Un article percutant d’Irfan Husain dans Dawn, un quotidien pakistanais. Il souligne la disparité de traitement des migrants en Occident et dans le monde arabo-musulman. Nos médias et les instances onusiennes parlent peu du traitement effrayant des travailleurs migrants au Moyen-Orient et du racisme des arabes envers les musulmans non-arabes, préférant s’émouvoir sur des minarets en Suisse et une mosquée parmi tant d’autres à New York. Un deux poids deux mesures raciste, mais quand c’est le racisme politiquement correct des progressistes (il ne faut surtout pas stigmatiser l’islam), ça passe.
A noter que Tarek Fatah est cité dans l’article.
Parmi les nombreuses tragédies quotidiennes que vivent les migrants asiatiques, les fléaux du harcèlement, des violences physiques et de la cruauté sont les conditions à subir pour garder leur emploi.
Dans un article récent, le Daily Mirror nous a informés que plus de 300 employées du Sri Lanka avaient quitté Bahraïn ces six derniers mois, se plaignant de «violences physiques, harcèlement sexuel, non-paiement des salaires et surcharges de travail».
Selon M. Higgoda, consul honoraire du Sri Lanka à Baraïn : «Nous avons plusieurs cas où des domestiques ont été violentées par leurs employeurs. Certaines n’étaient pas rémunérées, d’autres ne recevaient aucun soin médical, étaient mal nourries, non autorisées à rentrer dans leur pays, et subissaient des violences de toutes sortes … Si les domestiques quittent leur poste de travail pour aller se plaindre à la police, leurs employeurs les accusent d’avoir fugué, elles sont alors déportées, après un séjour en prison».
Un des cas les plus dramatiques est certainement celui de Madame Sumiati Binti Salan Mustapha, une domestique indonésienne de 23 ans employée en Arabie Saoudite, qui a été récemment hospitalisée, car son employeur avait découpé son visage et ses lèvres avec des ciseaux, et appliqué un fer brûlant sur son corps. Regarder son visage est cauchemardesque. Pour autant que je sache, ses employeurs saoudiens sont toujours en liberté, malgré les promesses faites par le gouvernement saoudien aux autorités indonésiennes, d’enquêter sur ces tortures.
[…] Chaque année 80 000 Indonésiens viennent travailler en Arabie Saoudite. En évoquant ces agressions, le Ministre des Affaires étrangères indonésien déplore : « Tout le monde connaît ces agressions, elles se produisent chaque jour, mais aussi bien les employés que le gouvernement ont désespérément besoin de ces devises, d’où cette conspiration du silence. Selon Human Rights Watch, beaucoup de ces domestiques asiatiques subissent des «conditions d’esclavage». L’Arabie saoudite à elle seule, emploie 8.8 millions de ces travailleurs étrangers, venus du Pakistan, de l’Inde, du Bangladesh, du Sri Lanka et de l’Indonésie, ce qui donne deux travailleurs étrangers par Saoudien.
Malgré leurs terribles conditions de travail, ou la durée de leur séjour, aucun de ces pauvres travailleurs ne recevra jamais la nationalité. Ils sont soumis à des abus constants, mais aucune loi ne les protège. Ignorés par la police et leurs propres gouvernements, ils craignent leur déportation s’ils quittent leur employeur. Un tel schéma se répète partout au Moyen-Orient où des centaines de cas de violence et d’abus sont rapportés. Dubaï a construit ses gratte-ciel avec la sueur et la peine de dizaines de milliers d’ouvriers du Sud-Est Asiatique brutalement exploités, et pourtant ils sont restés invisibles aux clients de cet îlot du clinquant, dégoulinant d’or.
Ensuite, nous avons vu également le scandale des garçonnets jockeys – des enfants de cinq à six ans- attachés sur des chameaux de course. Plusieurs enfants sont morts en chutant dans une course, d’autres sont restés handicapés à vie. Il a fallu des années de pressions internationales pour convaincre les EAU de bannir cette pratique scandaleuse. Pendant longtemps, les gouvernements successifs pakistanais restèrent des spectateurs muets, de ces crimes.
Les travailleurs migrants sont exploités dans le monde entier car ils sont souvent employés au noir, avec peu de droits et peu de protection sociale, mais nulle part ailleurs, ils ne subissent des abus aussi flagrants qu’au Moyen-Orient […]. Si ces travailleurs d’Asie subissaient de tels sévices et abus en Occident, les medias et les militants associatifs occidentaux auraient sonné l’alarme.
En fait, en Occident, des millions de migrants ont même obtenu la nationalité des pays dans lesquels ils vivent et travaillent. Leurs familles et eux-mêmes bénéficient des avantages sociaux, de l’éducation gratuite, des soins médicaux, et surtout, de la protection de la loi.
Quelles sont les causes de ces abus des faibles si largement répandus dans le Moyen-Orient arabe ? Très clairement, il existe un profond mépris envers tous ceux qui ne sont pas de descendance arabe. Les travailleurs occidentaux y reçoivent un statut privilégié, mais tous les autres employés non-arabes y subissent le racisme le plus cru. Malgré nos tonitruantes proclamations de l’égalité censée exister dans les sociétés musulmanes, ces doubles standards sont connus de tous, et pourtant, très peu d’entre nous n’osent en parler. Ce racisme inhérent au monde arabe plonge ses racines dans les premiers jours de l’islam. Tarek Fatah, l’intellectuel Pakistano-Canadien, a cité Maulana Maudoudi, le fondateur du Jamat-i-Islami, dans son livre renversant «Chasing a mirage »:
«Dès le début, le gouvernement Umayyades a pris les couleurs d’un gouvernement arabe dans lequel l’égalité des Arabes et des non-Arabes était niée. En violation même des principes islamiques, les dirigeants Arabes ont imposé la taxe de la Jazia aux musulmans non-Arabes… Les musulmans non-Arabes comprirent vite qu’ils étaient de fait, les esclaves des Arabes… ».
Fatah cite également le Professeur Liyakat Takim de l’Université de Denver :
«…Sous les Umayyades, entre 661 et 750), les musulmans Arabes bénéficiaient d’un statut honorifique, reléguant, du même coup, les musulmans non-Arabes à la catégorie de citoyens de seconde zone. Malgré les injonctions coraniques à l’égalitarisme, l’orgueil des Arabes envers leur identité arabe se réaffirma dès la mort du Prophète (PBUH). Les convertis non-Arabes, quel que soit leur statut antérieur, furent traités en citoyens de seconde zone ».
Par conséquent, si telle est leur attitude envers des musulmans non-Arabes, imaginez ce qu’ils ressentent envers des Asiatiques non-musulmans. Il est évident que ces tournures d’esprit se sont même renforcées avec le temps. Actuellement, avec des egos boursouflés par les milliards de dollars de l’or noir, par une richesse nouvelle et imméritée, due uniquement à un accident géologique, la plupart des Arabes Moyen-Orientaux, s’imaginent qu’ils ont été choisis entre tous, et sont en droit de maltraiter ceux qui ont eu moins de chance.
Cette version moderne de l’esclavage va perdurer, jusqu’à ce que les gouvernements exportant ces travailleurs en surplus vers le Moyen-Orient, ne commencent enfin à affirmer la légitimité de leurs droits.
Irfan Husain, publié par Aschkel
L’onu aux mains des dirigeants de L’organisation de la Conférence Islamique se tait.
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Source : Slavery in our times, par Irfan Husain, Dawn, 24 novembre 2010. Traduction partielle par Marie pour Poste de veille