Une documentariste israélienne exhume un secret de famille et le cauchemar commence.
«J’ai posé des questions dans ma famille, et me suis aperçue que j’étais la seule à ignorer que ma grand-mère avait une sœur», explique cette jeune femme blonde aux yeux clairs. «L’histoire commence en 1940, dans le moshav de Yavniel, près du lac de Tibériade, où vivaient mes arrière-grands-parents maternels. Ils avaient deux filles, Rachel et Pnina. Seule famille séfarade (Juifs orientaux) dans une communauté d’immigrants ashkénazes venus d’Europe de l’Est, ils étaient méprisés, considérés presque comme des Arabes par les autres habitants du moshav.» Lorsque Pnina tombe enceinte à 14 ans des œuvres d’un jeune Juif de passage, c’est un scandale dans la famille. Reniée par les siens, la jeune adolescente s’enfuit, et disparaît. En pleine Seconde Guerre mondiale, personne ne fait l’effort de la rechercher et sa famille la considère comme morte.
Pnina est pourtant bien vivante. Elle a rencontré un marchand de légumes palestinien de Jaffa, l’a épousé, s’est convertie à l’islam, et a eu avec lui huit enfants. Contraints de fuir Jaffa pendant la guerre de 1948, ils se sont retrouvés dans un camp de réfugiés de Naplouse, en Cisjordanie.
Noa décide de mener l’enquête sur la disparition de Pnina, et d’en faire un film. Tous ses parents lui conseillent de ne pas remuer le passé. Mais elle persévère. L’enquête se révèle plus facile que prévu. «Je suis allée voir mon oncle Shmulik Ettinger, qui avait été colonel dans l’armée israélienne, raconte Noa. Ancien gouverneur militaire de Ramallah, il avait gardé des contacts dans le Shin Beth, les services de sécurité intérieurs.» L’oncle Shmulik connaissait l’existence de ces cousins palestiniens, mais, craignant pour sa carrière, avait toujours évité de renouer le contact.
Il n’a aucune peine à retrouver le numéro de téléphone de Selma, la fille de Pnina, qui vit toujours dans le camp de réfugiés de Naplouse. Tout commence par d’émouvantes retrouvailles entre les cousins israéliens et palestiniens, dans la belle maison arabe de Jérusalem de l’oncle Shmulik. Mais passé l’émotion, tout se complique très vite, et vire peu à peu au cauchemar. «Selma a commencé à demander de l’argent, de l’aide de Shmulik pour obtenir des papiers, des permis pour son mari originaire de Gaza, dit Noa. On essaye de l’aider, mais c’est sans fin, il lui faut toujours plus.»
Lorsque le mari de Selma, est arrêté à Tel-Aviv, et risque d’être déporté à Gaza, l’oncle Shmulik joue de ses relations pour le faire libérer. Il verse une caution d’environ 2800 €, qu’il perd quand le mari est arrêté à nouveau sans papiers en Israël. «Mon oncle Shmulik dit qu’il n’en peut plus, que les demandes de Selma ne cesseront jamais».
«Comme une métaphore de la situation actuelle»
Le film documentaire que Noa Ben Hagaï a tiré de son enquête, Relation de sang a déjà reçu de nombreux prix, et doit être présenté prochainement au festival du film documentaire de Montpellier.
Mais ce succès n’a fait qu’accroître les demandes de Selma, qui réclame à présent de l’argent pour s’acheter une maison. Considérée comme juive par la loi israélienne, elle a aussi fait une demande de nationalité israélienne. Des dizaines de cousins palestiniens, à Gaza et en Cisjordanie, se sont aussi manifestés. Certains sont des militants du Hamas.
Pour Noa, militante de gauche hostile à l’occupation, cette tragédie familiale devient un drame personnel. «Je crois en un État binational. Je pensais qu’au moins au sein de ma famille, Juifs et Arabes pourraient vivre en harmonie. Et en fait, ça ne marche pas. C’est triste. Je me sens coupable.»
«Je me demande parfois si j’ai bien fait de mener cette enquête et de faire ce film. L’histoire se répète comme dans une tragédie. Nous avons abandonné Pnina, et maintenant nous abandonnons Selma. C’est comme une métaphore de la situation politique dans laquelle nous nous trouvons. Mais on ne peut sans doute pas échapper au passé, surtout quand le présent est aussi chaotique.»
22/10/2010 | Mise à jour : 20:55
Par Adrien Jaulmes
ouvrir une boîte e pandore a toujours fini par causer des problèmes, le mieux dans certain cas c’est de ne rien faire. c’est triste mais c’est encore la meilleure solution.