et les souffrances des victimes témoignent de la volonté d’Allah de punir sévèrement les kouffars ; ceux qui commettent ces attentats ne sont que les instruments de sa toute-puissance.
Il y a ceux qui éprouvent un malaise mais s’interdisent de remettre en question le fondement moral de la guerre contre les incroyants, ils choisissent simplement de ne pas en parler.
Il y a ceux qui rationalisent les attentats en rejetant la responsabilité des conflits sur les ennemis de l’islam, l’Occident et les juifs ; ils ne peuvent se défaire du malaise qu’engendre le spectacle des horreurs perpétrées au nom de leur religion, mais ils ne se laissent pas prendre par le sentiment de culpabilité.
Il y a ceux qui cherchent par tous les moyens à exonérer l’islam de la responsabilité des attentats ; c’est là une autre façon d’éloigner le sentiment de culpabilité sans remettre en question les fondements de l’éthique islamique. Ils condamnent leurs auteurs et prétendent que leur interprétation du coran est erronée, ils placent les versets violents dans leur contexte historique et prétendent qu’ils étaient valables uniquement pour l’époque de Mahomet et des premiers califes.
Il y a ceux qui ne peuvent se faire à l’idée que les chrétiens qu’ils côtoient tous les jours et avec qui ils entretiennent des rapports amicaux sont les ennemis de l’islam et des musulmans. Ils éprouvent aussi de la difficulté à voir dans les pays occidentaux des ennemis, qui plus est ces mêmes pays accueillent les musulmans par millions et leur accordent tous les droits ainsi que les moyens de mener une vie honorable, qu’en cela ils se montrent bien plus respectueux des musulmans que les pays islamiques. Ce constat les incite à remettre en question l’attitude des autorités religieuses et des fondamentalistes, et à prétendre qu’un grand malentendu est à la base des problèmes.
Il y a finalement ceux qui font preuve de lucidité et s’interrogent sérieusement sur le bien-fondé de l’islam en tant que religion. Ils refusent de reconnaître l’origine divine des versets coraniques violents et condamnent ouvertement toute violence religieuse. Leur démarche les conduit dans la plupart des cas à renoncer à la pratique religieuse et même à abjurer.
La double vie
Comment être musulman et vivre dans l’époque présente ? Comment permettre à l’islam de régler tous les détails de sa vie dans le contexte de la modernité ? Comment mépriser et haïr les incroyants (les kouffars) et entretenir avec eux des rapports au quotidien ? Ces questions, les musulmans qui vivent en Occident les posent à ceux qui ont pour fonction de diriger leur conscience. Les réponses qu’ils obtiennent sous forme de directives les amènent invariablement à mener une double vie. Celle-ci ne peut-être conduite sans anesthésie ou démission de la conscience individuelle, mais bien souvent elle amène les personnes à rejeter le dogme islamique et la tyrannie qu’il exerce sur les esprits.
Rédigé le 18/01/2011 dans Chronique d’Hélios d’Alexandrie,