Selon l’article 2 de la Constitution française du 04 octobre 1958, la France « est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. »
La France est-elle encore une République laïque ? Permettez-moi d’en douter quand on voit que Monsieur Accoyer, président de l’Assemblée nationale et rien moins que le quatrième personnage de l’Etat français, semble avoir cédé au diktat du Conseil français du Culte musulman en annulant, la semaine dernière, une conférence intitulée « Immigration, islamisme, la France en danger », organisée dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
Monsieur Accoyer est-il, du reste, directement à l’origine de cette annulation ? Personne ne peut l’affirmer. Certes, il y a une forte présomption qui permette de le croire. Mais les présomptions, en droit français, ne font pas toujours la preuve. Pour autant, je note que le président de l’Assemblée nationale ne s’est toujours pas exprimé officiellement sur cette affaire depuis maintenant six jours. Pourquoi ce silence si lourd ? En s’enfermant dans un tel mutisme, Monsieur Accoyer ne confirme-t-il pas être malgré tout à l’origine de cette décision si l’on suit le proverbe bien connu : « Qui ne dit mot consent » ?
La France est-elle encore une « République indivisible » ? Pas certain. Si elle l’est encore, ses représentants doivent alors se souvenir d’urgence qu’ils ne peuvent en aucun cas s’arroger le droit de bafouer :
· Le monopole du Parlement, représentant de la souveraineté nationale. Qui me dira encore que la ou les personnes qui ont accepté de se coucher devant la fatwa du Conseil du Culte musulman sont encore dignes de garantir le monopole du Parlement au sein de la République française ?
· Le principe d’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de couleur de peau ou de religion. Or, que se passe-t-il ici ? Nous sommes face à une association qui, en l’espèce, décrète que les personnes initiatrices ou associées à cette conférence, auraient été déchues de leur qualité de citoyen français dès lors qu’elle considère qu’elles ne sont pas ou plus dignes de s’exprimer dans le haut lieu de la République française qu’est l’Assemblée nationale.
· L’uniformité du droit applicable sur l’ensemble du territoire national. Quelle loi française permettrait à une association de violer impunément la loi de Séparation des Eglise et de l’Etat de 1905 en vertu de laquelle la république ne peut confondre la sphère du politique avec celle du religieux ? Que dirait-on si le Grand Rabbin de France donnait l’ordre au président de l’Assemblée nationale ou à tout élu d’interdire une conférence sur un thème qui ne lui conviendrait pas ? Nul ne doute que nous verrions alors la Ligue des Droits de l’Homme, S.O.S Racisme, l’Union des familles laïques et tous ceux qui ne manquent jamais une occasion de hurler avec les loups, s’ériger en défenseurs de la Loi de 1905. Et, une fois n’est pas coutume, ils auraient raison au nom du principe de la séparation du politique et du religieux. Mais dans ce cas, pourquoi n’entend-t-on pas les mêmes condamner la posture du Conseil du Culte musulman dans la présente affaire ? Le concept de laïcité n’interdit évidemment pas aux autorités religieuses de s’exprimer sur tel ou tel sujet de société. Mais le débat est une chose, la fatwa en est une toute autre !
· L’emploi exclusif de la langue française. Les initiateurs et participants à cette conférence ne s’exprimaient-ils pas en français ? J’invite tous ceux qui en douteraient à regarder et à écouter la vidéo mise en ligne par Riposte Laïque vendredi dernier.
La France est-elle encore une République démocratique ? De moins en moins de toute évidence. Comment ne pas en être convaincu quand une association représentant les musulmans de France interdit l’organisation d’un débat démocratique ? Depuis quand le Conseil français du Culte musulman est-il habilité à dire aux représentants de la République française qui n’aurait plus le droit de s’inscrire et de participer à un débat démocratique, contradictoire et public ? Heureusement que nous ne vivons pas en Iran car, à coup sûr, ceux qui étaient présents ce jeudi soir devant l’Assemblée nationale croupiraient à l’heure actuelle dans une geôle sordide ….. nourrissant en vain l’espoir d’en ressortir un jour !
Ce qui est très grave dans cette affaire, ce sont les conséquences qu’auront tôt ou tard les violations constantes aux principes fondamentaux inscrits dans la Constitution française. Vous savez, la Constitution voulue par De Gaulle puis conçue et rédigée par Michel Debré, celle dont nombre d’élus ne cessent de s’autoproclamer les garants de l’héritage gaulliste …
En vérité, à force de vouloir étouffer la parole citoyenne, à force de mépriser les citoyens de ce pays qui veulent participer à des débats locaux qui ont des enjeux nationaux, à force de faire comprendre à des millions de Français qu’ils ne seraient pas des Français à part entière sous prétexte qu’ils veulent exprimer leur ras-le-bol face aux atteintes préoccupantes portées aux lois les plus élémentaires de la République française qu’ils constatent dans leur vie quotidienne, le Conseil du culte musulman vient en fin de compte de rendre un immense service à d’autres extrémismes qu’il prétend pourtant combattre.
Alors, vous savez ce qui va se passer, à ce rythme là ? Moi, je vais vous dire ce à quoi nous allons assister et peut-être probablement plus vite qu’on ne le croit : en 2012, le Front National sera présent au second tour et il pourra dire merci au Conseil français du Culte musulman de lui avoir servi si généreusement la soupe en lui permettant de trouver des arguments aisés pour démontrer que la France n’est plus ou ne sera bientôt plus une République laïque, démocratique et indivisible. Et à ce moment là, évidemment, nous verrons les mêmes, les associations droits-de-l’hommistes, les socialistes, les communistes, les trotskistes, les centristes, ceux de l’U.M.P qui jurent que jamais le Front national ne passera dans ce pays, supplier sur toutes les antennes de télévision et toutes les radios de France, leurs concitoyens de descendre de toute urgence et en masse dans la rue pour appeler à ne pas voter pour le Front national, oubliant allègrement le silence complice qui aura été le leur dans les décisions imposées ici ou là depuis des années par des autorités qui n’ont en aucun cas le droit d’empêcher les citoyens français de s’exprimer démocratiquement. Malheureusement, il sera trop tard, ce jour là, pour venir verser des larmes. Trop tard car une colère sourde monte dans ce pays. Elle ne vient pas seulement des banlieues. Non, elle trouve aussi ses racines en province, notamment dans ce monde paysan que nos élites parisiennes qualifient avec mépris de « France profonde ». Comprenez donc de « France raciste » qu’elle n’est en aucun cas. C’est juste oublier le rôle qu’a joué cette France profonde quand il a été question de sauver des familles et/ou enfants juifs qui ne discutaient pas à manger du porc, des communistes mais aussi des Français qui n’étaient ni juifs ni communistes mais tout simplement des résistants qui avaient refusé de se soumettre à ce Pétain décidé à vendre ce pays à l’occupant. N’adoptez pas un esprit négationniste à son encontre car le silence de la France provinciale, des grandes villes de province jusqu’à la plus petite bourgade d’une centaine d’habitants, c’est un silence de résistance. Elle ne perd pas son temps dans de grands discours stériles et ennuyeux. Néanmoins, n’en doutez pas : elle écoute, entend et s’insurge, parfois du haut de son grand âge, de toutes les meurtrissures qui blessent cette terre, ses usines, ses mines, ses écoles, les principes et symboles de cette république qu’elle a contribués, au fil des siècles, à mettre au monde et à façonner de ses mains. Le jour où cette France multiséculaire qui « tient l’avenir serré entre ses mains fines » (Jean Ferrat), née d’hommes et de femmes venus de tous horizons, si intime tant elle fait partie de nous tous, se mettra en colère, la classe politique française tremblera. Et, à mon avis, pas seulement la classe politique.
En conséquence, je demande à Monsieur Accoyer, président de l’Assemblée nationale, de bien vouloir revenir sur la décision d’annulation qui a été prise afin de permettre enfin la tenue de la conférence souhaitée par Riposte Laïque.
En la circonstance actuelle, chaque républicain élu digne de ce nom devrait se souvenir de ces paroles de Paul Eluard :
« Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour le connaître
Pour te nommer »
Liberté
Allez, ne bradons pas notre héritage culturel, Monsieur Accoyer. Il est déjà suffisamment abîmé, non ?
Bonapartine.
http://lessakele.over-blog.fr/article-que-reste-t-il-de-la-republique-fran-aise-a-l-heure-de-la-fatwa-du-c-f-c-m-bonapartine-58260607.html